5150, rue des Ormes

Un texte signé André Cote

Québec - 2009 - Eric Tessier
Interprètes : Marc-André Grondin, Normand D'Amour, Sonia Vachon, Mylène St-Sauveur, Elodie Larivière...

Yannick Bérubé est un jeune étudiant en cinéma. Il vient de recevoir sa caméra. Lors de ses repérages, il est victime d’une chute de vélo. Le jeune homme demande de l’aide à la première maison qu’il trouve dans la rue des Ormes mais découvre bien vite que les apparences sont trompeuses.

Un petit avertissement s’impose : 5150, RUE DES ORMES fait partie de ces films où il est conseillé d’en savoir le moins possible afin d’en savourer au mieux la découverte. Cette mise en garde ne concerne pas un quelconque twist qui serait ici dévoilé mais porte sur l’originalité du métrage : une originalité qui repose sur la tournure des événements que nous allons étudier. Le conseil est donc de vous plonger dans cette production québécoise et d’en déguster chaque instant. Si vous aimez les pellicules qui semblent sortir de nulle part et qui se jouent des codes pré-établis, arrêtez tout de suite cette lecture. Sachez juste que 5150, RUE DES ORMES est fait pour vous.
En revanche, si vous tenez à vous gâcher la surprise, vous pouvez continuer à suivre ces lignes. Pour commencer, le long-métrage peut être classé dans le « survival ». Un genre qu’il est bien difficile de renouveler tant il est balisé depuis les années 70/80, avec des œuvres tels que MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE ou HITCHER. Des classiques qui ont imposé un canevas maintenant galvaudé : des personnes ordinaires perdues dans un coin reculé et victimes des dangers environnants. Le but d’un « survival » est de remettre en question tous les acquis moraux des personnages, qui correspondent, par extension, à ceux du spectateur : on y voit les notions de solidarité et d’instinct de survie entrer en conflit.
Pour 5150, RUE DES ORMES, l’appartenance à ce genre s’affirme dès le premier rebondissement : Yannick Bérubé se retrouve séquestré dans la maison des Beaulieux. Alors que tout laissait supposer que nous avions ici affaire à un énième film de serial-killer, les notions d’enfermement physique et mentale vont s’accentuer au point de devenir prédominantes. De la sorte, Eric Tessier réussit à jouer avec nos attentes et le prologue est, à cet égard, une source de multiples fausses pistes : les premières minutes s’apparentent davantage à un épisode de la série DESPERATE HOUSEWIVES (au mieux) ou au téléfilm dominical d’une chaine hertzienne (au pire).
Toutefois, on peut lui concéder quelques grosses ficelles comme l’excès de curiosité de Yannick (qui lui vaut de se faire séquestrer) ou encore une transposition de l’image paternelle un peu malvenue et d’une utilité toute relative. Quoiqu’il en soit, Tessier réussit brillamment à dresser le portrait d’une famille atypique. Cette dernière repose sur des valeurs morales qui la crédibilisent ce qui la rend d’autant plus terrifiante. Ainsi, à notre grande surprise, le scénario repose sur la description de chaque protagoniste et non sur les péripéties. Une prise de position qui force notre indulgence devant les révélations offertes par le récit. Dans d’autres circonstances, celles-ci auraient pu provoquer notre rejet du métrage entier car certaines découvertes s’avèrent assez invraisemblables. Si Tessier n’avait pas réussi à traiter en profondeur la singularité de ses protagonistes (qui, paradoxalement, s’affichent comme les plus banals des quidams), nul doute que le spectateur lambda aurait condamné 5150, RUE DES ORMES sur son postulat saugrenu mais réjouissant : MASSACRE A LA TRANCONNEUSE dans les banlieues pavillonnaires.
A cela, on ajoute que Tessier s’ingénie à s’offrir des écarts de liberté avec le canevas qu’il s’est lui-même imposé : une intrigue donne naissance à des scènes oniriques inhabituelles dans le « survival ». Des écarts qui sont justifiés par cette volonté du cinéaste de vouloir projeter sur l’écran la vision du monde perçue par les personnages. Ces petites scènes sonnent comme l’affranchissement d’un genre : Tessier se montre comme un cinéaste qui se sert des rouages d’une structure ultra-codée pour le bien de son histoire et non esclave de cette même structure en se limitant aux seuls mécanismes de cette dernière.
Très vite, 5150, RUE DES ORMES s’affirme en long-métrage des plus singuliers. La pellicule d’Eric Tessier s’apparente à un cousin éloigné des BANLIEUSARDS (THE BURBS) de Joe Dante ou de BLUE VELVET de David Lynch dans cette vision iconoclaste des quartiers pavillonnaires. Brillamment écrite, mise en scène et interprétée, cette petite rue des ormes a tout pour devenir une de ces petites perles dont la découverte sur grand écran constitue un des meilleures souvenirs de cinéphile.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood


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