Bone Tomahawk

Un texte signé Sophie Schweitzer

Dans la paisible ville de Bright Hope entre le Texas et le Nouveau Mexique, vivent des colons habitués au rythme des transhumances. Alors que la moitié des hommes de la ville est partie avec les bêtes, arrive en ville un étranger dont l’attitude suspecte attire l’attention du shérif local. Ce dernier enferme l’inconnu dans la prison. Le shérif s’embarque alors avec son vieil adjoint, l’époux de la doctoresse et le dandy de la ville dans une mission suicidaire pour tenter de sauver les otages.

Qualifié de western fantastique, BONE TOMAHAWK est plus en réalité un shocker dans lequel le public se retrouve confronté à de la violence et du gore à foison. Car la horde sauvage indienne pratique le cannibalisme et ne semble pas vraiment du genre à faire dans la dentelle. Et pour le coup, on se retrouve servi dès les premières minutes avec une attaque de bandits qui tentent de trancher la gorge d’un dormeur. Mais c’est surtout les méthodes de la horde sauvage qui suscitent l’effroi.

Le film est d’une grande simplicité, aussi bien dans le script que dans la mise en scène. Il s’agit ni plus ni moins d’un enlèvement suivi d’une mission de sauvetage, et le récit ne cherche pas plus à compliquer l’affaire. Il se concentre plutôt sur les personnages et leur implication dans cette quête. Quant à la mise en scène, on pourrait la qualifier de pauvre mais il est fort probable que cette pauvreté soit due à un budget très réduit (comme en témoignent les décors très simples et épurés). Peu après, tard dans la nuit, une horde sauvage d’Indiens s’empare de l’étranger, de la femme médecin ainsi que du jeune dandy. Cependant, il est indéniable qu’outre le manque de moyens, le réalisateur a un style minimaliste très épuré, qui s’accompagne d’une certaine lenteur. Le métrage s’attardant plus sur les personnages que sur l’action, au détriment parfois de la dynamique du film.

Reprenant les codes du western auquel le film rend clairement hommage, BONE TOMAHAWK s’aventure en eaux troubles. En effet, derrière le discours de nos héros se cache le malaise d’une Amérique ayant bien du mal à nier ses origines et pouvoir encore faire des westerns sans évoquer le sujet hautement polémique des Indiens. Ici, nos Indiens sont des figures effrayantes parées d’attributs de proies animales (griffes, crocs) faisant dès lors penser aux créatures extraterrestres de PREDATOR, mais dont l’attitude très violente semble être la réponse au génocide provoqué par les colons, dont le personnage campé par Matthew Fox est le représentant. Le shérif, incarné par Kurt Russel, est la voix du spectateur, il ne veut pas porter de jugement hâtif tout en refusant de nier la violence des uns et des autres. La violence de la horde sauvage s’opposant à celle des « hommes blancs civilisés » est assez semblable à celle qu’on trouve dans LA COLLINE A DES YEUX.
Excepté que nos héros ont pour eux l’honneur et sauver les otages est la seule manière de le conserver. C’est ce que ne cesse de répéter le shérif qui se retrouve engagé dans cette quête suicidaire que par le serment qu’il a prêté.

BONE TOMAHAWK mise avant tout sur ses acteurs dont le casting est plutôt très bon. D’un côté, on a l’excellent Kurt Russel qui se retrouve ici dans un rôle assez proche de celui qu’il occupe dans LES HUIT SALOPARDS de Quentin Tarantino (les deux films se ressemblant d’ailleurs sur pas mal de points), Patrick Wilson (CONJURING, WATCHMEN, INDISIOUS) et Matthew Fox (HUNTED, LOST). Le jeu des acteurs touche parfois à la perfection, comme lors cette lente marche dans le désert où l’on ressent vraiment la dureté des éléments aussi bien que celle de cette épreuve. Et c’est sans doute cela qui a plu au jury de Gérardmer puisqu’il a décerné le Grand Prix au film.

Mais le métrage repose également sur un principe d’efficacité qu’on retrouve dans certains shockers comme TWENTYNINE PALMS dans lequel la lenteur et l’inaction ressenties préparent le spectateur à une fin dans laquelle la violence va se déchaîner. Alors, la longue présentation des personnages prend tout son sens, ainsi que l’épreuve d’endurance que vit le héros et que ressent pleinement le spectateur.

BONE TOMAHAWK est un de ces films qui surprend et nous frappe par le développement de sa narration, son style épuré, mais aussi ces instants de grâce dans lesquels la violence graphique des images nous touche profondément. Sans être un chef-d’œuvre, c’est un bon film qui marque par une certaine originalité qui n’est pas pour déplaire.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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