Babycall

Un texte signé Mazel Quentin

Norvège - 2011 - Pål Sletaune
Interprètes : Noomi Rapace, Kristoffer Joner, Henrik Rafaelsen,

Anna récemment divorcée vit seule avec son fils. Devenue très protectrice après le traumatisme d’un mari violent elle achète un babyphone pour pouvoir entendre son fils la nuit. Elle se met alors à entendre des cris d’enfants en provenance d’un autre babyphone. Elle sombre, petit à petit, dans la psychose.
Réalisé par le norvégien Pål Sletaune, BABYCALL est le troisième film du monsieur. Après des films comme DEAD SNOW, TROLL HUNTER, RARE EXPORT, HEADHUNTER, MORSE, ou encore la série des MILLENIUM, et bien d’autres, les pays scandinaves ont en ce moment bonne cote. Ce qui semble parfaitement logique au vu de l’excellente qualité des films proposés, mais aussi de la variété de leur paysage cinématographique.
Attardons-nous sur le casting pour commencer. C’est la superbe Noomi Rapace qui tient la tête de la distribution. Une actrice chevronnée qui nous livre une prestation parfaite dans un rôle où on a peu l’habitude de la voir. Incarnant une jeune femme désorientée et craintive, elle donne à son personnage une tendresse et une profondeur tout à fait saisissantes. On retrouve aussi Kristoffer Joner, présent dans le précédent film de Sletaune NEXT DOOR, où il tenait le rôle principal. Il interprète encore une fois un personnage décalé, un homme peu intégré à la vie sociale. Un acteur débordant de justesse que l’on aimerait voir plus souvent à l’écran. C’est enfin le jeune Vetle Qvenild Werring qui incarne le fils d’Anna. Il avait joué il y a quelque année dans le film de Mats Stenberg, COLD PREY 2. Une carrière qui ne commence pas trop mal pour ce petit gars.
Après NEXT DOOR, un excellent thriller horrifique, Pål Sletaune poursuit son travail avec BABYCALL. Une fois encore, le réalisateur nous fait part d’un univers urbain obsessionnel. On retrouve ainsi, un univers froid et austère peuplé de personnages étranges et légèrement asociaux. Un travail de mise en scène très fort sur les psychoses du monde moderne. C’est ainsi un ensemble de doutes sur l’univers qui entoure Anna qui structure le film. Des questions toutes simples lui traversent l’esprit comme, « qui sont réellement mes voisins ? ». C’est le traitement et l’exploitation de ces incertitudes qui permettent un déroulement cohérent et intelligent de l’intrigue. Jouant avec l’uniformisation du paysage et les densités de population relatives aux logements sociaux, Pål Sletaune arrive par exemple, à mettre en scène des espaces peuplés et pourtant vides.
Habitant dans un grand HLM, Anna ne connaît personne et personne ne la connaît. Source de fantasmes et de délires accentués par la standardisation de son univers, qui permet à Anna de se fondre dans le décor de sa vie. Articulation d’inquiétudes banales et pourtant très fortes d’une vie assujettie aux bêtises architecturales modernes. En somme, une critique cinématographique des propositions de Le Corbusier, mis face à ses contradictions. Anna est la représentation de la femme dominée par son milieux et son passé.
D’autre films abordent ce sujet, comme la trilogie des appartements de Roman Polanski, NOS CHER VOISINS d’Alex de la Iglesia, MALVEILLANCE de Jaume Balagero et même, CITADEL du jeune réalisateur irlandais Ciaran Foy. Cependant, BABYCALL propose un réel propos politique sur un univers froid, déshumanisé des plus « réjouissants ».
Ainsi, la narration embrasse d’une part, un certain nombre de thèmes, mais arrive surtout à construire une intrigue captivante. Subtil dans ses sous-entendus et les pistes qui parsèment le déroulement du film, Pål Sletaune arrive à élaborer un film pertinent et prenant.
On notera la superbe photographie construite grâce à des couleurs pâles voir spectrales, appuyée par de belles compositions.
Pour conclure, le film de Pål Sletaune est une vraie réussite cinématographique, s’interdisant toute surenchère gratuite, il propose une histoire morose qui privilégie de sublimes personnages.


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- Article rédigé par : Mazel Quentin

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