Blair Witch

Un texte signé Sophie Schweitzer

Américain - 2016 - Adam Wingard
Interprètes : Brandon Scott, Callie Hernandez, Corbin Reid

James Donahue, le petit frère de Heather, disparue avec son équipe de tournage dans la forêt de Blair, est toujours en quête, 16 ans plus tard, de la vérité. C’est dans cette optique qu’il décide, après avoir découvert sur internet une vidéo qui pourrait bien provenir des bandes de sa sœur, d’aller dans la forêt de Blair avec ses camarades, pour effectuer lui-même ses recherches. Lisa, une de ses amies apporte son matériel audiovisuel afin de réaliser un documentaire sur cette nouvelle enquête ; contre l’avis de Peter, meilleur copain de James, qui pense que ce dernier essaie juste de digérer la disparition de sa sœur qui n’a jamais été retrouvée en dépit des recherches de la police.

BLAIR WITCH qui prend la forme d’une sorte de reboot, dans le sens où une nouvelle équipe va revivre l’enfer de la première sans savoir qu’elle emprunte le même chemin, est aussi une suite directe au premier, puisqu’il s’agit du petit frère d’Heather. Une idée plutôt intéressante que la série avait déjà tenté d’exploiter à l’époque sans grand succès, en parlant d’internet sans vraiment réussir à jouer cette carte-là.
Cette fois-ci c’est sur le grand écran que ça se passe et à la production, c’est Lion Gates qui a lancé le projet, choisissant pour la réalisation Adam Wingard. Ce dernier avait été remarqué pour son excellent YOU’RE NEXT qui renouvelait le home invasion, ouvrant d’ailleurs la porte à une vague de films plus réalistes dans lesquels les innocents héros laissent la place à des anti-héros, comme récemment dans GREEN ROOM. Mais s’il a été choisi pour porter le projet de faire renaître la saga, c’est surtout grâce à son travail sur la série V/H/S, des films d’anthologies utilisant le found foutage.

Il faut savoir que le found foutage est un genre beaucoup plus vieux qu’on ne le croit. Avant que REC en 2007 ne lance véritablement le genre, donnant ainsi naissance à une flopée de films en found foutage, que l’arrivée du numérique rendait plus aisément réalisables pour des projets sans budget, jusqu’à l’explosion du genre avec PARANORMAL ACTIVITY, il y avait eu, en 1999, LE PROJET BLAIR WITCH.
Si ce n’était certes pas le premier, il marqua fortement les esprits. Pas seulement parce que les années 90 ont été plutôt pauvres en matière de films d’horreur marquants, mais aussi parce qu’il distillait l’idée, chez le public, que c’était peut-être vrai. À l’époque, peu de gens se souvenaient du scandale de CANNIBAL HOLOCAUST qu’on pourrait qualifier de tout premier found foutage. En tout cas c’est le premier film fonctionnant sur le principe de faire croire au public que tout est réel, allant même jusqu’à provoquer un scandale médiatique puisque la police, croyant également à l’histoire, s’est mise à soupçonner le réalisateur italien d’avoir réellement tué ses acteurs. CANNIBAL HOLOCAUST était, de plus, d’une rare violence, multipliant les scènes gore.
LE PROJET BLAIR WITCH, lui, avait opté pour une approche plus naturaliste, avec finalement aucun monstre visible, aucun méchant pour faire trembler, mais une ambiance délétère qui enfonce progressivement les héros dans la folie, jusqu’à un final passablement effrayant dans une vieille baraque. Ainsi, quand CANNIBAL HOLOCAUST montrait tout, LE PROJET BLAIR WITCH ne montrait rien et suscitait ainsi la peur, comme le fera, des années plus tard, PARANORMAL ACTIVITY.

BLAIR WITCH garde la trame du premier opus, reste dans son esprit, mais le modernise en y mettant tout ce qui constitue le cinéma d’horreur moderne. Ainsi, comme CHRONICLE, le film utilise toutes les caméras à disposition, d’une mini DV à des drones dotés d’une gopro. Notre seul reproche est d’ailleurs que l’image ne change guère, or Lisa filme supposément avec un 5D, qui a une image très particulière, et des petites caméras portatives proche des google glass qui devraient avoir une image également différente. Le film aurait dû moins garder les sautes d’images d’allumage de caméra, plus vraiment présent de nos jours sur les caméras numériques et tenter de donner une image différente selon la caméra utilisée. Ce n’est pas le seul reproche sur l’utilisation d’une foule de caméras. Aux moments d’angoisse, la multiplication des points de vue noie parfois la peur au lieu de la faire grandir, c’est d’ailleurs lors la grande course avant le final qu’on aurait plutôt aimé avoir un long plan séquence grâce auquel la peur aurait nettement augmentée.

Le film a d’autres défauts qui parfois vont à l’encontre du réalisme, quand par exemple, après la première nuit, les personnages, découvrant des étranges symboles, flippent et décident de s’enfuir sans tenter de comprendre ce qu’il se passe, et qu’ensuite, par un truc, ils découvrent que ces symboles sont sans doute faux. La première réaction de tout individu normal quand il y a six personnes réunies, c’est de se demander si l’une d’elles a fait une plaisanterie, non ? Les protagonistes ont parfois, souvent, des réactions pas forcément adéquates. Quand ils perdent peu à peu leurs amis égarés dans la forêt, ils chuchotent au lieu de hurler leur prénom. Étonnement, les scènes de flip sont bien mieux gérées. On sent que le réalisateur est d’ailleurs plus à l’aise avec ça qu’avec les scènes d’introduction des personnages.

Mais il a aussi des qualités. Comme de choisir de composer son équipe de jeunes gens d’un fervent croyant, le frère d’Heather, et d’un sceptique, son ami Peter. C’est assez simple, voire cliché, mais pourtant, n’importe qui ayant fait une soirée spiritisme sait qu’il y a toujours ces deux composantes. Il suffit que quelqu’un se mette trop à croire quelque chose pour qu’un autre s’y oppose, c’est humain. Et cela donne un certain réalisme au film. L’autre idée vraiment cool est d’apporter deux personnes étrangères. Deux jeunes du coin un peu bizarre, l’un geek, l’autre punkette, qui veulent à tout prix ramener des preuves de l’existence de la sorcière. C’est aussi eux qui connaissent toutes les histoires glauques du coin et entretiennent la part de mystère, et ainsi construisent la mythologie du film.

Au final c’est un film d’horreur classique qui fera éprouver au spectateur des moments de stress intense et des sensations assez proches de ce qu’avait fait ressentir le premier opus de la saga. La fin s’approche d’ailleurs de celle de REC dans le sentiment de puissance maléfique. En bref, c’est un bon film d’horreur qui fonctionne en dépit de ses défauts. À noter que le métrage fonctionne pour peu qu’on adhère au genre. Le found foutage commençant à lasser, ceux qui n’ont jamais voulu accrocher à ce type de films passeront probablement à côté, mais les autres y trouveront leur compte de frissons.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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