Audition

Japon - 1999 - Takashi Miike
Interprètes : Ryo Ishibashi, Eihi Shiina, Miyuki Matsuda, Renji Ishibashi

Cela fait sept ans qu’Aoyama a perdu sa femme. Il demande à l’un de ses amis, producteur, d’organiser une audition pour un film en préparation. Mais ce n’est que prétexte ; il veut se trouver une nouvelle compagne. Son choix porte sur Asami qui semble docile et dévouée. Aoyama tombe amoureux d’elle sans vraiment la connaître. Mais, au cours d’investigations parmi les proches et connaissances d’Asami, il se rend compte du cauchemar dans lequel il vient d’être plongé.

En reprenant un scénario typique des thrillers américains, Miike réalise avec AUDITION un film d’épouvante qui fait chuter ses personnages dans un univers irréel symbolisé par une jeune femme à l’apparence normale. On se doute bien que le comportement de la jeune femme va s’altérer. Néanmoins, Miike parvient à maintenir notre intérêt pour un déroulement pourtant sans obstacle narratif durant près d’une heure vingt. On accroche par le jeu des comédiens, par l’excellence de clichés comiques (l’audition) et par le mystère qu’incarne Asami. En apparence trop lisse, sa personnalité nous est dévoilée peu à peu. Pour rendre la chose encore plus flippante, un plan démontre que tout va basculer. La dérive du personnage d’Aoyama va se faire petit à petit. L’enquête à laquelle il se livre dissémine les éléments d’épouvante, surprenant le spectateur. Il va découvrir que sa nouvelle promise ne correspond pas vraiment au grand amour qu’il recherchait. Là est la cassure entre la narration a priori classique et sans véritable recherche et les quarante minutes où l’on ne comprend plus vraiment ce qu’il se passe tellement la cohérence du film s’en retrouve chamboulée. Une séquence onirique est volontairement coupée. On revient à une situation laissée il y a quelques minutes. Là nous est un peu plus dévoilée la psychologie d’Asami. Elle se livre à Aoyama. Elle a horriblement souffert avant de le rencontrer, justifiant ainsi tous ses actes. AUDITION passe d’une sorte de comédie romantique avec tout ce que cela implique de batifolages amoureux à une abstraction onirique. Au départ, c’est évident, puis tout est bouleversé sur le plan technique et les protagonistes laissent apparaître leur véritable nature monstrueuse, résultat de la folie d’Asami qui se manifeste à la fin quand elle s’apprête à tuer Aoyama. Elle le truffe d’épingles d’acupuncture enfoncées très profondément dans les parties les plus fragiles et les plus intimes. Le sadisme ne s’arrête pas là puis-qu’Aoyama, paralysé par une injection de tranquillisants, ne peut empêcher Asami de lui scier le pied avec un fil tranchant. Miike semble vouloir nous rassurer. De tels actes démesurés, ceux qui entourent Asami et surgissent de l’ombre comme des freaks effroyables, ne peuvent trouver leur place que dans un rêve. Le changement de ton se fait aussi dans la texture de l’image. Elle s’obscurcit au fur et à mesure de la descente d’Aoyama dans les limbes de l’irrationnel. Il perd toute notion de réalité en voyant son quotidien basculer dans un autre univers. Miike fait intervenir une autre influence représentée par un ancien prétendant d’Asami qui se déplaçe en fauteuil roulant et est subjugué par sa beauté comme pouvait l’être Peter Coyote dans LUNE DE FIEL de Roman Polanski. Reste à savoir si la référence est vraie ou si c’est une simple coïncidence.

Film à l’affût du cinéma occidental, AUDITION se sert de tous ces éléments pour arriver dans sa seconde partie à une forme cinématographique qui transgresse les clichés. Il dépasse les limites du film d’épouvante à la mode, dénué d’impact et n’apportant aucune originalité à un genre maintes fois traité au cinéma. Le film reçut les louanges du public de l’Etrange Festival. Des applaudissements mérités pour un thriller qui renouvelle la terreur avec une grande habileté. Néanmoins, sa première partie aisément prévisible l’empêche d’accéder au statut de chef-d’œuvre. En effet, au début, il ne se passe pas grand-chose, on attend qu’un monstre vienne bouleverser cette énième version de l’histoire d’amour au cinéma. Mais quand cela arrive, Miike nous entraîne dans la construction la plus tortueuse de sa carrière.


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