Blackaria

Un texte signé Alexandre Lecouffe

France - 2009 - François Gaillard, Christophe Robin
Interprètes : Clara Vallet, Aurélie Godefroy, Frédéric Sassine, Anna Naigeon

Angela, une séduisante jeune femme, confie à son psychologue et ami proche qu’elle est attirée par son étrange et sulfureuse voisine Anna Maria, laquelle lui a fait des avances sans équivoque. Le lendemain, la voisine libertine est retrouvée assassinée dans son appartement par Angela qui découvre également les débris d’une boule de cristal qui semblent lui permettre de voir l’avenir ! La jeune femme s’enfuit avec les morceaux de verre et tandis que l’enquête policière commence, des visions cauchemardesques de la défunte viennent la tourmenter.
La France semble touchée ces derniers temps par un petit courant cinéphile rendant hommage au thriller italien des années 70 mieux connu des amateurs sous le patronyme de « giallo ». Avant le remarquable AMER de duo Hélène Cattet et Bruno Forzani (2010), on a pu également apprécier IL GATTO DAL VISIO D’UOMO (2009) de Marc Dray, qui est, comme BLACKARIA, un film indépendant et autoproduit. Le long-métrage du duo François Gaillard/Christophe Robin fut conçu à l’origine comme un court métrage devant faire partie d’une anthologie puis le projet s’est étoffé (sur les conseils du maquilleur David Scherer) pour devenir un « giallo » de 70 minutes, salué dans plusieurs petits festivals fantastiques (Sainte Maxime, Etrange Festival de Lyon…) puis distribué en Dvd par l’éditeur indépendant « Le Chat qui Fume ».
C’est donc une nouvelle fois le genre édifié par Mario Bava (LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP, 1963, et surtout l’insurpassable SIX FEMMES POUR L’ASSASSIN, 1964), transcendé par Dario Argento (PROFONDO ROSSO, 1975) et popularisé par des réalisateurs comme Lucio Fulci ou Sergio Martino qui est à l’honneur dans BLACKARIA. Film de fans, objet référentiel, exercice de style… le projet des deux jeunes réalisateurs n’échappe pas à ces catégorisations souvent restrictives ; cependant leurs multiples références visuelles, narratives et sonores sont plutôt bien digérées et réutilisées de façon efficace et plaisante. Commençons par saluer l’excellent travail sur l’image dont le rendu légèrement flou et les couleurs aux tons pastels évoque directement celui de certains giallos tout en s’accordant bien au climat onirique puis fantastique que le film va développer. Très rapidement en effet, les scènes réalistes (Angela en séance psy, l’enquête policière…) cèdent le pas aux séquences de rêves et de fantasmes de l’héroïne ; l’une d’elle, certainement la plus réussie, nous montre Angela et Anna Maria s’embrassant et se caressant, séparées cependant par un miroir isolant les deux mondes en présence (les vivants et les morts). Si l’ambiance irréelle entre rêve et réalité fonctionne plutôt bien, de même que le contenu érotique et fétichiste qui l’illustre (les références des deux auteurs semblent provenir de l’univers trouble du magnifique LE VENIN DE LA PEUR de Lucio Fulci, 1971), l’apparition (pourtant soignée) d’une mystérieuse tueuse vêtue de rouge fait perdre au film son étrangeté au profit d’une prosaïque accumulation de scènes de meurtres. Ces dernières – points d’orgue de tout giallo digne de ce nom – sont heureusement bien filmées et variées dans leur exécution : couteau, lame de rasoir ou coups de chaîne, la Dame Rouge est très polyvalente. Si certains meurtres sont amenés de façon très maladroite ou gratuite (voir le passage avec les deux donzelles enivrées), leur impact visuel fait oublier ce défaut. En effet, BLACKARIA se montre extrêmement généreux question gore (énucléation, gorge tranchée en très gros plan, visages explosés…) et les débordements graphiques à l’œuvre ici font davantage penser à ceux d’un Giannetto de Rossi pour les films de zombis de Lucio Fulci qu’à ceux généralement assez modérés du giallo classique. Nul doute que le maquilleur (professionnel) David Scherer (qui a travaillé entre autres sur 8TH WONDERLAND de Nicolas Alberny, 2009, et LADY BLOOD de Jean-Marc Vincent, 2010) s’est inspiré du duo italien avec à l’esprit leur giallo « hard », L’EVENTREUR DE NEW YORK (1982). Si le film cumule les gros défauts (l’interprétation est souvent faible, certaines scènes « naturalistes » semblent issues d’un mauvais téléfilm…) et les maladresses (l’absence de traitement de l’élément « fantastique », la dernière partie lourdement explicative…) BLACKARIA transpire suffisamment la passion pour que l’on s’y arrête et que l’on attende des nouvelles du prochain long-métrage du duo, LAST CARESS. Un giallo bien évidemment.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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