Aelita

Russie - 1924 - Yakov Protazanov
Interprètes : Nikolaï Seretchi, Valentina Kouindji, Youlia Solnseva, Igor Ilinski

Dans les années 20, en Russie, toutes les radios captent un étrange message, « Anta Odeli Uta ». Son origine ne fait aucun doute ; il s’agit forcément de la preuve de la vie sur Mars. D’ailleurs, Los est las de la vie sur Terre et ne cesse de rêver des martiens. Il dessine alors les plans d’un engin capable de l’envoyer sur la planète rouge. Pendant ce temps, comme Los a plus souvent la tête à son travail qu’à sa vie de couple, sa femme est courtisée par un homme qui ne cesse de lui tourner autour. Un jour, Los croit surprendre sa femme dans les bras de l’homme et, par accident, tue son épouse. Il décide alors de précipiter son départ pour Mars.
Après la Guerre Civile et avant l’arrivée de Staline, la Nouvelle Politique Economique remplace le Communisme de Guerre et instaure une période de détente économique. Comme les films occidentaux sont distribués dans le pays, il convient de produire une œuvre grandiloquente, capable de tenir la comparaison avec les concurrents de l’Ouest et prêchant un modèle de société différent. On ne lésine pas sur les moyens pour finaliser le projet. Les plus grands techniciens du cinéma soviétique sont de la partie et l’on fait même appel à Alexeï Tolstoï pour participer à l’écriture du scénario.
La première grosse production russe délivre un message simple : « Cessons de rêver aux pays occidentaux et à leur libéralisme car nous avons une grande Russie à construire ».
Lorsque Los débarque sur Mars, il découvre une planète dominée par une poignée d’hommes qui asservit la population. Traités en esclaves, les ouvriers martiens travaillent comme des bêtes de somme dans les bas-fonds de la ville afin de faire vivre les privilégiés. Même Aelita, la reine, aristocrate, ne fait que se servir de Los afin de tourner en son avantage la révolution qui est en marche.
On comprend très vite que la Science-Fiction est en réalité un prétexte. Si les décors de la planète Mars sont jolis et mignons, c’est la peinture de la Russie de cette époque qui interpelle véritablement le spectateur. La Science-Fiction laisse rapidement sa place à un message politique. D’ailleurs, l’épisode durant lequel Los et deux compères se trouvent sur Mars ne représente qu’une infime partie du métrage. Celui-ci propose plutôt une chronique de la vie en Russie après la Guerre Civile à travers le couple que forment Los et Natacha. Tous les deux travaillent pour la reconstruction de la Russie dans une période difficile. Les vivres sont provisionnés, de même que les logements et c’est en devant partager le leur qu’ils rencontrent Erlih. Si les temps sont durs, Los, Natacha et leurs camarades ont espoir dans l’avenir et le communisme. Erlih, quant à lui, est un ancien nanti, bourgeois ou aristocrate avant la chute de l’ancien régime. Il se cache parmi les prolétaires et préfère les corrompre plutôt que de travailler avec eux.
Cette peinture devient vite passionnante. L’intégration du spectateur est complète dans ce monde régi par des bureaux qui distribuent les besoins de première nécessité et où cohabitent les différentes classes sociales remises au même niveau et qui participent aux grands chantiers dont sortiront les monuments de la nouvelle Russie.
AELITA revêt un aspect pédagogique évident pour les petits Occidentaux que nous sommes. Une œuvre pédagogique, certes, mais jamais rébarbative et suffisamment fascinante pour que l’on passe sur ses tendances à la simplicité que certains définiront par le terme de propagande. Finalement, on a plutôt envie de parler de naïveté. L’espoir qui transparaît des camarades et citoyens qui s’attèlent à reconstruire la Russie est presque touchant alors que le capitalisme n’éveille plus que peu d’espoir aujourd’hui.


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