Born of Fire

Un texte signé Philippe Chouvel

Angleterre - 1987 - Jamil Dehlavi
Titres alternatifs : Die Macht des Feuers
Interprètes : Peter Firth, Suzan Crowley, Stefan Kalipha, Oh-Tee, Nabil Shaban

Dans le désert de Turquie, un homme au crâne rasé observe l’arrivée d’une éclipse solaire. Pendant ce temps, en Angleterre, une femme étudie le même phénomène à travers une lunette astronomique, tandis qu’à Londres un flutiste (Paul Bergson) donne un concert. Un lien unit ces trois personnages, et la destinée de la planète dépend peut-être de leurs interactions. L’homme chauve semble être responsable de l’éruption d’un volcan endormi, dans une région de la Turquie. La jeune femme astronome va à la rencontre de Bergson, qui a dû interrompre son récital à la suite d’un malaise. Il a eu des visions pour le moins troublantes qu’il ne s’explique pas. La femme lui apprend que sa musique l’a attiré jusqu’ici. Tous deux se rendent ensuite au chevet de la mère de Paul, gravement malade. Elle meurt après avoir évoqué le nom du Maître Musicien.
Commence alors, pour le flutiste, une quête initiatique qui va le conduire dans une région désolée de Turquie, où vit ce Maître Musicien, un djinn de feu qui a pris apparence humaine…
Etrange film que ce BORN OF FIRE réalisé en 1987 par Jamil Dehlavi. Né au Pakistan, d’une mère française et d’un père pakistanais, Dehlavi a suivi des études de droit à Oxford et a passé une bonne partie de sa vie en Angleterre. Il a réalisé huit longs métrages, mais il est également producteur. Il est aussi musicien, et influencé par la religion et l’ésotérisme. Ces trois passions se retrouvent naturellement dans BORN OF FIRE, et peut-être y-a-t-il une part de Dehlavi dans le personnage de Paul Bergson. Le film est difficilement racontable, mais on pourrait le considérer comme une quête initiatique, dans laquelle le héros part à la recherche d’un père qu’il n’a jamais connu. Ce voyage en Turquie va se transformer en périple, et conduire Paul au cœur d’une culture différente à la sienne, nimbée de mythologie arabe avec ses créatures élémentaires, telles les djinns.
L’œuvre apparaît comme un antagonisme à plusieurs niveaux : on a le choc de deux cultures différentes en tous points (l’Orient et l’Occident), et donc de deux religions (christianisme et islam). Il y a aussi l’éternelle lutte du Bien contre le Mal, les deux s’opposant ici d’une manière originale, à savoir un duel à la flute ! Dehlavi se plaît aussi à confronter le rêve à la réalité, de même que les concepts de la beauté et la laideur (Bergson découvre qu’il a un demi-frère contrefait). Enfin, les éléments tiennent une place prépondérante dans l’histoire, et de la farouche bataille que vont se livrer le Feu et l’Eau dépend le sort de l’humanité.
BORN OF FIRE est chargé de symboles religieux, d’onirisme, et part même sur les chemins de la métaphysique. L’œuvre, visuellement magnifique, n’en est pas moins déconcertante. Il y règne de longues plages de silence, permettant ainsi au spectateur de se laisser porter par ce qu’il voit, entend ou appréhende.
Peut-être à cause de notre regard occidental et de notre « logique » cartésienne, il est assez troublant d’imaginer que le Maître Musicien, reclus tel un ermite dans une grotte, soit à même de détruire la planète par le feu ; et que l’avenir de notre monde se joue à huis-clos, par le biais de cinq ou six personnages, tout au plus. Mais peu importe, après tout, si certains paramètres échappent au spectateur, BORN OF FIRE est aussi un trip sensoriel assez rare dans le cinéma, comparable à ce que l’on peut trouver chez Alejandro Jodorowsky ou Fernando Arrabal.
L’acteur principal incarnant Bergson est interprété par le britannique Colin Firth, qui fit une belle carrière dans plusieurs séries télévisées. Pour le grand écran, on a pu le voir dans quelques œuvres marquantes : EQUUS, TESS et LIFEFORCE. Les autres protagonistes de BORN OF FIRE sont par contre inconnus, ou presque, à l’exception de Suzan Crowley, aperçue notamment dans MEURTRE DANS UN JARDIN ANGLAIS.
En résumé, le film de Jamil Dehlavi n’est pas à appréhender comme un film fantastique spectaculaire. Les effets spéciaux sont utilisés rarement et seulement à bon escient, dans une optique poétique ou surréaliste, comme l’éclipse solaire où l’astre lunaire est remplacé par une tête de mort. Il est intéressant de constater que le metteur en scène ne prend pas parti, tout au long du film. Il n’essaie pas de prouver qu’une religion ou qu’une culture est meilleure qu’une autre. L’œuvre est avant tout l’histoire extraordinaire d’un homme ordinaire qui, pour vaincre ses démons, doit en affronter un, non pas physiquement, mais sur un plan spirituel. Une entreprise qui, à première vue, paraissait difficile à retranscrire en images, mais dont le réalisateur s’est parfaitement acquitté.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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