2001 Maniacs

Un texte signé André Quintaine

USA - 2005 - Tim Sullivan
Interprètes : Robert Englund, Lin Shaye, Giuseppe Andrews, Jay Gillepsie, Marla Malcolm

C’est en 1964 que Herschell Gordon Lewis réalisa 2000 MANIACS que beaucoup considèrent comme étant son meilleur film. Un an après avoir créé un mouvement indépendant anti-Hollywoodien avec BLOOD FEAST, le pape du gore revenait avec cette histoire dans laquelle un village fantôme sudiste se venge une fois tous les 100 ans des exactions commises par des nordistes durant la Guerre de Sécession. Prenant pour cibles de malheureux touristes de passage, les revenants font la fête et tuent joyeusement dans une ambiance qui, aujourd’hui encore, dérange, tant la violence est hystérique.
Né en 1964, Tim Sullivan a longtemps travaillé dans le milieu du cinéma avant de passer enfin à la réalisation avec 2001 MANIACS. Après avoir participé au cultissime THE DEADLY SPAWN de Douglas McKeown, il étudie le cinéma et se fait la main en travaillant pour MTV ainsi que sur quelques productions mainstream (COCTAIL, LE PARRAIN 3…). En 1990, il entre à la New Line où il fait de nombreuses connaissances et où il rencontre par exemple Robert Englund, acteur pour lequel il écrit d’ailleurs le personnage du maire dans 2001 MANIACS. En 1999, il co-produit DETROIT ROCK CITY où une bande de jeunes cherche à participer à un concert du groupe Kiss. C’est quelques temps après la fin du tournage de ce film que Tim Sullivan rencontre Chris Kobin, le détenteur des droits des remakes des films de HG Lewis (David Friedman et Herschell Gordon Lewis ayant visiblement oublié de les renouveler). Tim Sullivan et Chris Kobin commencent donc l’écriture du scénario de 2001 MANIACS. A ce moment-là, nous sommes en 2000, ils pensaient tous les deux que le film sortirait en 2001, d’où le titre. Malheureusement, les choses ne se passent pas comme ils le prévoyaient et ils rencontrent de nombreuses difficultés pour trouver un financement. Finalement, les choses se mettent en route après la sortie de CABIN FEVER.
Grâce au succès financier du premier film d’Eli Roth, ce dernier fonde avec Scott Spiegel et Boaz Yakin sa compagnie de production : Raw Nerve. C’est elle qui s’engage alors à verser la moitié du financement du film de Tim Sullivan.
Le principe de 2001 MANIACS reste le même que celui du film culte de HG Lewis puisque nous retrouvons les habitants de Pleasant Valley détournant les malheureux qui se sont égarés sur une route jouxtant leur village. Ce dernier a connu un terrible drame durant la Guerre de Sécession lorsqu’une armée de yankees a décimé tous les habitants. Depuis, tous les ans, les fantômes des Sudistes massacrés vengent cet affront en organisant une fête durant laquelle ils torturent et tuent une demi-douzaine de yankees !
Si le scénario est identique à celui du film de Herschell Gordon Lewis, la période n’est plus la même. Les malheureuses victimes, par exemple, sont quelque peu rajeunies…
Le début de 2001 MANIACS fait très peur et plus particulièrement cette séquence d’ouverture durant laquelle nous assistons à un cours d’université sur la Guerre de Sécession. Pendant que le professeur commente des diapositives qui sont projetées derrière lui, un petit malin intervertit les vignettes avec celles d’une beuverie entre potes… Qu’est-ce qu’on se marre… On craint alors le pire, d’autant plus que les secondes suivantes confirment notre appréhension grandissante avec la présentation de nos héros qu’on croirait sortis d’un catalogue de la Redoute. Les garçons sont cools, mignons, propres sur eux, pas un gramme de graisse en trop et pas trace non plus d’un malheureux poil qui aurait eu la mauvaise idée de pousser sous la peau et de provoquer un hideux bouton. Quant aux filles, c’est à peu de choses près la même chose. Elles sont toutes « canons » selon les critères actuels, mais sans charisme et tout aussi superficielles que les garçons. Elles sont tout juste bonnes à s’essuyer avec et ne valent pas tripette devant Connie Mason, par exemple, la fabuleuse pin-up du film de Herschell Gordon Lewis.
