Basket case

Un texte signé Alexandre Lecouffe

U.S.A. - 1982 - Franck Henenlotter
Interprètes : Kevin Van Hentenryck, Terri Susan Smith, Beverly Bonner

Le jeune Duane qui vient d’arriver à New York prend une chambre dans un hôtel borgne de la mal famée 42ème rue ; il transporte avec lui un volumineux panier en osier à l’intérieur duquel se trouve un animal ou une créature avec qui il communique. Nous comprenons rapidement qu’il s’agit de son monstrueux frère siamois dont il a été séparé contre son gré ; celui-ci, prénommé Belial, avait été laissé pour mort par les médecins ayant réalisé la séparation. Les deux frères, unis par un lien télépathique, semblent vouloir retrouver ceux qui sont à l’origine de cette opération meurtrière…
Premier film de Franck Henenlotter (ELMER, 1987 ; FRANKENHOOKER, 1990), BASKET CASE a été conçu dans le but de réaliser le film d’horreur le plus trash possible avec à l’esprit l’idée qu’il devienne un film culte. Tourné dans des conditions plus que précaires (un budget d’environ $ 30,000), sans autorisation et avec une équipe d’amis souvent non professionnels, le film a donc un cachet « underground » qui lui a permis d’atteindre ce statut de « cult movie ». Distribué tel quel (dans les « séances de minuit » et les « drive-in »), BASKET CASE a ensuite connu un gros succès en vidéo et a fait l’objet de deux suites réalisées au début des années 90.
C’est d’abord l’aspect formel du film qui le rend assez unique et cohérent : image sale, granuleuse, scènes extérieures tournées sur le vif, réalisme brut des séquences filmées dans la « vicieuse » 42ème rue, acteurs amateurs aux mines patibulaires et faune interlope de l’hôtel où se déroule en grande partie le film, tout dans BASKET CASE respire la saleté, la misère et la corruption. Ce parti pris de naturalisme quasi-documentaire rapproche le film d’œuvres de la même période qui dressaient un portrait peu reluisant du New York de l’époque (MANIAC de William Lustig, 1980 ; L’ANGE DE LA VENGEANCE de Abel Ferrara, 1981). C’est sur cette toile de fond réaliste que Franck Henenlotter va nous conter, en mélangeant horreur, humour noir et volonté de choquer, l’histoire tout à fait délirante de Duane et de son monstrueux frère siamois (précisons que celui-ci est composé d’une tête posée sur un demi-buste, de deux bras et que le tout ressemble à un Blob !). Ce dernier est particulièrement hargneux à l’encontre de ceux qui ont voulu le tuer avant de la jeter aux ordures (on peut le comprendre) ; ses victimes seront donc massacrées avec soin, ce qui nous vaut quelques plans gore assez réussis comme celui de cette vétérinaire défigurée dont le visage sanglant est criblé de scalpels. Ponctuant le métrage à intervalles réguliers, les attaques de Belial servent d’exutoire à Duane ; si celui-ci ne participe pas physiquement aux meurtres, il les « met en scène » : c’est lui qui retrouve les médecins et qui transporte son frère jusqu’à eux. Belial n’est donc qu’une excroissance maléfique de la personnalité de Duane, le côté obscur d’un jeune homme souffrant d’une double personnalité. Plusieurs séquences du film montrent les deux frères en parfaite osmose, l’un rêvant qu’il fait ce que l’autre est en train d’accomplir (en l’occurrence, il s’agit d’un viol, comme pour bien appuyer l’idée que Duane est un être perturbé qui a besoin de fantasmer des actes répréhensibles et qui en jouit par procuration). Même si Belial est visible, on peut le percevoir, à un niveau symbolique, comme une matérialisation des névroses de Duane ; le fait que ce dernier soit obligé de le porter à bout de bras partout où il va peut confirmer l’idée que Belial est un fardeau psychologique avec lequel il doit vivre. Quant à savoir ce que cette problématique partie de lui-même représente, à chacun de l’interpréter selon sa subjectivité (l’accoutumance à la drogue, la peur de sa propre sexualité… ?). Justement, BASKET CASE est aussi, en filigrane, un hymne à la différence et une déclaration d’amour aux « freaks », aux inadaptés et aux marginaux (tous les personnages du film font partie de la catégorie des « outcast », des rejetés de la société : alcoolos, prostituées, cœurs solitaires…). Franck Henenlotter, lui-même un marginal (du système mais aussi de la société : il n’a jamais caché sa toxicomanie) rend hommage à l’atmosphère d’un quartier où il a grandi, celui de la 42ème rue. Malgré ses évidents défauts techniques (une interprétation qui frôle l’amateurisme, les scènes d’animation image par image de la créature franchement mauvaises), BASKET CASE trouve un équilibre presque miraculeux entre la provoc’ de mauvais goût, le gore et un humour décalé. Le film parvient à trouver un ton personnel, quelque part entre les premiers films de John Waters et ceux de Hershell Gordon Lewis à qui le film est d’ailleurs dédié.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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