BIFFF 2014Dossierreview

All cheerleaders die

Le football américain des collèges: d’un côté, la survirilisation masculine, celle du capitaine Terry et de son équipe, de l’autre le nécessaire soutien des pom-pom girls, emmenées par Alex. Mais au pays de la compétition, et plus encore dans le monde sportif, l’esprit d’équipe est un concept très flou. Et les rivalités amoureuses vont bientôt s’exprimer avec violence, surtout après la mort et la résurrection de certains.

Lucky McKee est un nom désormais important du cinéma de genre. Après MAY, THE WOODS, SICK GIRL (dans la série Masters of Horror), RED et THE WOMAN, le revoici remakant son premier métrage, vieux d’à peine dix ans. Certes, on connait d’autres exemples de réalisateurs se repenchant sur leur passé, et la tendance n’est même pas récente (les débuts du parlant ont ainsi vu nombre de cinéastes refaire leurs muets), mais elle s’inscrit dans cette tendance, notamment américaine, très contemporaine de réchauffer aux goûts du jour les anciens films de genre, et tout spécialement ceux d’horreur. Ces emplâtres à l’absence de nouveaux scénarios et idées laissent souvent un goût amer. Cependant, dans ce morne océan de produits interchangeables, certains tirent quand même leur épingle du jeu. Ainsi de ce ALL CHEERLEADERS DIE cuvée 2013.

Cette version ne démérite en rien : rondement menée à un rythme bien cadencé, ALL CHEERLEADERS DIE joue la carte du spectacle pour l’amateur : de très jolies pom-pom girls qui se crêpent le chignon en petites tenues, avec une bonne louche de lesbianisme ! Le spectacle est très régressif et très années ’80, lorsque pullulaient les films de collège exsudant les phéromones.

Ceci dit, à y bien regarder, on se demande si l’ensemble n’est pas moins salace que ce que nous proposaient justement ce genre de films une génération plus tôt : ALL CHEERLEADERS DIE arrêtent de dénuder ses actrices aux sous-vêtements, à l’exception d’une ou deux poitrines. Là, pour le coup, l’amateur ressort un peu frustré.

La constante du cinéma du réalisateur, c’est l’importance conférée aux personnages féminins, dont il épouse le point de vue et traite des névroses : les deux versions d’ALL CHEERLEADERS DIE, MAY, THE WOODS, SICK GIRL et bien entendu THE WOMAN.
Le scénario nous plonge dans le cœur du monde adolescent américain, le microcosme des collèges. Un petit univers bien codifié, mais imprégné de rivalités, jalousies et mesquineries, où s’exprime toute l’amoralité de l’enfance finissante et la violence de la transition difficile vers l’âge adulte. Ici, garçons et filles, ou plus exactement « dogs » et « bitches », s’amourachent bien moins qu’ils ne cherchent à simplement baiser. Et ensuite, les tromperies, les humiliations, l’importance des apparences, etc, les font s’entredéchirer, entre insultes, dénigrements et coups fourrés… jusqu’au tragique. Et, film d’horreur oblige, l’issue fatale n’est ici justement pas sans issue.

Dans ALL CHEERLEADERS DIE, les âmes sont bien moins belles que les corps. Une déréliction morale qu’on trouvait récemment avec cette même opposition entre acte douteux et corps doucereux dans le SPRING BREAKERS de Harmony Korine. On pourrait encore citer le BLING RING de Sofia Coppola où cependant, les adolescents sont là, bien plus naïfs.

Pour emballer tout ça, Lucky McKee use d’un fantastique aux tonalités plutôt « old school ».

Terry est un dirigeant, mais surtout un tyran à la petite semaine, sans guère de considération pour autrui. Ses compagnons d’équipe oscillent entre abrutis, drogués, et lâches. Du côté des filles, ce n’est guère mieux : rancœur, jalousie, envie, arrivisme font le lit de leurs relations.

Pour lier le tout, McKee propose une histoire à base de sorcellerie (avec une « Wicca » au look gothique sortie de May) et de résurrections, qui n’oublie pas le décor d’un vieux cimetière, toujours propice à faire surgir l’un ou l’autre macchabé sur le retour. A tous points de vue, on reste dans un univers très codifié et peuplé de stéréotypes absolus plutôt que de véritables personnages. C’est la limite du film qui, pour fun qu’il soit, échouera par contre à nous intéresser vraiment aux destins des uns et des autres.

ALL CHEERLEADERS DIE propose une horreur pour teenagers, à l’instar de nombre de productions des années ’80, dont les codes semblent bel et bien de retour. On s’éloigne donc de la tonalité plus sérieuse ou atmosphérique de MAY, THE WOODS et de la claque de THE WOMAN. Mais en tant que pur divertissement, ALL CHEERLEADERS DIE offre ce qu’on attend de lui et se hisse sans peine dans le haut du panier.

ALL CHEERLEADERS DIE a été présenté au 32e Festival International du Film fantastique de Bruxelles (BIFFF).

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