Backwoods

Un texte signé Angélique Boloré

Espagne, France, Grande-Bretagne - 2006 - Koldo Serra
Titres alternatifs : Bosque de Sombras
Interprètes : Gary Oldman, Virginie Ledoyen, Paddy Considine, Aitana Sanchez-Gijon, Lluís Homar, Yaiza Esteve, Andrés Gertrúdix, Jon Ariño, Kandido Uranga, Alex Angulo

Le nord de l’Espagne en 1978. Deux couples venus d’Angleterre, Lucy et Norman, Isabel et Paul viennent passer leurs vacances dans la maison de ce dernier. Paul l’a héritée de sa grand-mère qui était originaire de la région. Pour ces couples, ce n’est apparemment pas l’harmonie, en particulier pour celui de Lucy et Norman. Autour d’un drame intime à peine esquissé et de non-dits, il est au bord de la rupture.
Comme une sorte de thérapie virile, les deux hommes partent à la chasse. Là, ils découvrent une bâtisse délabrée et à l’intérieur, une fillette sale, terrorisée et séquestrée. Ils la délivrent et l’emportent chez eux. Le lendemain matin, quatre gars du coin frappent à la porte à la recherche d’une petite disparue.
BACKWOODS est un survival. Il n’échappe donc pas à une manière de planter le décor propre au genre. Le trou est perdu, au fond de chemins de terre défoncés, dans une profonde forêt. Les habitants sont rustres, inquiétants et armés. Dans ce contexte, la scène dans le bar local installe les protagonistes et le pourtour de l’intrigue. Elle en rappelle naturellement des dizaines d’autres mais reste efficace. Nous nous faisons là une idée précise des gentils touristes et des abrutis locaux. L’élément inquiétant est posé. L’avide amateur de Survival peut alors se mettre en branle et tenter d’imaginer les mille et une atrocités dont pourraient être victimes les héros. Et tout le temps nécessaire à ses fantasmagories lui est laissé car l’action se déplace vers une présentation plus complexe des quatre étrangers, dont les personnalités vont s’avérer plus complexes que prévu, au moins autant que celles des quatre autochtones.
Le personnage de Paul, interprété par Gary Oldman, est le plus fort du groupe. Il est également le plus digne, contrairement à Norman qui va s’enfoncer dans les abîmes de l’inhumanité. Ce dernier, incapable d’assumer son couple, son égoïsme, est en réalité infâme.
Face à nos quatre étrangers en terre étrangère, se tiennent les quatre frères à la recherche de la petite. Il est question d’une histoire familiale sombre, d’une fratrie composée d’un benêt, d’un pervers, d’un agressif et de l’inquiétant aîné. Ils sont effrayants et pourtant, ils dégagent quelque chose qui nous pousse à les observer de plus près, à s’intéresser à leur différence.
Pourtant, après la découverte de la gamine séquestrée dans une masure, ils sont dans notre ligne de mire. A travers cette ignominie les ploucs dépassent le stade de simples ploucs, ils sont des monstres. Nos preux chevaliers enlèvent la fillette, la ramènent dans leur logis et finalement se retrouvent nez à nez avec les fameux bouseux.
La machine se met alors en branle, elle fonce droit devant. Les héros, aveuglés par ce qu’ils pensent être juste vont aller jusqu’au bout de leurs convictions, de leurs erreurs. Les agnelets vont finalement révéler une profondeur et une noirceur insoupçonnées.
Ainsi, Koldo Serra nous livre un film avec une authentique portée humaine mais également politique.
En effet, les quatre touristes débarquent dans un coin paumé de l’Espagne post-franquiste. Ils sont les rejetons de ce peuple qui a vaincu le nazisme et le communisme. Ils incarnent la civilisation dans toute sa splendeur, celle qui s’apprête à coloniser cette terre vierge et sauvage qui, après des années de dictature, n’est pas encore sous la coupe de leur mode de vie et de leur moralité. Leur façon de s’immiscer dans un problème local, l’insolence avec laquelle ils débarquent en terre conquise (Virginie Ledoyen qui se promène sans soutien-gorge et T-shirt mouillé sur la place du village), ne s’accorderont pas avec l’éducation, l’expérience, les croyances des villageois. Face à cette différence, la réponse de nos 4 « héros » sera l’intolérance et la violence. Cette même violence et cette même intolérance qui sont les armes utilisées pour mettre le monde à la botte du libéralisme.
Après LA METHODE, l’Espagne enfante de nouveau un film de genre résolument critique envers la mondialisation. Histoire de faire bonne mesure, le message est servi par une mise en scène parfaite, une photographie magnifique, des acteurs charismatiques. On croyait avoir affaire à un survival bon teint (ce qui aurait déjà été pas si mal) et on ressort avec un film complet et de qualité.


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- Article rédigé par : Angélique Boloré

- Ses films préférés : Autant en Emporte le Vent, Les dents de la Mer, Cannibal Holocaust, Hurlement, L’invasion des Profanateurs de Sépultures

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