Dès lors, 2001 MANIACS se situe à cent mille lieux de son prédécesseur. 2000 MANIACS se vautrait avec plaisir dans l’exploitation à gogo. L’objectif était de choquer, révulser, d’attirer le spectateur avec des images répulsives. Face au graveleux film de HG Lewis, celui de Tim Sullivan est à l’image de ses héros beaux, jeunes et cool : un divertissement fun. Il s’éloigne radicalement du film du pape du gore et ne parvient ni à révulser, ni à mettre mal à l’aise son audience. Exit l’humour noir, vulgaire et détonnant de 2000 MANIACS. A la place, nous obtenons un humour également noir, certes, mais qui s’oriente délibérément vers le divertissement à grande échelle et pour tout public. Là où le film de HG Lewis faisait rire jaune, celui de Tim Sullivan ne fait qu’amuser la galerie.
Le public concerné n’est pas le même et il a de toute façon bien changé. 2001 MANIACS vise d’emblée les ados tout en contribuant à imposer une vision propre et lisse de la société. Superficiel, Tim Sullivan impose un véritable ordre moral avec son remake à l’occasion du seul moment du film où il quitte le plan du divertissement pour nous infliger un discours sur le respect que l’on doit aux anciens et en particulier aux victimes de guerre. Un discours moral d’un côté et une apologie de la société superficielle qui ne s’intéresse qu’à l’apparence de l’autre… Tout le contraire d’un « vrai » film d’horreur en somme…
Reconnaissons tout de même que la critique est un peu facile et injuste car, sur la forme, en revanche, le film de Tim Sullivan est l’un des rares à renouer avec le film d’horreur old school.
En effet, à côté de ses concessions, 2001 MANIACS s’inscrit pleinement dans la tradition du slasher de nos bonnes vieilles années 80. On est loin des SCREAM et autre insipides navets tardifs signés Wes Craven. 2001 MANIACS renoue avec ces petits films d’horreur basiques du style de VENDREDI 13 dont le rythme extrêmement serré (un meurtre gore toutes les 10 minutes) évitait l’ennui et garantissait des effets gores 100% naturels au latex actif et non pas dopés aux hormones numérisées. Si aucune des joyeuses exécutions du film de Tim Sullivan n’égale les moments cultes de l’original que sont l’amputation d’un bras et le meur-tre dans le bidon clouté, leur originalité et l’efficacité de leur mise en image sont largement suffisantes pour donner du baume au cœur aux nostalgiques des films d’horreur de papa. Le démembrement de la première victime dont les bras et les jambes sont attachés par des cordes à quatre chevaux restera, par exemple, dans les mémoires…
De même, si les héros sont tous superficiels, les méchants, quant à eux, sont heureusement charismatiques. Robert Englund, le maire chef de file de la petite ville de Pleasant Valley est parfait dans ce rôle. Mais celui qui a immortalisé Freddy Kruger n’est pas seul à s’imposer sur l’écran. Lin Shaye que l’on a vue dernièrement en mère hystérique dans l’excellent DEAD END est délicieuse dans son rôle de redoutable mère-grand. Le personnage du gamin qui passe son temps à courir après les chats pour leur tordre le cou (étonnant dans le film de Lewis mais en bien plus jeune qu’ici) est également troublant dans le métrage de Tim Sullivan.
Il sera donc difficile pour tout fan de films d’horreur old school de bouder son plaisir car Tim Sullivan a su retrouver l’essence du film d’horreur des années 80. Tim Sullivan connaît le cinéma et cela se voit dans sa mise en scène. De même, la présence de nombreux clins d’œil et caméos n’entachent jamais la vision du film car ils sont subtilement insérés dans l’histoire et jamais marqués d’un gros trait au feutre rouge. Dans un petit rôle, on aura ainsi la surprise de découvrir Bill McKinney (l’inoubliable violeur de DELIVRANCE), mais aussi John Landis (en bonus sur le dvd seulement car sa prestation a été coupée au montage).
Si Tim Sullivan a principalement retenu du cinéma des années 80 son aspect divertissant et pas celui contestataire, ce n’est déjà pas si mal, en particulier lorsqu’on voit de quelle façon les grands studios refont les anciens classiques du cinéma d’Horreur (MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, AMITYVILLE…). De par sa volonté de rester à l’écart des grosses productions et sa passion pour le genre, Tim Sullivan représente une valeur sûre du cinéma horrifique et indépendant. Tobe Hooper l’a d’ailleurs bien compris en lui confiant l’écriture du scénario de son nouveau film.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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