Un texte signé Patryck Ficini

France - 1976 - Arnaud G.-J.

chroniques-infernalesDossier

Agonie pour une Capitale

Espagne, 1975. Alors que le général Franco agonise dans son palais, des fidèles du régime ont mis en place un plan diabolique : à sa mort, la pression du gaz dans le réseau défectueux et ancien de la capitale sera poussée au maximum. Des explosions et des incendies faisant de nombreuses victimes s’en suivront. Ces attentats dissimulés seront mis à l’actif des démocrates qui espèrent succéder au Caudillo. L’agent spécial Serge Kovask alias le Commander est envoyé à Madrid par le sénateur Holden afin d’empêcher le massacre…
AGONIE POUR UNE CAPITALE est un roman d’espionnage atypique, ancré à gauche. Kovask se bat aux côtés des opposants au régime pour la (future) démocratie espagnole en luttant contre les nationalistes du Christ-Roi. Même si le roman d’espionnage des années 50-70 fut souvent anti-communiste, guerre froide oblige, les nombreux agents spéciaux de ce genre de fiction ont lutté contre des néo-fascistes ou des néo-nazis, au moins depuis OSS 117 ET FORCE NOIRE. Dans certaines séries on pouvait parfois lire une critique des agissements de la CIA qui employait pourtant un bon nombre de ces héros de papier. C’était le cas des COMMANDER de G.-J.Arnaud dès les années 60, alors que son agent secret travaillait encore pour un service secret américain. Mais, de l’aveu même de son auteur (in 31 ANS DE ROMAN POPULAIRE), c’est avec LES FOSSOYEURS DE LA LIBERTE, qui précède AGONIE POUR UNE CAPITALE dans la série, que le changement de cap politique a été évident. On peut parler de littérature engagée, comme d’ailleurs dans de nombreux polars de Arnaud aussi.
AGONIE POUR UNE CAPITALE met en scène avec brio une triple agonie : celle du général Franco, celle de la fin de son régime, que certains tentent de repousser, et celle de Madrid, promise à la quasi destruction si Kovask ne parvient pas à mettre un terme au projet sinistre sur lequel il enquête. Déjà des explosions se produisent un peu partout dans la capitale… Tests en attendant le grand jour (l’opération Arc-en-Ciel) ou accidents dus à la vétusté des conduites de gaz ?
Pour parvenir à ses fins, Kovask met dans sa poche (et dans son lit) une jeune femme, pourtant privilégiée, belle-soeur d’une extrêmiste à l’origine du terrifiant complot. Afin de les neutraliser, Kovask et ses alliés engagent une belle prostituée pour obtenir des confesssions sur l’oreiller de l’un des membres de la conspiration. Arnaud nous délivre quelques scènes très sensuelles qui nous rappellent qu’il fut aussi un prolifique auteur de romans érotiques. Difficile de résister face aux atouts d’une belle diablesse !
Au passage, un ennemi est torturé de façon originale : un taxidermiste spécialisé dans les corridas l’enferme dans une peau de taureau mouillée qui va l’étouffer en rétrecissant. Une fois les informations obtenues, il propose de l’empailler ! Ni plus ni moins. Comme souvent dans le roman d’espionnage, notamment populaire, la torture, aussi atroce soit-elle, semble un mal nécessaire. Même si Kovask n’aime pas ça (comme le SAS de Gérard de Villiers d’ailleurs, auquel fut souvent opposé, politiquement, le Commander), il sait qu’il n’a pas le choix. On peut se demander si les tortures plus ou moins complaisantes et autres passages à tabac de ce type de livres (il y avait déjà du sadisme chez Ian Fleming ou Jean Bruce) ont pour fonction de renforcer le réalisme présumé des oeuvres en question (on sait que les espions ne sont pas des chevaliers modernes à la Bob Morane) ou simplement vocation à fournir du frisson à bon compte au lecteur.
Laisson le mot de la fin à l’agent Kovask en personne lorsqu’on le remercie pour sa participation à la lutte :

« – Je pense à cet Américain d’Hemingway. Lui, il meurt sur le sol de ce pays, derrière sa mitrailleuse. C’était un véritable héros. » (P. 218)°

Peut-être, mais Kovask n’est pas mal non plus. Tout comme la Mamma, la vieille dame qui est son incroyable alliée au sac à main truffé de gadgets ! Sans doute reviendrons-nous un jour sur ce personnage haut en couleurs qui apporte un vrai plus au roman, une touche d’humanité et de drôlerie pourrait-on dire…


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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