Apocalypse Z

Un texte signé Angélique Boloré

La trilogie Apocalypse Z, de l’Espagnol Manel Loureiro, sortie chez l’éditeur italien Panini Books en 2015 regroupe les titres : Le début de la fin, Les jours sombres et La colère des justes au sein d’un unique ouvrage de 1 234 pages. Ma foi, beau pavé !
Le récit de Manel Loureiro entre tout de suite de plain-pied dans une apocalypse morte-vivante tout à fait classique. Histoire de situer l’ambiance, les zombies sont ceux de Romero, l’action « survivre à tout prix » prime, les personnages restent relativement sommairement brossés, les situations n’apparaissent en rien différentes de celles qu’on connaît déjà. Et pourtant, malgré ces poncifs du genre, le lecteur se laisse plaisamment emporter. Tout d’abord, le fait que l’action se situe dans la vieille Europe, en Espagne pour être précis, apporte quelque chose de plus, une proximité, une connaissance que le lecteur européen appréciera. L’action nous paraît en effet plus proche de nous, loin des rodéos américains gorgés de fureur, de testostérone et d’armes à feu improbables.
Le tome 1, Le début de la fin, réserve au lecteur une surprise littéraire. Le héros est campé par un avocat fraîchement veuf qui ne se remet pas de la mort de son épouse. Affublé de son chat comme unique compagnon, il entreprend d’écrire un blog pour exorciser sa solitude et son désarroi. Le lecteur découvre la catastrophe par son prisme à lui, parcellaire et centré sur lui-même. Le fléau est indistinct, lointain et fragmentaire. Ainsi, même si le lecteur sait bien ce qu’il va advenir, cette narration permet de maintenir un suspense très intéressant. En outre, les explications, la progression du mal, le comportement des différents gouvernements apportent une touche originale à ce début d’histoire. Le personnage principal, le narrateur à la première personne s’avère normal, le lecteur s’identifie ainsi très facilement à ce héros.
Dès le tome 2, d’autres personnages entrent en scène et l’auteur entame alors une narration à plusieurs mains. On abandonne donc le point de vue unique et pourvu d’œillères qui faisait tout le charme du tome précédent pour une plongée dans l’action plus prégnante. Le corps à corps des personnages avec les zombies et le monde en perdition s’installent dans les ornières bien creusées du récit post-apocalyptique zombifié. Cette fois, les surprises sont rares. Cependant, c’est écrit avec suffisamment de fluidité et d’intérêt pour que le lecteur avale les pages comme les morts-vivants les morceaux de choix. Le héros se voit affublé d’un compagnon de route solide, touchant et inquiétant en la personne d’un pilote d’hélicoptère ukrainien venu travailler en Espagne sur les incendies estivaux. Après un éprouvant périple dans un hôpital dévasté, ils dégottent deux survivantes, une très jeune femme et une nonne infirmière. Un stéréotype ? Un coup de chance improbable ? Oui, très certainement mais l’ambiance, le danger, les péripéties des personnages sont suffisamment bien racontés et prenants pour que le lecteur passe gaiement sur ces facilités. Le point d’orgue de ce deuxième opus réside dans la reconnaissance du dernier bastion de l’humanité en Espagne comme l’exact inverse du salut. En effet, les survivants se sont réfugiés sur deux îles qui se révèlent être le théâtre de drames d’un tout autre genre que ceux qui se sont joués sur le continent. Les malheureux survivants ne doivent pas chercher à échapper aux terrifiants zombies mais à leurs congénères, que la promiscuité, la faim et la méfiance ont transformés en autant de prédateurs aussi implacables que les morts-vivants décérébrés.
Dans le tome 3, l’action se déplace au Sud des États-Unis. Nos héros, fuyant le havre de mort en sursis espagnol, sont récupérés par un pétrolier lancé en mission de récupération de carburant sur les côtes africaines. Ainsi, leurs aventures les conduisent à rejoindre la base du tanker, une enclave sudiste résistant encore aux zombies alors que le reste du monde est mort. Ce dernier opus aborde un autre environnement et des thèmes différents, la suprématie d’une partie de la population au détriment de l’autre partie, l’exploitation sans vergogne, le sectarisme, l’obscurantisme… Ces intrigues plutôt classiques côtoient quelques pépites lâchées par l’auteur telles la survivance de la Corée du Nord, idée surprenante, amusante mais aussi empreinte de gravité face aux horreurs que les soldats nord-coréens ont dû commettre pour protéger leur pays ainsi que l’implacable destin des zombies. Pour cette dernière idée, peu d’écrits ont en effet tenté d’imaginer le monde peuplé de zombies et leur avenir deux, trois, quatre ans après la fin de l’hégémonie humaine. Ainsi, quelques idées valent réellement le coup d’œil, même si parfois certaines ficelles restent grosses. À titre d’exemple, notre héros s’encombre de son chat persan au péril de sa vie. S’agit-il d’une tentative d’illustrer les dernières capacités d’émotion des êtres humains ou l’inconsciente survivance de nos standards « Tout va bien, j’ai une maison, une femme et un chien » ?
En conclusion, on peut dire qu’Apocalypse Z, sans proposer d’éclats de génie scénaristique ou littéraire, remplit néanmoins sa part du marché. Les 1 234 pages se boivent comme du petit lait, ce qui n’est pas un mince exploit. Les personnages, qui restent malgré tout relativement peu creusés en termes de passé et de personnalité profonde, s’avèrent malgré tout attachants, surnageant dans l’action, dans l’enchaînement des situations qui sont les véritables moteurs de l’histoire.


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- Article rédigé par : Angélique Boloré

- Ses films préférés : Autant en Emporte le Vent, Les dents de la Mer, Cannibal Holocaust, Hurlement, L’invasion des Profanateurs de Sépultures

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