Bless This House

Un texte signé Sylvain Pasdeloup

Hong Kong - 1988 - Ronny Yu
Interprètes : Bill Tung, Loletta Lee, Stephen Ho, Leung Shi Lung, Manfred Wong, Chan Cheuk Yan

Ronny Yu est certainement l’un des réalisateurs asiatiques les plus appréciés en Occident, peut–être celui qui s’est le mieux adapté à son cinéma. S’il fallait quelques exemples, on pourrait citer FREDDY CONTRE JASON (le rêve ultime de milliers de fans américanisés) ou LE 51EME ETAT (comédie bon enfant où il réussit à faire mettre un kilt à Samuel L. Jackson). Cet éclectisme est surprenant de la part du metteur en scène de THE BRIDE WITH WHITE HAIR, une fresque Hong-Kongaise superbe de lyrisme et de beauté formelle.
Avec BLESS THIS HOUSE il s’attaque cette fois-ci à une comédie horrifique légère où il est question d’un homme moderne et pragmatique, architecte besogneux, qui va être confronté aux croyances ancestrales de son pays. Croyances dont il pensait que l’ère moderne l’avait débarrassé.
Ainsi, quand Bill Cheung, la quarantaine, obtient une promotion et se fait offrir une gigantesque maison par son patron, il est tout à son bonheur. Comme il ne croit qu’au rationnel, il se fiche éperdument d’apprendre que la maison ne respecte pas les codes du Fung Shui et les orientations nécessaires à une atmosphère saine. Lui et sa famille – composée de sa femme, de ses deux filles et accessoirement du petit ami de son aînée – emménagent joyeusement dans la maison, malgré les avertissements insistants d’un homme borgne. Après quelques incidents qu’il attribue à un trop plein de nervosité et une séance d’exorcisme ratée, Bill, alerté par l’un de ses collègues, doit se rendre à l’évidence : la maison est bel et bien hantée. Hantée par un pianiste qui, rendu handicapé et dans l’incapacité de se consacrer à son art, devînt fou et massacra sa femme et ses deux filles avant de se suicider.
Mixer fantastique et comédie est un exercice compliqué car le dosage qu’il faut trouver doit alors contenter l’un des publics sans pour autant rejeter l’autre. Principalement orienté vers la comédie, BLESS THIS HOUSE distille dès le début des scènes comiques un peu poussives, sauvées heureusement par le dynamisme de Bill Tung, l’architecte malheureux du film. L’histoire se met alors en place et, si l’on se désespère un peu de voir arriver les premiers vrais éléments fantastiques du film, les parties comiques, elles, se font plus réussies. On assiste ainsi à une séance d’exorcisme désopilante où une sorte de sosie asiatique sous amphétamines de Gérard Jugnot tente de faire partir les esprits. L’aspirateur se met alors en marche et entame d’effrayer l’exorciste qui, le malheureux, finira dans le sac, la tête en bas, terrassé par l’appareil ménager ensorcelé. S’ensuivent quelques apparitions mystérieuses et discrètes, mises en valeur par la présence d’une chaise roulante poussiéreuse qui traîne dans le grenier, la pièce dont semble s’échapper parfois de la musique ou des bruits lugubres. C’est alors que l’amateur de cinéma d’horreur s’exclame : « mais c’est bien sûr ! », l’attrait fantastique de BLESS THIS HOUSE découle des références à des classiques de l’épouvante distillées tout au long du film. Ainsi les caméras flottantes utilisées pour dépeindre la maison et la forêt qui l’entoure viennent directement d’EVIL DEAD. La scène où la plus petite fille de Bill est en vélo dans la maison, guidée par la voix du spectre, fait quant à elle penser à LA MALEDICTION. Plus évident encore – et c’est esthétiquement l’un des bon points du film – BLESS THIS HOUSE utilise beaucoup d’éléments visuels pour faire peur. Ainsi Jane, la plus grande des deux filles, en apercevant du papier peint décollé, s’en va voir ce qu’il y a derrière. Elle tombe alors sur un mur qui saigne, emprunté à AMITYVILLE, et surtout sur une série de dessins enfantins malsains, au style identique à ceux que David Hemmings révèle dans LES FRISSONS DE L’ANGOISSE. Jusqu’à la fin, on s’amusera à déceler ces petites références glissées avec, on l’imagine, une certaine délectation par Ronny Yu. Une fin qui nous réconcilie un peu avec le côté fantastique du film car assez impressionnante et bourrée d’effets spéciaux sympathiques. On y voit enfin distinctement le visage déformé du pianiste mort qui tente de prendre possession du corps de Bill afin de revenir à la vie et de pouvoir ressusciter sa famille. Heureusement, un moine Taoïste qui les suit depuis le début est là pour stopper l’ectoplasme et le renvoyer dans la tombe.
Cette dernière scène, grand-guignolesque à souhait, achève de faire passer BLESS HOUSE pour ce qu’il a un peu la volonté d’être : un S.O.S FANTÔMES à la sauce Hong-Kongaise.
BLESS THIS HOUSE s’avère donc être un peu bancal. Il peut finalement se résumer à un proverbe chinois, l’un de ceux qui nous enseigne qu’il ne faut jamais oublier le respect des traditions sous peine de faire venir le malheur sur nos têtes. La seule prétention du film est finalement de divertir. Et malgré un rythme déficient, il y parvient fréquemment. L’amateur de fantastique, lui, est en droit d’attendre bien plus d’un réalisateur aussi doué que Ronny Yu que les quelques frissons sympathiques disséminés ça et là.


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- Article rédigé par : Sylvain Pasdeloup

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