Anita

Un texte signé Philippe Chouvel

Suède - 1973 - Torgny Wickman
Titres alternatifs : Les Impures, Swedish Nymphet, Anita - ur en tonärsflickas dagbok
Interprètes : Christina Lindberg, Stellan Skarsgärd, Danièle Vlaminck, Michel David, Ericka Wickman

Anita est une jeune fille de dix sept ans habitant dans une petite ville de Suède avec ses parents et sa sœur cadette Erika. Elle est atteinte de nymphomanie, et à son stade il ne s’agit plus d’un vice mais réellement d’une maladie. Chaque fois qu’elle rencontre un homme au détour d’une rue, elle ne peut s’empêcher de l’aborder, et de lui faire des propositions. Qu’il soit jeune ou vieux, laid ou beau, peu importe. Ses services sont fonction de l’urgence du moment et de l’endroit où elle emmène son partenaire. Ne pouvant aller chez elle, à cause de sa famille, elle doit parer au plus pressé : un réduit, une tente dans un chantier… Parfois, elle couche avec la personne, et sinon elle se contente de lui prodiguer une fellation.
Anita donne du plaisir aux hommes qu’elle aborde, mais n’en reçoit pas. Elle n’a jamais connu l’orgasme, et elle si honteuse de ses actes qu’elle ne revoit jamais deux fois le même homme. Qui plus est, la jeune fille s’est taillé une sale réputation dans toute la ville, de par son comportement. Détestée par la gent féminine (qui voit en elle une rivale et une voleuse de mâles), elle est aussi méprisée par les hommes. Ceux-ci, ne comprenant pas l’idée qu’une pute ne se fasse pas payer, se moquent d’elle.
Son attitude fait qu’on la regarde d’un mauvais œil, aussi bien dans les rues de la ville qu’à l’école. Et à la maison, ce n’est guère mieux, entre des parents qui l’humilient à cause de ses lacunes en culture générale, et sa sœur qui ne manque pas une occasion de la provoquer.
Le destin la fait un jour rencontrer Erik, musicien et étudiant en psychologie. Le jeune homme est tout de suite fasciné par Anita, et prend à cœur les problèmes de celle-ci. Très vite, une relation d’amour platonique s’instaure entre eux deux, dans laquelle Erik va se poser en thérapeute, et Anita en confidente. Il va lui faire prendre conscience que sa nymphomanie n’est pas d’ordre physique, mais psychologique, et que son origine découle de son environnement familial. Ses parents qui la délaissent au profit de sa sœur, plus dans la « normalité », et en réussite scolaire, sont en partie responsable de la maladie dont souffre Anita. Erik est persuadé que la nymphomanie de la jeune fille peut être soignée, et même guérie. La clé du problème réside dans la faculté d’Anita de pouvoir se donner du plaisir, et de parvenir enfin… à l’orgasme !
Vendu comme un pur film d’exploitation, ANITA est plus une œuvre dramatique à consonance érotique. Il faut avouer qu’ici, le sexe, vécu à travers son personnage principal, n’a pas grand-chose d’érotique. Au contraire, il serait plutôt froid, triste, reflétant en cela tout le désespoir d’Anita et sa frustration sur le plan sexuel. Sa frénésie sexuelle ne la satisfait pas, et le spectateur, à la vue de cette chair qui bouge sans vraiment vivre, ne peut que partager le point de vue de l’héroïne.
La seule exception à cette tendance (et donne au film un côté plus racoleur) est la scène où le père, qui est pilote d’avion, a invité quelques personnes influentes à la maison. Les festivités sont assurées par les deux filles. On voit dans un premier temps Anita et Erika chanter quelques airs traditionnels. Puis, Anita évince sa sœur, prend la parole devant un auditoire attentif (constitué exclusivement d’hommes d’un certain âge particulièrement réceptifs à la plastique de la fille de leurs hôtes). Elle annonce fièrement qu’elle ne fait pas que chanter, mais aussi danser. Et aussitôt elle enchaîne sur un numéro de striptease à faire baver le loup de Tex Avery. Anita finit sur les genoux d’un invité, n’ayant gardé sur elle que sa petite culotte transparente, devant des parents honteux, mais pensant pouvoir tirer profit de ce spectacle qui a fort plu à toutes ces relations haut placées (ce qui explique pourquoi ils ne sont pas intervenus).
Dans cette scène, Christina Lindberg est époustouflante. L’actrice suédoise, réduite à un rôle muet dans le film qui l’a rendue célèbre : CRIME A FROID, de Bo Arne Vibenius, a dans ANITA l’occasion de s’exprimer, et elle prouve que c’est une bonne comédienne, et pas seulement un corps de rêve. Révélée dans EXPONERAD, puis dans des films de Joseph Sarno, Christina Lindberg poursuivit sa carrière en Allemagne, puis au Japon, notamment dans SEX AND FURY où elle interprètait une espionne.
Dans ANITA, elle partage la vedette avec un tout jeune (et chétif) Stellan Skarsgard, acteur talentueux que Lars Von Trier révèlera au grand public en 1996 dans BREAKING THE WAVES, et qui enchainera l’année suivante sur un polar qui fit l’objet d’un remake : INSOMNIA.
Le réalisateur d’ANITA, Torgny Wickman, n’a pas eu quant à lui une reconnaissance en dehors des frontières de son pays. Il a réalisé une quinzaine de longs métrages, dans lesquels la sexualité revenait de manière récurrente. Ce n’est guère étonnant, le sujet était particulièrement d’actualité en Scandinavie durant les années 1970.
Trente cinq ans plus tard, on pourrait coller une étiquette de film documentaire à ANITA, un peu comme la série des SCHULMADCHEN-REPORT qui déferlèrent à la même époque en Allemagne, et où l’on retrouvait d’ailleurs Christina Lindberg dans un volet.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

Share via
Copy link