Un texte signé Philippe Delvaux

Italie, USA - 1982 - Joe D'Amato (sous le pseudo de David Hill)
Titres alternatifs : Caligula, the untold story, Caligula 2: het verboden verhaal, Caligola… la storia mai raccontata
Interprètes : Laura Gemser, Gabriele Tinti, David Brandon, Charles Boromel, Michele Soavi

retrospective

Caligula, la véritable histoire

Despote sanguinaire, Caligula règne sur Rome au gré de ses pulsions meurtrières. Protégé des nombreux comploteurs par son fidèle esclave Ulmar, il terrorise les sénateurs. Caligula projette de rénover Rome et de la doter d’un gigantesque palais, dont le financement passera par un fastueux et orgiaque banquet où les invités devront dépenser sans compter. S’y invite la prêtresse Miriam, qui cherche à venger l’assassinat par l’empereur de son amie Livia. Miriam cèdera-t-elle à son attirance trouble à Caligula ?

Caligula est de ces empereurs romains dont le règne fait le sel de tout producteur de cinéma, bis ou non. Pas étonnant que ceux-ci se soient régulièrement emparés du personnage. On ne fera pas ici l’historique de l’empereur (vous vous souviendrez de vos cours d’histoire ou retournerez potasser Wikipédia) ni celui des adaptations cinématographique. Mais on évoquera quand même le genre du péplum érotique dans lequel s’inscrit le CALIGULA, LA VÉRITABLE HISTOIRE qui nous occupe ici.

Quand Tinto Brass réactive le péplum avec son CALIGULA et que le résultat, déjà bien sexy et crapoteux est tripatouillé et additionné de scènes pornographiques, un genre nouveau éclot en Italie, donnant immédiatement naissance à une myriade de copies souvent désargentées, toujours érotisées.
Et c’est évidemment le tréfonds du panier qui s’agite, les recalés du dernier rang : on démarre avec LES FOLLES NUITS DE CALIGULA (ou LES CHAUDES NUITS DE CALIGULA, traduction littérale du LE CALDE NOTTI DI CALIGOLA, 1977) d’un Roberto Bianchi-Montero qui fit beaucoup d’érotiques de bas étages, mais aussi un vrai péplum (non érotique) en 1962 : THARUS, FILS D’ATTILA.

A dire vrai, le premier à réagir fut… Bruno Corbucci pour un MESSALINA, MESSALINA (en France, MESSALINE, IMPÉRATRICE ET PUTAIN, sorti en 1981) qui réutilisa carrément les décors du CALIGULA de Tinto Brass, mais resta fort en retrait sur le sexe et la violence.

On enchaine avec Bruno Mattei – qui s’en étonnerait ? – avec CALIGULA ET MESSALINA (1981, distribué en Belgique et en France) et, le bonhomme travaillant traditionnellement par deux films sur le même sujet, LES AVENTURES SEXUELLES DE NÉRON ET DE POPÉE (1981, retitré pour certains anglophones nuls en histoire latine CALIGULA REINCARNATED AS NERO), qui fut hardifié en France par ajout de séquences additionnelles en 1983. C’est à peine si Mattei s’éloigna de ce genre après… livrant LES 7 GLADIATEURS sur la vague suivante à la mode.
En 1981, le Brésil ne fut pas en reste avec un CALIGULA, A ENCARNAÇAO DO SEXO peu connu par chez nous, signé par Luiz Castellini. On y a aussi trouvé trace à la même époque d’un A FILHA DE CALÍGULA à propos duquel on ne sait pas grand-chose mais qui est très certainement un érotique. L’année suivante nous vint d’Espagne un MESSALINE ET AGRIPPINE (BACANALES ROMANAS) de Jaime Puig qui ajouta une touche non sensique. Son réalisateur opte en partie pour la comédie (on est aussi à l’époque de DEUX HEURES MOINS LE QUART AVANT JÉSUS-CHRIST) et avait d’ailleurs déjà livré la comédie UNA VIRGEN PARA CALÍGULA (à l’affiche louchant clairement sur Les Monty Python, tiens, ceux-là même qui éreintèrent Jésus… euh non, Brian) et qui remettra une dernière fois le couvert avec BACANALES ROMANAS II en 1985.

Le genre s’essouffla vers 1984 avec Lorenzo Onorati qui livra LES ORGIES DE CALIGULA (aka LES ESCLAVES DE CALIGULA ou encore ROME, L’EMPIRE DES SENS, ou en Italie LE SCHIAVE DI CARTAGINE).

