Altered

Un texte signé Sylvain Pasdeloup

USA - 2006 - Eduardo Sanchez
Interprètes : Michael C. Williams, Paul McCarthy-Boyington, Adam Kauffmann, Brad William Henke, Misty Rosas, James Gammon

Il y a dix ans de cela LE PROJET BLAIR WITCH et sa hype phénoménale symbolisant à elle seule la révolution Internet, bouleversait le paysage cinématographique dans le sens où, pour une fois une œuvre mi-amateur portée par un mouvement de foule sensationnelle avait réussi à se faire une place au soleil.
Et après ? Plus rien. Tout juste un deuxième opus, déserté de ses géniteurs, qui trahissait, dans sa forme, le film originel de la série, les deux réalisateurs du PROJET BLAIR WITCH pratiquaient un silence radio, brisé par Daniel Miryk il y a quelques années seulement…en annonçant qu’il reprenait son travail et quittait le cinéma. Eduardo Sanchez, lui, allait de projet avorté en projet avorté jusqu’à cet ALTERED auquel pas grand monde ne croyait, au vu des difficultés de son réalisateur à le mettre en forme.
Quid donc du film ? Et bien il démarre dans les brumes. Celles d’une forêt profonde dans laquelle nous faisons connaissance avec trois de nos quatre héros, des rednecks sans envergure qui semblent chasser une bête dangereuse, d’une force physique impressionnante, cachée aux yeux du spectateur. Des brumes, il y en a aussi dans la tête du spectateur qui a bien du mal à remettre en place les dix premières minutes du métrage. Nos trois amis pas bien finauds, une fois leur gibier capturé et soigneusement caché à nos yeux, ne sachant pas trop quoi faire et se sentant poursuivi, se rendent vers le quatrième larron qui réside en plein milieu de la forêt avec son amie. Méfiant, ce dernier n’ouvrira pas à leurs amis avant plusieurs minutes non sans avoir scruté le ciel et les horizons.
C’est à ce moment-là que le huis-clos commence, que l’intrigue se dévoile doucement et que le spectateur s’aperçoit qu’ALTERED est bel et bien un film d’extra-terrestre, genre exploité jusqu’à la moelle dans les années 80, rendu exsangue par les interminables saisons de X-FILES et par INDEPENDANCE DAY, le blockbuster nanarisant de Roland Emmerich (mais tellement agréable au 36ème degré !). Donc, force est de constater que les films d’extra-terrestres, hormis certes LA GUERRE DES MONDES ou SIGNES ne sont pas légion depuis quelques années et ce postulat rend immédiatement ALTERED sympathique. Clairement binaire, le nouveau film d’Eduardo Sanchez se divise en deux parties bien distinctes. La première partie, très intimiste, se limite à de longues séances de dialogues entre nos quatre héros, entrecoupées de plans de l’Alien attaché et inconscient. Très peu de choses étant expliquées durant cette partie du film, le spectateur un peu concentré comprendra tout de même que ces quatre-là ont eu maille à partir avec nos amis d’outre-monde et que cette expérience a tout été sauf agréable. Flirtant avec les thèmes d’un X-FILES (complots, existence extra-terrestre connue des plus puissants…), la première heure d’ALTERED ressemble un peu à un épisode de la série de Chris Carter, l’action en moins et du dialogue en plus. Fortement marqué par cette série culte Eduardo Sanchez noie un peu son film dans les non-dits comme s’il hésitait à trop montrer ses influences. De plus, ses acteurs et leurs personnages ne sont pas d’un charisme incroyable, l’intérêt du spectateur baisse…jusqu’à ce que l’extra-terrestre capturé ne se réveille et s’échappe enfin. A partir de ce moment-là ALTERED retrouve un peu de poil de la bête et certaines scènes décomplexées font partir le film sur le chemin de la série B assumée, un peu à la manière d’un THE ARRIVAL en plus gore. Ces effets-là, même s’ils ne sont pas très réalistes, ni très réussis, dénotent complètement par rapport au lent départ du film. On a ainsi droit à un consciencieux arrachage d’intestins bien dans les règles, un peu cheap mais qui a le mérite d’exister, ou à la transformation de l’un de nos héros en véritable freak, couvert de boursouflures hideuses.
Au niveau de la réalisation Eduardo Sanchez s’avère plus à l’aise dans ces scènes d’actions que dans les errements initiaux de son métrage. On déplore pourtant ici et là les effets dûs à la maigreur du budget, forcément handicapante pour un film d’extra-terrestre (quoique IT CONQUERED THE WORLD…). Le design de l’extra-terrestre est un peu bateau, la bête se révélant humanoïde et calquée sur l’image récurrente du petit gris. Exemplaire unique de sa race dans ALTERED, l’Alien, s’il n’est pas vraiment terrifiant visuellement, apparaît finalement plus accessoire qu’indispensable à l’histoire. Peu mis en valeur, le spectateur a du mal à voir en lui une réelle source de danger. Quand à nos personnages, ce n’est qu’à la fin que le spectateur en apprend plus sur les expériences qu’ils ont subi, quelques temps avant qu’ils n’aient capturé leur tortionnaire. Avant cela il aura fallu suivre un spectacle parfois sympathique mais aussi un peu lourd. Eduardo Sanchez possède à l’évidence du talent mais a fait de son ALTERED un film bancal qui ne trouve jamais vraiment sa vitesse de croisière, ni son ton. C’est peut-être là le problème qu’aura d’ailleurs à résoudre Eduardo Sanchez dans les années à venir, arriver, après le séisme LE PROJET BLAIR WITCH, à trouver sa personnalité de cinéaste. A en juger par les quelques séquences réussies de son curieux ALTERED, on le souhaite nous aussi.


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- Article rédigé par : Sylvain Pasdeloup

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