retrospective

6 Schwedinnen auf der Alm

Elles s’appellent Lil, Inga ou encore Astrid, et partagent bien des points communs. Au nombre de six, ces ravissantes Suédoises adorent s’amuser, voyager et… s’envoyer en l’air. Nos Scandinaves de choc partent à Zürich afin de toucher un héritage que leur a légué le défunt Comte Lingus von Klit und Oris (un nom pas facile à porter). Malheureusement, il s’avère que l’argent est encore bloqué pour quelques jours ; elles vont donc devoir patienter. Alors, décidant de joindre l’utile à l’agréable, Lil et ses copines se rendent dans un petit village pittoresque des Alpes suisses. C’est dans ce lieu paisible, au milieu des alpages, qu’elles vont affoler tous les mâles de la contrée…
Ah, si Dietrich n’avait pas existé, le cinéma érotique allemand aurait-il eu la même saveur ? Attention, ne nous méprenons pas, il n’est évidemment pas question de Marlene ici, mais bien d’Erwin. Producteur, scénariste et réalisateur prolifique (notamment à partir de la fin des années 1960), Erwin C. Dietrich est en quelque sorte l’équivalent européen d’un Harry Novak ou d’un David F. Friedman pour les États-Unis, c’est-à-dire une référence dans le domaine du cinéma d’exploitation. Après une première période axée sur le polar et le krimi, Erwin Dietrich profita de l’essor de la « révolution sexuelle » pour s’engouffrer dans la brèche. Au milieu des années 1970 il produira pas loin d’une vingtaine de longs métrages que réalisera Jesus Franco, parmi lesquels plusieurs WIP (Women In Prison). Enfin, durant la décennie suivante, l’argent engrangé permettra au Suisse de mettre en chantier des projets d’une autre nature, dont une poignées de films de guerre réalisés par Antonio Margheriti.
Mais pour en revenir à nos Suédoises, il faut savoir que cette excursion dans les Alpes suisses n’est pas la première aventure de ce « sextet » ô combien déluré. En fait, la série des « 6 Schwedinnen… » débuta en 1979 avec 6 SCHWEDINNEN IM PENSIONAT (SIX SUEDOISES AU COLLEGE) où figurait la délicieuse Brigitte Lahaie. L’année suivante voyait les héroïnes quitter le pensionnat pour une station-service dans 6 SCHWEDINNEN VON DER TANKSTELLE (FILLES SANS VOILE pour la version française), toujours avec Brigitte Lahaie. En 1981, Erwin C. Dietrich (qui avait réalisé les deux premiers opus) laissait la caméra à Gérard Loubeau pour le tournage de 6 SCHWEDINNEN AUF IBIZA (VACANCES SEXUELLES), la vedette étant cette fois Olinka Hardiman et le film basculant pour la circonstance dans le hardcore.
C’est donc en 1983 que sort 6 SCHWEDINNEN AUF DER ALM, le seul à ne pas avoir connu d’exploitation dans les salles de cinéma françaises. Notons que l’on recense également un 6 SCHWEDINNEN HINTER GITTERN, qui est en fait une co-production américano-suisse. Il s’agit d’un porno réalisé par Ann Perry en 1980, dont le titre original est BALLGAME, et qu’Erwin Dietrich commercialisera dans une version soft en Allemagne en le faisant passer pour une suite des aventures des Suédoises.
6 SCHWEDINNEN AUF DER ALM ne déroge pas à l’esprit caractéristique qui anime le producteur helvète. Durant des années, Erwin Dietrich reproduira « à l’infini » les concepts principaux de sa vision du film érotique : un érotisme poussé (à la lisière du hard) et un humour teuton prononcé (lire : très lourd). Ceci avec une équipe technique fidèle au fil du temps, dont on retient particulièrement le tandem Baumgartner/Baumgartner ; à savoir Walter (1904-1997) en tant que compositeur, et son neveu Peter (né en 1939) en tant que directeur de la photographie.
Pour avoir un aperçu de ce qu’est un film d’Erwin Dietrich, il suffit de visionner les premières minutes de 6 SCHWEDINNEN AUF DER ALM. On y voit une charmante autochtone, vêtue uniquement d’une paire de baskets, souffler dans un alphorn au cœur de la campagne verdoyante. Mais qu’est-ce donc qu’un alphorn ? C’est ce fameux instrument de musique, également appelé cor des Alpes, se présentant sous la forme d’une trompe dont la longueur peut avoisiner les quatre mètres (faut-il y voir un symbole phallique sous-jacent ?). On enchaîne avec une autre fille, entièrement nue elle aussi, agitant le drapeau suisse au sommet d’un alpage, sur fond de musique tyrolienne enchaînant les jodl (ou yodel) à la perfection (à moins que ce ne soit le contraire). Mais qu’est-ce donc qu’un yodel ? C’est une technique de chant qui consiste à vocaliser en onomatopées, avec des variations dans la voix allant du plus grave au plus aigu (ce qu’on appelle la voix de fausset). On peut donc constater que la plus bête des comédies érotiques permet quand même de s’instruire. Bref, on n’a pas perdu son temps, et en plus les actrices sont jolies (et nues la plupart du temps).
Des six Suédoises présentes ici, aucune ne l’est en réalité, ce n’est pas une surprise. Pour quatre de ces actrices il s’agira de leur unique apparition au cinéma, toutes créditées sous un pseudonyme. Les deux autres s’avèrent être françaises. Il s’agit de Marianne Aubert et Evelyne Lang. Toutes deux ont fait leur carrière essentiellement dans le hard, Evelyne Lang ayant tourné pour des réalisateurs comme Michel Lemoine et José Bénazéraf. Quant à Marianne Aubert, elle était déjà présente dans le volet des Suédoises à Ibiza. Elle a tourné dans une soixantaine de films, dont plusieurs réalisés par Claude Bernard-Aubert et Michel Ricaud.
Pour l’anecdote, si Brigitte Lahaie n’a pas tourné dans 6 SCHWEDINNEN AUF DER ALM, on la voit néanmoins lors d’une scène de flashback issue de SIX SUEDOISES AU COLLEGE. Ce n’est guère étonnant car Erwin C. Dietrich a toujours eu beaucoup d’habileté à recycler ses œuvres, autant que ses idées. De ce fait, même si le producteur suisse a pour ce film confié la réalisation à un inconnu (néanmoins crédité pour la mise en scène du fameux MAD FOXES), à savoir Paul Grau, il n’en demeure pas moins que 6 SCHWEDINNEN AUF DER ALM est avant tout un film d’Erwin C. Dietrich, dans lequel on reconnaît son style inimitable. Un style jamais modifié durant la quinzaine d’années qu’il aura consacré au cinéma érotique, et dont 6 SCHWEDINNEN AUF DER ALM fut le dernier, à défaut d’être le meilleur.

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