Assassin(s)

Un texte signé Paul Siry

France - 1997 - Mathieu Kassovitz
Interprètes : Michel Serrault, Mathieu Kassovitz, Mehdi Benoufa

Max, un jeune cambrioleur vivant encore chez sa mère, s’introduit dans un appartement. Mais il se retrouve face à Monsieur Wagner, le propriétaire âgé et armé. Après ce conflit réglé à l’amiable, M. Wagner va lui enseigner le métier d’assassin, profession qu’il a pratiquée avec beaucoup de passion.

En 1992, Mathieu Kassovitz réalise le court métrage ASSASSIN(S), après son long métrage LA HAINE, avec la collaboration de Nicolas Boukhrief. C’est donc l’histoire d’un ancien tueur qui apprend son métier à un débutant interprété par Kassovitz lui-même. En temps réel et constamment avec les trois personnages (le professeur, l’initié et la victime), l’immersion est totale et rend éprouvantes ces onze minutes, qui semblent interminables. Le film tourne autour des deux protagonistes principaux : M. Wagner et Max. Un jeune adolescent, ami de Max, joué par Medhi Benoufa, dont c’est le seul film, rejoint par la suite le duo pour acquérir le même apprentissage.

LA HAINE faisait surgir une violence par la confrontation des personnages de différentes origines sociales où aucune entente ne se fait, et par les médias qui déshumanisent et caractérisent quiconque par une classe sociale. ASSASSIN(S) continue dans cette lignée, mais va bien plus loin et sans caricature. Après la première rencontre entre Max et M.Wagner, leur relation devient plus forte, de maître à apprenti, elle évolue vers un rapport de père à fils. M.Wagner, après des années d’expérience et une forte répartie, enseigne le métier d’assassin comme s’il éduquait un enfant. Max, faible et introverti, apprend comment utiliser un revolver comme s’il apprenait à utiliser des couverts pour manger. Les contrats s’enchaînent et il devient adulte. Devenir un tueur professionnel, sans avoir besoin du maître, correspond à la maturité et l’indépendance. C’est une évolution que l’on a tous connue. Cette démarche est ici appliquée à une criminalité banalisée. L’éducation donnée est conditionnée par la société. Et c’est bien tous les types de profil qui se retrouvent dans le film, à différents degrés, à travers cette activité d’assassin. Du novice qui fait ses premiers pas à la cible du contrat, c’est une autre structure sociale que l’on trouve. Quant aux médias, ils rangeaient dans une case les personnages de LA HAINE ; ici, ils les écrasent. Les divertissements montrent des personnes réduites à un état primaire, et on y côtoie une violence banalisée avec habitude. L’affiche du film, en ce sens ,est très explicite et résume particulièrement bien le propos avec le patriarche, un Michel Serrault qui garde sa bonhommie habituelle, transmettant son savoir, avec froideur et simplicité.

On connaît Mathieu Kassovitz pour sa maîtrise technique et sa mise en scène. Encore dernièrement avec L’ORDRE ET LA MORALE dans lequel il oppose visuellement ses personnages par un cadre où le conflit et les rapports de forces sont clairement représentés. Avec ASSASSIN(S), on est sans cesse très proche des personnages et de leurs confrontations. D’un plan large avec un cadre urbain pour horizon, les protagonistes se rapprochent du cadre qui finit par être séparé en deux moitiés, n’ayant que les visages en très gros plans, au fur et à mesure que leur relation devient plus sérieuse et rapprochée. Les mouvements de caméra sont lents, l’évolution des rapports entre les personnages se fait doucement. La force visuelle concise et froide n’aura jamais été aussi aboutie chez Kassovitz que dans ASSASSIN(S) ! Le fond est visuellement très bien retranscrit, si bien qu’on pourrait suivre le film uniquement avec les images.

Les médias faisant évoluer la société, il est aujourd’hui difficile de ne pas penser à certains faits divers de la dernière décennie en regardant ASSASSIN(S), alors sorti en 1997. Projeté dans le cadre de La Séance Débat du festival Hallucinations Collectives 2013 en présence du co-scénariste Nicolas Boukhrief, ce dernier raconte comment l’écriture du film s’est quasiment faite sur le tas. On pourrait regretter qu’elle ne se soit pas faite avec plus de temps pour que le film aille encore plus loin. Mais, et malgré les lourdeurs habituelles de Kassovitz, on ne fait pas la fine bouche devant son propos, sa maîtrise et sa radicalité.


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- Article rédigé par : Paul Siry

- Ses films préférés : Requiem pour un massacre, Mad Max, Ténèbres, Chiens de paille, L'ange de la vengeance


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