Atroz

Un texte signé Sophie Schweitzer

Au Mexique, deux hommes sont arrêtés pour avoir provoqué un accident de voiture. Mais lorsque l’inspecteur de police en charge de l’affaire fouille leur véhicule, il trouve une caméra. En visionnant celle-ci, il va découvrir les exploits morbides des deux hommes qu’il vient d’arrêter. L’enfer ne fait que commencer !

Difficile d’obtenir des informations sur ATROZ si ce n’est que c’est un pur produit mexicain. Cela s’en ressent d’ailleurs vraiment dans l’atmosphère, la manière de filmer, ou la caractérisation des personnages. Lex Ortega, réalisateur de la pelloche, s’est vanté de ne rien cacher avec son film. Et il vrai que ATROZ, renommé ATROCIUS chez nous, est d’un voyeurisme viscéral qui use de la technique du found footage pour ne laisser aucun répit à son spectateur, et en faire le témoin premier de l’enfer que déclenchent ces deux jeunes gens, tueurs en séries sadiques en devenir.

Né en 2012 sous la forme d’un court métrage, ATROZ a acquis depuis la forme d’un long métrage qui clairement redéfinit l’horreur et la violence dans le cinéma moderne. Jusqu’au-boutiste, sadique, douloureux, il dépasse les frontières des deux genres auxquels il s’attaque, le Torture porn et le Found footage pour offrir un spectacle atroce (réellement). Film très petit budget (impossibilité de faire une scène de fusillade par manque de moyen), il rivalise d’ingéniosité et d’inventivité pour palier au manque d’argent.

Et c’est réellement la force du film. ATROZ est un film inventif et intelligent qui a conscience que son spectateur est un habitué du genre, à la recherche de l’image violente, mais également habitué à celle-ci. Jouant avec les codes du genre et les attentes du spectateur, Lex Ortega monte crescendo dans la tension et la violence, n’offrant que de brefs répits pour enchaîner de plus belle. Utilisant intelligemment ses faiblesses, le côté chipos, manque de moyens, pour en faire un pur mondo (genre cinématographique d’exploitation qui use des codes du documentaire pour montrer des images choquantes).

Mais le plus fort reste l’utilisation véritablement ultime du found footage (difficile après ce film d’aller plus loin) où l’on se retrouve avec des formats différents : VHS, Hi8, mini DV. Les défauts de ces formats sont justement utilisés afin de renforcer l’aspect crasseux des images (et lui donner un côté snuff movie). Mais surtout ces formats sont ceux de la caméra familiale, ce qui donne au film un côté vraiment malsain dans l’utilisation qu’en ont les personnages. D’autant qu’ils n’arrêtent jamais de filmer, en dépit de l’atrocité des images, gardant au montage les moments où la caméra balaye le sol, filme un mur, donnant toute son importance au hors-champ.

Ingénieux, presque révolutionnaire par son efficacité et son mordant, ATROZ est un film sadique à l’extrême, d’une violence presque grotesque. Parvenant à pousser ses personnages et son histoire jusqu’à un point toujours plus ultime, et repoussant les frontières du genre, tout en parvenant à surprendre un public d’habitués du genre, ATROZ renoue avec un cinéma d’exploitation qu’on croyait disparu. En plus, le film est bon, excellent, bien écrit avec des personnages qui finissent malgré tout par devenir attachants, malgré son extrême violence et son sadisme. Une véritable perle à ne rater sous aucun prétexte !


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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