Blue Jean Monster

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

- 1991 - Ivan Lai
Titres alternatifs : Zhuo niu zi ku de Zhong Kui
Interprètes : Fui-On Shing, Pauline Wong, Gloria Yip, Amy Yip

Les séries B de Hong Kong sont toujours de grands moments de délire et BLUE JEAN MONSTER n’échappe pas à la règle en proposant un cocktail complètement déconnant (mais aussi un peu gavant) d’horreur, de comédie, de polar musclé et de fantastique référentiel.
Tout débute comme une comédie cantonaise typique et le spectateur a droit à une longue séquence supposée comique au cours de laquelle des employés de fast-food suspectés de viol doivent peloter deux hamburgers en forme de seins. Cela part immédiatement très mal, donc, sauf pour les inconditionnels de l’humour en dessous de la ceinture. Ensuite, le métrage s’oriente vers l’action avec une scène de cambriolage spectaculaire: des truands braquent une banque et le sang gicle de partout, à grand renfort de membres arrachés et de fusillades, à la mode de John Woo. Une course poursuite vitaminée et des cascades de voitures explosives suivent avant que le héros, Tsu, ne trouve la mort sous un chargement de grue lâché sur sa tête par nos méchants voleurs. Mais, nouveau virage scénaristique complet, Tsu revient à la vie, sans que personne (ni lui ni le public!) ne comprenne véritablement le comment du pourquoi. Devenu quasiment invulnérable, Tsu décide de vivre un peu plus longtemps pour poursuivre sa mission, à savoir mettre les criminels hors d’état de nuire et assister à la naissance de son fils. Malheureusement pour lui, il se met aussi à pourrir comme tout zombie qui se respecte mais il découvre que l’électricité possède le pouvoir de le charger à bloc, le transformant en une implacable machine à tuer.
L’ensemble est difficile à résumer mais les changements de ton sont nombreux, comme souvent dans ce genre de produit. Le film rappelle dès lors quelques réussites du cinéma ricain, TERMINATOR bien sûr mais surtout le très réussi et moins connu FLIC OU ZOMBIE.
Un peu d’érotisme est également de la partie, la “poumonnée” Amy Yip venant animer cette oeuvrette gentillette mais sans beaucoup donner de sa personne, hélàs. Les blagues scatologiques, les moments dignes du comique troupiers, les moqueries habituelles concernant les handicapés, les homosexuels et le sida sont, eux, largement présents, attestant que les cinéastes hongkongais de l’époque se permettaient vraiment tous les excès. Certains dialogues sont cependant plus élaborés, comme ce passage mémorable où le zombie demande à une prostituée “Qui est tu?”. La professionnelle lui répond du tac au tac “Je suis à toi” et notre naïf mort vivant s’étonne “Ton nom est A toi?”. Ce n’est certes pas du Woody Allen mais cela élève le niveau d’un métrage misant surtout sur des situations héritées du Vaudeville et des quiproquos éculés (la femme du héros croit que celui-ci, insatisfait depuis sa maternité, a viré sa cuti avec son meilleur ami).
A côté de cet aspect comique plus ou moins réussi, BLUE JEAN MONSTER se montre parfois davantage sérieux et prend le temps de s’interroger un minimum sur les souffrances de son héros zombifié. D’où de nouvelles – et pas toujours bien amenées – ruptures de ton virant au tragique. L’action, elle, s’avère tonique et le final verse, forcément pourrait-on dire, dans le gros délire avec une femme enceinte au bord de l’accouchement, coincée dans un hangar entre les gentils, les méchants, et notre flic mort vivant décidé à rendre justice. Violentes, bourrines, limite sadiques par instant, les vingt dernières minutes témoignent de la volonté du cinéaste d’en donner au spectateur pour son argent. Ivan Lai, déjà responsable de ANGEL (qui lança la mode du “Girls and Guns”), connaît bien les codes du cinéma d’exploitation (il réalisera ensuite EROTIC GHOST STORY 2 et 3, ANCIENT CHINESE WHOREHOUSE ou encore les deux DAUGHTER OF DARKNESS) et joue des classiques éclairages bleutés pour donner au métrage un certain cachet esthétique. Mais, comme souvent, il n’évite pas le côté faussement travaillé de certains téléfilms “érotique / action” de seconde partie de soirée.
BLUE JEAN MONSTER n’est donc pas un grand film, loin de là, mais il sait divertir les inconditionnels du cinéma bis. L’action est brutale (quoique essentiellement cantonnée aux premier et dernier quarts d’heures), le scénario part dans tous les sens, l’humour est lourdingue mais les situations délirantes ou inimaginables dans un cinéma dit “normal” (le héros soulève son bébé, s’exclame tout heureux “il a une bite” et se fait pisser au visage par le poupon!) devraient convaincre les amateurs d’outrances hongkongaises de jeter un œil sur ce produit relativement distrayant.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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