BIFFF 2016indie-eye

Aaaaaaaah !

Un instantané de la vie de famille de quelques personnes – ou bien sont-ce quelques singes ? – dans une maison de banlieue anglaise.

Steve Oram a scénarisé TOURISTES, de Ben Weathley. Pour sa première réalisation, il signe un film résolument original, mais imparfait.

Original car non conventionnellement dialogué : les personnages ne s’expriment que par borborygmes, cris, grognements et autres couinements, ou par leur gestuelle. Il ne s’agit donc aucunement d’une résurgence du muet. AAAAAAAAH ! fait partie de ces expériences tendant à rejeter du grand écran le traditionnel dialogue, linguistiquement intelligible, au profit d’autres modes d’expression. Le cinéma expérimental est coutumier de ces tentatives qui ont aussi parfois pu infiltrer le ciné de genre, repensons à INCUBUS (Leslie Stevens, 1965), dialogué certes, mais en esperanto. Dans d’autres registres, on peut rappeler les tentatives en latin (LA PASSION DU CHRIST, Mel Gibson, 2004, SEBASTIANE, Derek Jarman, 1976) ou, plus proche de notre sujet par son approche sonore, THEMROC (Claude Faraldo, 1973).

Bref, le cinéma s’interroge régulièrement sur les modalités de compréhension de sa narration.
Ici, les personnages adoptent la posture, le comportement et les mimiques de singes et c’est l’incongruité de la confrontation entre leurs attitudes et l’univers neutre et policé d’un pavillon de banlieue anglaise qui fait naitre l’absurde et l’étrange. La bestialité sous-jacente au vernis civilisationnel.

Le présentateur de l’Etrange festival, qui a programmé cet objet filmique particulier dans son édition 2015, a judicieusement rapproché AAAAAAAAH ! des IDIOTS de Lars Von Trier, qui jouait lui aussi de cette confrontation, laquelle pouvait distiller un certain malaise auprès du spectateur. Le côté provocateur n’est pas non plus sans évoquer les programmes tv trash qui encombrent le petit écran depuis trop longtemps. Mais dans AAAAAAAAH !, la fiction fournit heureusement un contrepoint.

Mais le référent évident d’AAAAAAAAH ! reste LA PLANÈTE DES SINGES. Ici, manquent simplement l’argument science-fictionnel et les costumes afférents. Mais reste le postulat de base d’une société évoluée dans laquelle vivent des personnes aux mœurs et attitudes plus rustres. AAAAAAAAH ! est métaphorique là où LA PLANÈTE DES SINGES se veut allégorique.
Le résultat, s’il étonne, montre cependant ses limites sur la longueur. L’idée de départ est esseulée et s’essouffle progressivement, à défaut d’être portée et transcendée par une vision ou un discours qui en porterait le sens. On peut certes aller chercher ce dernier dans le film – la portée métaphorique qu’on vient d’évoquer -, mais reste qu’il ne se donne guère de lui-même.

AAAAAAAAH ! prend dès lors les atours d’une comédie, qui n’hésite pas à jouer sur le scatologique et le tabou. On y urine, on y défèque, on pose ses couilles sur la tête d’un voisin. Sans doute bien conscient du potentiel commercial limité de son film, Steve Oram se permet donc des plans qui ne passeraient pas la censure de l’exploitation classique en salle. C’est bien un objet de festival, qui prolongera sa vie en vidéo en comptant sur le buzz ou l’aura que le premier lui confèrera. On apprenait d’ailleurs de l’Etrange festival que le réalisateur avait hésité à laisser ce dernier programmer AAAAAAAAH !, Steve Oram préférant initialement ne faire vivre son film que dans un circuit de diffusion limité et underground.

AAAAAAAAH ! est de ces objets étranges qu’on découvrira par curiosité, mais dont la portée reste trop limitée pour réellement s’inscrire dans la durée.

Outre l’Etrange Festival 2015, AAAAAAAAH ! a également été programmé au 34ème Brussels International Fantasy, Fantastic, Thriller and Science Fiction Film Festival (BIFFF).

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