California

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Italie, Espagne - 1977 - Michele Lupo
Titres alternatifs : Adios California
Interprètes : Giuliano Gemma, William Berger, Michel Bosé, Chris Avram, Malisa Longo

En 1977, le western européen agonise. La production s’est réduite, passant de 55 productions cinq ans plus tôt à 9. Le western comique ou « fayot » symbolisé par Terence Hill et Bud Spenser a vécu, la surproduction aboutissant logiquement à une overdose du public qui se détourne de ces pitreries. Curieusement, peut-être dans un ultime baroud d’honneur, les derniers westerns retrouvent un sérieux oublié depuis une demi-douzaine d’années. Vont se succéder KEOMA de Enzo G. Castellari, MANNAJA L’HOMME A LA HACHE de Sergio Martino et ce CALIFORNIA de Michele Lupo.

La guerre de Sécession s’est terminée, les prisonniers sont libérés, les vieilles rancœurs oubliées…En théorie du moins ! Car les Sudistes subissent la haine des Nordistes et le pays est sous la domination de chasseurs de primes pressés d’abattre tout ceux qui ont commis un délit durant la guerre, même si il s’agissait seulement d’un vol de pommes. California voyage avec le jeune et naïf Willie Preston. Sans cesse provoqués par les Nordistes, ils finissent par s’enfuir après avoir volé un cheval, ce qui équivaut à une peine de mort immédiate pour Willie. California décide d’apporter à ses parents la médaille gagnée par Willie pour sa bravoure. Sur place il rencontre la sœur du défunt, dont il tombe amoureux. Mais la demoiselle est prise en otage par Whitaker, un redoutable chasseur de primes. Pour la libérer, California doit gagner sa confiance et intégrer sa bande.

CALIFORNIA offre une vision sombre et nihiliste de la Guerre de Sécession. Le cinéaste décrit la période suivant immédiatement la fin du conflit. Loin des festivités, ce n’est que rancœur, humiliation des perdants, violences gratuites et exécutions sommaires. Comme après chaque guerre, nous sommes plus proche d’une épuration que d’une libération et les règlements de compte tiennent lieu de justice. Rarement un cinéaste aura-t-il décrit avec autant de noirceur cette période trouble. Le ton est désespéré, la violence surgit de manière brutale et absurde, n’épargnant personne pas même les innocents qui se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment, la photo est sombre et les héros pataugent dans la boue.

Michele Lupo a débuté sa carrière par une poignée de péplums de bon niveau (LE RETOUR DES TITANS, LES GLADIATEURS LES PLUS FORTS DU MONDE) avant d’offrir quelques westerns efficaces (ARIZONA COLT, MEFIE TOI BEN CHARLIE VEUT TA PEAU) et un savoureux giallo parodique, LE WEEK-END DES ASSASSINS. Ce crépusculaire CALIFORNIA constitue en quelque sorte son chant du cygne, avant qu’il sombre dans la comédie poussive avec Bud Spenser (LE SHERIFF ET LES EXTRATERRESTRES, ON M’APPELLE MALABAR,…).

Avec son intrigue dépressive (dont la noirceur se voit à peine éclairée par le happy end final), CALIFORNIA démonte une nouvelle (dernière ?) fois les clichés héroïques liés à la guerre ou, plus généralement, au western. Michele Lupo termine en quelque sorte le travail de démythification entamée dix ans plus tôt par les classiques de Leone ou Corbucci. Après cet ultime fait d’armes le western italien n’avait d’autres choix que l’outrance (PENDEZ LE PAR LES PIEDS) ou la surenchère gore (SCALPS) pour continuer à subsister. Mais l’essentiel était dit. Et bien dit.

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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer


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