24 heures chez les martiens

Un texte signé Alexandre Thevenot

USA - 1950 - Kurt Neumann
Titres alternatifs : Rocketship XM
Interprètes : Lloyd Bridges, Osa Massen, John Emery

Dans un centre de lancement spatial, des scientifiques vivent les dernières minutes avant l’envoi d’une nouvelle fusée : la rocketship XM. Sa mission est d’emmener cinq astronautes sur la lune, quatre hommes et une femme. Les préparatifs de départ effectués, la fusée décolle. L’émerveillement et la beauté de l’espace offrent d’abord le plus grand intérêt. Mais alors que la fusée rencontre un champ de météorites, les astronautes se rendent compte qu’elle dévie de sa trajectoire initiale. Ils ne vont plus sur la lune, mais vers la planète Mars.

Kurt Neumann est un cinéaste peu connu. Il est pourtant l’auteur du film LA MOUCHE NOIRE, son dernier métrage, qui a bénéficié d’un célèbre remake LA MOUCHE de David Cronenberg. Du début des années 30 à la fin des années 50, il a entièrement œuvré pour le cinéma populaire américain jonglant avec de nombreux genres. Rien ne lui à permis de jouir d’une plus grande notoriété.

On comprend rapidement pourquoi à la vue de 24 HEURES CHEZ LES MARTIENS qui présente tous les aspects d’un film fait sur commande et tourné en peu de temps. Il développe son histoire sur un genre naissant aux États-Unis : le film de science fiction. Il est d’ailleurs tourné juste après DESTINATION LUNE (Irving Pichel), premier grand film du genre auquel il essaye de faire concurrence. Mais l’intrigue se perd un peu dans quelques longueurs à cause d’un scénario peu fourni en péripéties, même si la durée n’est que d’1h15. L’histoire autour du personnage féminin n’a pas très bien vieillie tant elle accumule, avec lourdeur, des réflexions sur le statut de la femme scientifique. Le manque de budget se ressent à plusieurs moments, notamment à la fin quand les protagonistes sont sur Mars : il y a peu de figurants, ils n’ont pas d’habits sophistiqués, les effets spéciaux sont artisanaux et ne convainquent qu’à moitié.

Cependant, tout n’est pas à jeter et l’on retiendra de ce film essentiellement sa façon autre d’aborder la science fiction. Ici point d’envahisseurs hostiles qui veulent détruire les hommes et l’univers, point non plus de menace de conflit (tout cela viendra quelques années plus tard), mais juste la conquête spatiale, les avancées de la science ainsi que la vision, sur Mars, d’un monde post-atomique potentiel. De plus, le prétexte du voyage permet de filmer de façon réaliste tous les phénomènes auxquels sont confrontés les astronautes. La moitié du film se contente de développer la nature et les relations de chaque personnage. On s’émerveille avec eux de voir la beauté de la terre lorsqu’on s’en éloigne et de sentir la poésie qui peut découler de cette position privilégiée. On prend part à la vie quotidienne et aux différentes étapes qui ponctuent la route vers Mars. Tout cela dégage un charme particulier qui n’est pas sans faire penser à certaines scènes de CROISIERE SIDERALE (André Zwoboda), dans la façon de présenter l’émerveillement que peut susciter un tel parcours.

Enfin si le budget n’est pas très élevé, il faut convenir de l’efficacité du réalisateur. En plus de s’attarder plus ou moins habilement sur des passages peu couteux, il n’hésite pas à filmer en monochrome de couleur rouge toutes les séquences qui se déroulent sur Mars, la planète rouge.
Il est également agréable de voir comment les martiens sont représentés….Neumann recycle, en fait, toute l’imagerie du western : peaux-rouges (sans jeu de mots), étendues désertiques et rocheuses, conquête de l’Ouest. Tout se superpose ici dans la science fiction avec la planète Mars, les martiens et la conquête spatiale. Au fond, il est curieux et rare de voir comment la frontière entre les deux genres peut être si mince.

24 HEURES CHEZ LES MARTIENS n’est pas un film majeur du cinéma de science-fiction américain. Cependant de nombreux éléments en font une heureuse découverte. Il s’agit d’abord du discours sous-jacent sur les conséquences de la destruction atomique qui en fait un film pacifiste. Débarrassé de son discours politique, le film vaut particulièrement pour sa manière de montrer la réalité du voyage, pour ses quelques effets ingénieux et sa façon de réutiliser sur Mars quelques ingrédients qui ont fait les recettes du western. Dans tous les cas, le film est plus intéressant que son titre le laisse suggérer…


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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