Brain Damage

Un texte signé Tom Flener

USA - 1988 - Frank Henenlotter
Titres alternatifs : Elmer, le remue-méninges
Interprètes : Rick Hearst, Gordon MacDonald, Jennifer Lowry…

Bien qu’il n’ait tourné littéralement qu’une poignée de films, Frank Henenlotter a néanmoins réussi à se tailler un nom auprès des adeptes du cinéma de mauvais goût et du film d’exploitation américain des années 80.
En fait, son premier film – BASKET CASE en 1982 – aurait suffi à lui tout seul, tout comme Sam Raimi n’aurait jamais eu besoin de faire un autre film après son EVIL DEAD (1981), ou comme Peter Jackson aurait pu changer de métier après BAD TASTE (1987), pour qu’on crie toujours leur nom sur les toits. Contrairement à ses collègues, qui ont tous les deux réussi à atteindre d’autres sphères – Sam Raimi avec SPIDERMAN, Peter Jackson avec LORD OF THE RINGS et KING KONG … j’entends quelqu’un dire « dommage » ? –, Henenlotter n’a jamais quitté le cinéma de quartier, et est à cet égard plus proche de Stuart Gordon – RE-ANIMATOR, un autre film qui ce serait suffi à lui-même pour son réalisateur – que de ses deux compères mondialement célèbres. Suivront après le premier film de Henenlotter deux séquelles – en 1990 et en 1992 – et deux autres films cultes qui feront toute la réputation du réalisateur. L’un d’eux est FRANKENHOOKER en 1990, une version très sanglante et très sexualisée de Frankenstein, l’autre est BRAIN DAMAGE (1988), le deuxième film de Henenlotter.
Brian (Rick Hearst) se réveille un matin après une nuit pleine d’hallucinations, la nuque pleine de sang, certain que quelqu’un l’observe. Il fait ainsi la connaissance de Elmer – soyons correct … c’est A-Y-L-M-E-R ! –, une sorte de ver étrange qui peut s’attacher à la nuque de Brian et sécréter ainsi dans son cerveau une substance qui lui fait voir des couleurs hallucinantes. Lié d’amitié avec cette créature, Brian néglige sa copine Barbara (Jennifer Lowry) et son frère. Lorsqu’il réalise qu’Elmer l’utilise pour tuer des gens et leur manger le cerveau, il veut se débarrasser de son hôte, mais doit se rendre à l’évidence qu’il est dorénavant accro à la substance sécrétée par Elmer.
Avec un budget de $600.000, Henenlotter a créé un film gore-sexe sur la dépendance. En effet, la relation entre Brian et Elmer est celle, classique, entre un drogué et sa drogue, et les intentions de Henenlotter à ce sujet sont bien claires. Déjà BASKET CASE était bien plus qu’un simple film d’horreur, et l’aspect psychologique est présent dans les deux films. Tandis que BASKET CASE traite de la dépendance, mentale et physique, entre deux frères – dont l’un est un mutant homicide caché dans un panier par son frère –, BRAIN DAMAGE illustre l’échec de Brian à se débarrasser de sa dépendance envers Elmer.
Par contre, ce n’est pas à prendre trop au sérieux, d’autant plus que Frank Henenlotter veut avant tout amuser. Dans BRAIN DAMAGE, il le fait avec un non-respect complet du bon goût, et il faut le féliciter d’avoir réussi son pari à ce niveau-là. Equipé d’un sacré sens de l’humour, il n’évite jamais d’inclure de la comédie bien dégueulasse et du sexe dans ses histoires, et reste ainsi plus proche de Stuart Gordon que de Sam Raimi ou de Peter Jackson. Faut-il peut-être y trouver la raison pour laquelle Frank Henenlotter n’a jamais pu grimper l’olympe des blockbusters américains ? Les scènes qui risquent d’en choquer plus d’un ne manquent pas dans BRAIN DAMAGE : s’il ne fallait n’en noter ici qu’une seule, ce serait celle da la fellation fatale. Cet aspect réussi de l’œuvre arrive à compenser d’autres, moins réussis.
Ainsi, le jeu des acteurs est plutôt approximatif. Si Rick Hearst reste le meilleur des acteurs, il n’arrive pas toujours non plus à convaincre. Néanmoins, avec un budget aussi limité, les acteurs sortent leur épingle du jeu plus que raisonnablement, même s’il faut dire que tous doivent s’agenouiller devant un ver en forme de caca. En effet, Henenlotter arrive à faire d’Elmer le point fort du film. Poupée aux mouvements plus que réduits, qui ne fait souvent que bouger la tête et la bouche, Elmer est charismatique, drôle et absolument attachant, bien qu’il n’en ait qu’après notre cervelle. John Zacherle, la voix originale d’Elmer, arrive par sa simple présence sonore à donner une personnalité à cette créature, et rien que pour ça, le film vaut le coup d’être vu en anglais. Il faut juste revoir la scène de désintoxication de Brian dans la chambre d’hôtel pour se rendre compte à quel point Rick Hearst et Elmer se complètent dans les meilleurs moments du film.
S’il y a des reproches à faire à Henenlotter, c’est de ne pas avoir toujours maîtrisé le découpage, et de ne pas avoir accéléré certaines scènes. Quand on voit la seringue d’Elmer s’enfoncer lentement dans la cervelle de Brian pour la troisième fois, on réalise que ce n’est vraiment que le deuxième film de son réalisateur, et qu’il peine encore parfois à trouver son rythme.
Après avoir pris tout ceci en compte, BRAIN DAMAGE reste un petit joyau du film d’exploitation américain, au même titre qu’un RE-ANIMATOR ou un EVIL DEAD, même si moins assuré dans sa réalisation. Maintenant qu’on se trouve au début d’une nouvelle ère d’effets spéciaux, toujours plus parfaits mais souvent aussi plus stériles, il est rafraîchissant de voir un petit film vieux de 20 ans aux effets spéciaux très approximatifs mais bien plus attachants pour les mêmes raisons.
Frank Henenlotter a recommencé il y a deux années une nouvelle carrière avec BAD BIOLOGY (2008), qu’on espère être qualitativement aussi réussi. C’est donc le moment idéal pour redécouvrir les débuts de ce maître du mauvais goût.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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