PIFFF 2015review

Blind Sun

Dans une Grèce où le soleil tape fort et où l’eau est une denrée rare et creuse les inégalités sociales, Ashraf, arabe ex-filtré, est en charge de garder la villa d’une riche famille française pendant leurs vacances. Alors qu’une tension semble prête à éclater à tout moment, une présence menaçante se fait à l’intérieur de la demeure à protéger.

De par le climat aride et de par la pauvreté qui s’y trouve, la représentation de la Grèce est ici comme pré-apocalyptique. Ashraf au début du film se fait interpeller par un policier, peu tolérant envers les étrangers, qui lui prend son visa. Alors que cette scène peut être la rencontre avec le mauvais flic, la faute à pas de chance, toutes les rencontres avec un quelconque représentant des forces de l’ordre se révèle être des chroniques du racisme ordinaire. Quant au riche propriétaire qui est aussi étranger, mais européen et de classe aisée, il explique ses conditions pour garder sa villa non sans suspicion. Cette villa isolée est d’ailleurs filmée comme une forteresse dont il faut garder le territoire à tout prix. Dans la région environnante, la pauvreté fait rage, ce qui accentue les tensions pour acquérir de l’eau. Tout ce climat menaçant prend place au bord de la mer, étendue d’eau jusqu’à l’horizon.

Le climat du film est à plusieurs niveaux tendu du fait des frontières que l’on y trouve : entre nationalités, entre niveaux de vies, celles sociales, celle du territoire à défendre et celle de l’accessibilité à l’eau. L’eau est pourtant omniprésente, entourant la région autant comme l’infini que comme une barrière emprisonnant les personnages. Et pendant qu’une grande campagne publicitaire vantent les mérites de l’eau Blugold comme la propagande d’un régime totalitaire, l’épicier du coin tient son magasin avec un regard froid et un fusil à la main.

Ayant fuie son pays et beaucoup voyagé, on imagine Joyce A.Nashawati proche des thématiques qu’elle expose au protagoniste, par exemple le sentiment d’être étranger de là où on vit. L’aspect politique du film pourrait être plus mis en avant dans le film, surtout au vu de l’actualité, mais reste un fond et participe pleinement au mal-être du personnage.

Sentant une présence étrangère dans la villa qu’il garde, on se pose la question de la légitimité de cette présence : qui est le plus étranger ? Lieu principal des angoisses, la villa est un personnage à part entière. Elle est froide, ses pièces sont vides et les murs sont blancs comme des écrans vierges sur lesquels on peut projeter toutes les chimères possibles.

Après trois courts-métrages dont LE PARASOL et LA PERMISSION présentés aux Hallucinations Collectives, Joyce A.Nashawati présente son premier long-métrage à l’édition 2016 du festival. Dans la continuité de ses précédents films, l’atmosphère est très travaillée et envoûtante, à l’image du serpent que l’on y voit dans l’herbe, comme si celui-ci injectait du venin et dans le climat de l’histoire et dans l’esthétique formelle.

BLIND SUN est une réussite sur le plan technique. La chaleur étouffante et écrasante du soleil est forte par la surexposition de l’image. Quant au son, dès que l’on est à l’extérieur de la villa, on entend constamment des bruits suggérant que le personnage principal est toujours suivi ou épié, accentuant la paranoïa. Et même quand on est dedans, il suffit d’ouvrir la porte pour ne plus se sentir seul. Un bruit d’hélicoptère par exemple résonne tout près pour signaler une manifestation invisible dont on ne saura rien.

Très bon film d’atmosphère, BLIND SUN en tant que premier long-métrage est le début d’une prometteuse filmographie. On espère une bonne continuation pour le parcours de sa jeune réalisatrice Joyce A.Nashawati.

Share via
Copy link