Un texte signé Patryck Ficini

Italie - 1968 - Gianfranco Baldanello
Interprètes : Robert Woods, Lucienne Bridou, Rik Battaglia

asian-scans

Black Jack

Après un hold-up, des dissensions éclatent dans la bande de Black Jack (Robert Woods). Ses associés le laissent pour mort, après avoir assassiné sa soeur. Jack s’en sort avec une seule idée en tête : la venger…
BLACK JACK commence un peu comme un de ces polars des années 60, italiens notamment, qui décrivaient l’exécution minutieuse d’un hold-up. Contrairement à nombre de héros solitaires du western européen, Robert Woods est ici le cerveau d’une bande. Le casse est parfaitement scénarisé et réalisé. On sent dès ce départ finalement peu orthodoxe pour un western, une volonté des auteurs de s’appliquer. Nous croyons bien vite que l’histoire va virer à une classique affaire de magot que les complices se disputeront le film durant… Mais une première scène inquiète et laisse présager quelque tragédie plus ambitieuse. Un Indien associé de Black Jack, joué très crédiblement par le bon Mimmo Palmara, semble en effet manifester un désir trouble pour la soeur de son chef…
Robert Woods campe ici une crapule, plus intelligente que violente cependant, dont le seul trait de caractère positif est l’amour qu’il porte à ses proches. Woods, peu sympathique, ne se montre pas particulièrement brillant pour jouer ce premier aspect de son personnage.
La donne change lorsque ses hommes s’en prennent à Jack au moment du partage. Il est tabassé, blessé à la main ainsi qu’à la jambe et pendu. Alors qu’on escomptait un développement fondé sur des luttes intestines visant à s’emparer du butin, les querelles d’argent se règlent rapidement. Point capital, la soeur de Jack est violée par un ex-ami mexicain et scalpée par l’Indien. Ceci a beau être beaucoup plus suggéré que dans une scène voisine de BLACK KILLER, par exemple, le film n’en bascule pas moins à cet instant dans une direction bien différente de nos attentes.
Woods survit, estropié, désormais seulement habité par la haine à l’état pur. Vêtu de noir, boitant et s’aidant d’une béquille, il compose alors une personnalité tourmentée qui marquera l’esprit des plus blasés. Le jeu de Woods évolue et atteint des sommets dans la noirceur. Robert Woods n’est jamais aussi brillant que lorsqu’il campe un anti-héros ténébreux comme l’épave alcoolique du fascinant EL PURO, LA RANCON EST A TOI de Edoardo Mulargia.
Le déroulement de BLACK JACK épouse alors la structure simpliste de tant d’autres westerns fondés sur la vengeance, sans pourtant jamais s’avérer monotone. Le mérite en revient à la façon féroce dont Jack tue ses ex-associés, ainsi qu’à la folie dans laquelle s’enfonce progressivement le personnage. Il faut le voir éclater d’un rire incontrôlable, image vivante de la démence… Peu de héros vengeurs auront fait à ce point froid dans le dos.
Black Jack fait courir un ennemi attaché à un cheval avant de l’abattre froidement, tandis qu’il en livre un autre à une foule en furie avide de l’argent qu’il leur a promis. Ses menaces portées par l’écho se parent d’une aura terrifiante. Lorsque, par une nuit d’orage, il étrangle l’Indien assassin avec le scalp de sa soeur, le film tourne à l’épouvante et Jack au tueur psychopathe. On savait Woods impressionnant physiquement, on le découvre cette fois franchement effrayant de cruauté. Obsédé par le désir de vengeance, Black Jack refuse la vie qui s’offre encore à lui et abandonne son amour fidèle, se privant ainsi de toute possibilité de rédemption. Il devient l’incarnation même de la Mort. Gianfranco Baldanello, au talent évident, réussit là où Mario Gariazzo échouait avec LE JOUR DU JUGEMENT. Black Jack EST la vengeance.
Plongé dans une atroce souffrance intérieure, il devient de plus en plus inhumain au fil de sa quête, quitte à basculer du côté du Mal qu’il combat. Lorsqu’il kidnappe la fille du violeur pour attirer celui-ci dans une ville fantôme, on a très peur pour elle. On se demande vraiment jusqu’où il peut aller. D’autant qu’il n’hésite pas à malmener l’innocente…
A la fin, ce sont presque deux méchants prêts à tout qui s’affrontent. La toute dernière scène, extrêmement forte, en surprendra plus d’un.
Le western italien est rarement allé aussi loin dans l’exploration de la thématique de la vengeance. On ressort de BLACK JACK déprimés.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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