DossierFestival Black Movie 2014

Alfonso Acosta : Discussion autour d’une première œuvre

Présenté lors de la quinzième édition du Festival de Films Indépendants de Genève, le Black Movie, EL RESQUICIO est un premier film, en provenance de Colombie, désarçonnant et qui convoque plusieurs genres sans jamais parvenir cependant à s’ancrer solidement à l’un d’entre eux. À la fois terriblement agaçant et fascinant, le film d’Alfonso Acosta pose beaucoup de questions auxquelles le réalisateur, encore peu à l’aise dans le périlleux exercice de l’interview, préfère ne pas répondre directement. Malgré sa timidité, il a bien voulu nous accorder un bref entretien.

Sueurs Froides : Ton film est assez déconcertant, es-tu d’accord de dire qu’il tourne autour de la frustration sexuelle ?

Alfonso Acosta : Je dirais plutôt qu’il parle de la peur du sexe.

Sueurs Froides : Le point de départ est donc la mort mystérieuse de la sœur. C’est ce qui va justifier la réunion de cette famille au bord de l’implosion, et c’est le personnage de la tante qui va être le déclencheur de la violence. Elle est un peu comme l’ingrédient en trop dans une expérience de chimie, celui qui fait définitivement exploser un mélange déjà instable.

Alfonso Acosta : Exactement. Ces retrouvailles familiales ne peuvent arranger une situation déjà tendue, elles ne peuvent changer les rapports qui existaient déjà entre les gens. J’ai voulu inclure plusieurs éléments qui vont faire croître la tension et l’étirer jusqu’au point de rupture. La mort de la sœur justifie les actions violentes, mais elle sert aussi d’excuse à chacun des personnages pour avoir un comportement déviant.

Sueurs Froides : D’où est venue l’idée de ce film ?

Alfonso Acosta : D’un cauchemar de cousins à moi qui étaient enfants et qui pensaient que les adultes étaient des monstres qui tentaient de les tuer. Ça a été la graine, le point de départ. J’ai ensuite essayé d’assembler cela avec des choses qui m’intéressait comme la sexualité, la perte de contrôle de soi et la famille. Le film est une sorte de fable sur la famille.

Sueurs Froides : Comment as-tu travaillé avec tes acteurs pour les faire rentrer dans leur rôle ?

Alfonso Acosta : Tous les acteurs du film sont des professionnels. Nous n’avons pas fait de répétitions dans le sens classique du terme en jouant toutes les scènes. Nous avons créé les personnages en jouant des scènes qui ne sont pas dans le film mais qui font partie du passé des personnages. Ce fut donc une forme de création collective, sauf pour le personnage du grand frère car nous avons été obligés de changer d’acteur et le nouvel interprète est arrivé au deuxième jour du tournage.

Sueurs Froides : Le film est souvent présenté dans des festivals de films fantastiques, et du coup une grande partie du public le rejette car il ne bascule jamais dans le genre. Cela a-t-il aussi été le cas en Colombie ?

Alfonso Acosta : Le film n’a pas été bien reçu non plus. Le grand public était désillusionné car il s’attendait à un film plus violent, à l’image des films d’horreur hollywoodiens. Partout où il a été présenté, le film a toujours provoqué des réactions extrêmes, soit les gens l’adorent, soit ils le détestent. J’aime cette division. C’est un film qui convoque de nombreux genres, et les fans d’un type de genre n’aiment pas ce mélange. Mon intention était de faire un film à plusieurs facettes, de ne pas faire un simple drame familiale ou un pur film fantastique. Les films qui me plaisent le plus ne sont pas des films parfaits, ce sont ceux sur lesquels il faut réfléchir un peu et qu’on a du mal à oublier.

Sueurs Froides : Le film emprunte aussi beaucoup aux contes de fées, qui sont très souvent des histoires très cruelles.

Alfonso Acosta : Oui, d’ailleurs j’aime beaucoup ces histoires pour enfants qui disent beaucoup de choses que l’on ne pourrait montrer. Le plan du film où la tante est dans le trou avec les deux enfants qui l’observent était présent dans ma tête dès le début de l’écriture du script. C’est typiquement le genre d’image qui pourrait illustrer un livre de contes, avec ce regard des enfants depuis le haut sur la sorcière qui est enfermée. Bien que mon film traite d’un sujet réaliste, il se déroule comme un rêve.

Sueurs Froides : Que peut-on espérer pour la suite ?

Alfonso Acosta : Je travaille sur deux scripts. L’un est très semblable à EL RESQUICIO, et l’autre n’a rien à voir, c’est une comédie noire sur des professeurs d’université quarantenaires qui se comportent comme des enfants.

Merci à Alfonso Acosta pour cette interview.
Merci à Antoine Bal pour l’organisation de l’interview.
Merci à Jennifer Sanchez Roca pour sa brillante traduction.

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