BIFFF 2016review

Baahubali: The Beginning

Le méchant frère du futur roi s’empare du trône, emprisonne la reine et tente sans succès de tuer Baahubali, le bébé de celle-ci. Abandonné sur un fleuve (on louche vite vers ses références mythologiques), le bambin est recueilli par une tribu pacifique. Une vingtaine d’années plus tard, l’héritier, ignorant tout de sa royale ascendance tombe amoureux d’une révolutionnaire qui veut libérer la souveraine légitime.

BAAHUBALI: THE BEGINNING se résume en une formule mathématique : « (Hercule + SFX)x une grosse louche de chantilly ! »

Il y a quelques année, l’Etrange festival et le Brussels International Fantasy, Fantastic, Thriller and Science Fiction Film Festival (BIFFF) avaient déjà tous deux programmés EEGA du même réalisateur, le second le programme à sa 34e édition, tandis que le premier offre cette fois à BAAHUBALI: THE BEGINNING les honneurs de la clôture de son édition 2015.

BAAHUBALI: THE BEGINNING est donc un énorme péplum. Moins du genre remis aux gouts du jour par TROIE, 300 et autre GLADIATOR que de celui de ces productions italiennes qui ont envahi les salles de quartier entre 1958 et 1965.

Tous les éléments constitutif du péplum à l’italienne sont ici réunis : des personnages archétypaux, un héros lisse et sans défaut, doté d’une musculature impressionnante, une histoire bien balisée qui se devine à l’avance et qu’on se contente de suivre paresseusement (et qui dès lors peut fonctionner dans des pays aux cultures bien distinctes), de l’action et de la romance. Et, oui, le colosse Baahubali jettera lui aussi et à l’instar de ses prédécesseurs d’énormes pierres en carton-pâte.

Evidemment, depuis les Samson et Hercule et autres Maciste qui ont fait les délices de la génération sixties, les temps et les techniques ont changé. Les cités antiques se recréent aujourd’hui à grand coups de palette numérique, les acteurs évoluent plus souvent qu’à leur tour devant des écrans verts et le nombre de plans truqués numériquement explose. Si vous cherchez une certaine incarnation au cinéma, passez votre chemin : les personnages évanescents ne sont donc aucunement rattrapés par la prégnance de l’environnement dans lequel ils évoluent, le virtuel est ici le véritable roi.

La touche indienne se marque évidemment par les passages chantés, mais les chorégraphies typiques du cinéma de Bombay sont absentes, du moins dans la version programmée par l’Etrange festival.

En 2015, tout doit être plus grand qu’un demi-siècle plus tôt. Les batailles convoqueront donc des dizaines de milliers de protagonistes. La production peut se féliciter du travail de création logicielle initiée par WETA pour LE SEIGNEUR DES ANNEAUX. Au fil du temps, on ne peut que constater le statut matriciel de ce dernier pour le nouveau cinéma épique. Ainsi, BAAHUBALI reprend aussi du LORD OF THE RINGS l’idée d’étirer aussi longtemps que possible la bataille finale. L’heroic-fantasy ou la fantaisie historique, à laquelle on peut rattacher BAAHUBALI, fait dorénavant porter une partie conséquente de la durée du métrage cette seule confrontation, laquelle devient un sous-film déployant ses propres enjeux, comme si le spectacle guerrier devrait obérer, redéployer ou synthétiser tous les enjeux de la narration.

BAAHUBALI: THE BEGINNING est un diptyque. Sa première partie ne résout donc aucun enjeu mais se termine sur un honnête cliffhanger. Mais celui-ci ne nous fera pas pour autant avaler la duperie d’un scénario qui voit le climax amené par un très long flash-back et l’ennemi final apparaitre comme deus ex machina. C’est d’une paresse et d’une facilité assez déplorable !

Les possibilités en terme d’images ou d’effets offertes par le numérique sont depuis quelques années à peu près infinies, ce qui conduit le cinéma à spectacle du XXIe siècle au meilleur comme au pire, ce dernier s’incarnant souvent dans une surenchère visuelle désincarnée ou invraisemblable à force d’en faire trop. Ici, le féérique veut se marquer par des villes et des palais gigantesques, des armées innombrables, dans une philosophie du toujours plus. Mais la boursouflure guette cette meringue indigeste.

Tare du cinéma populaire indien – du moins selon nos codes occidentaux -, la mièvrerie ou le côté archétypal. On n’y échappe pas avec BAAHUBALI. Le début du film se noie ainsi dans une sucrerie romanesque abominable. Heureusement, une fois le héros plongé dans l’action, un certain équilibre se met en place et offre un meilleur divertissement.

Nous devons à la vérité de tempérer notre appréciation par le compte-rendu de la projection à l’Etrange, qui a vu le public applaudir de bon cœur le spectacle. L’honnêteté nous engage aussi de rappeler que BAAHUBALI: THE BEGINNING a été un énorme succès au box-office indien. Aussi fera-t-on la part des choses : le film, une fois dépassé ses limites esthétiques (qu’on peut d’ailleurs apprécier) ou scénaristiques, peut se révéler parfaitement divertissant. Aussi le conseillera-t-on à tous ceux qui veulent s’offrir un pur délassement balisé, nos réserves ne valent que pour ceux qui cherchent un cinéma un peu plus exigeant.

BAAHUBALI: THE BEGINNING a été exploité en sur son marché local dans un montage de 2h30. Pour l’international, la production a remonté le film pour le raccourcir d’une demi-heure. C’est cette version qui a fait sa première mondiale à l’Etrange festival 2015.

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