Il semblerait même que LES ORGIES DU 3E REICH (récemment réédité par Artus), ait connu une exploitation anglophone sous le titre CALIGULA REINCARNATED AS HITLER (il n’en finit décidément plus de se réincarner, question de karma sans doute), c’est dire !

Joe d’Amato quant à lui reviendra encore aux Caliguleries, en 1983 d’abord, troussant deux petits hards pour exploiter jusqu’au bout les décors de CALIGULA, LA VÉRITABLE HISTOIRE : UNA VERGINE PER L’IMPERO ROMANO et MESSALINA… ORGASMO IMPERIALE puis à nouveau en dernières partie de carrière, lorsqu’il sera définitivement confiné au porno hard dans les années ’90, il livrera encore d’interchangeables MESSALINA (1996), CALIGOLA: FOLLIA DEL POTERE et enfin NERONE, PERVERSIONI DELL’ IMPERO (tous deux en 1997).
Un peu étrangement, la Cinématek (belge, oui, avec un « k ») lui connait le titre alternatif LES ORGIES DE CALIGULA. On se demande s’il n’y a pas là de la part de la vénérable institution confusion avec le Lorenzo Onorati.

Et que nous vaut l’itération de d’Amato ? Qu’elle soit « véritable », inédite (untold), interdite (verboden), cette histoire s’inscrit bien dans la lignée du CALIGULA de Tinto Brass, le titres flamand précisant d’ailleurs CALIGULA 2, pour bien enfoncer le clou.

Et le film s’inscrit dans la digne lignée des travaux du cinéaste : un peu branlant (sans mauvais jeu de mots), assez Z et désargenté. Bref, selon votre affinité avec les marges du cinéma bis, vous adorerez (pour d’aucuns, c’est un de ses meilleurs titres) ou détesterez.
Cette « véritable histoire » (rire) de Caligula prend place dans une antiquité de bazar, constituée de trois intérieurs emplis de quelques amphores, statues en plâtre et autres draperies, d’une plage et de l’une ou l’autre ruine antique (qui étaient sans doute en meilleur état à l’époque de l’empereur, mais passons, l’anachronisme participe pleinement au charme du bis).
D’Amato joue de ses atouts en plaçant au casting SON Emanuelle (avec un seul « m »), la très belle Laura Gemser, alors au sommet de sa popularité, et dont le hiératisme du jeu convient assez bien au rôle d’une prêtresse. Il faudra ceci dit attendre pas loin d’une heure vingt pour la voir tomber la toge. Du coup, on retrouve évidemment son Gabriele Tinti de mari dans le rôle d’Agrippa. David Brandon (qu’on reverra ensuite, par exemple dans le BLOODY BIRD de Soavi) campe un Caligula… qui n’atteint pas la densité de celui de Malcolm Mac Dowell. Pour l’anecdote, le sénateur Pétreius est interprété par Charles Boromel, un vieux briscard qui fut de l’épopée des péplums italiens des années ’60, au rang desquels HERCULE CONTRE LES MERCENAIRES d’Umberto Lenzi (1962) où il jouait… Caligula. Pour l’anecdote (bis), le sénateur Domitius est interprété par Michele Soavi, dont on vient de parler, lequel aurait de surcroît participé à l‘écriture du scénario).

Tel que redécouvert en 2016, le film dure en effet 2h05.On doute beaucoup que ce soit ce montage qui ait jamais été exploité tel en 1983, du moins en salle. Il est plus probable, l’époque était coutumière du fait, que ce montage ait été proposé aux distributeurs afin que ceux-ci le resserrent en choisissant qui une version soft, qui une version hard. Ceci expliquerait les redondances ou longueurs dans les dialogues, servant à rallonger la sauce pour un éventuel montage soft (et qui ne sont d’ailleurs pas doublés en anglais) qui serait alors amputé des plans pornographiques. 2h05, c’est sans doute une version intégrale, mais certainement pas un hypothétique director’s cut qui, en l’espèce ne pourrait pas exister, le film ayant vocation à connaitre différentes versions.

Car, oui, à l’instar de celui de Tinto Brass (pour les plans ajoutés sans l’accord de ce dernier), le CALIGULA de Joe d’Amato contient lui aussi son lot de scènes et d’images explicites. Elles se concentrent au cœur de métrage, qui opère une sorte de suspension de l’intrigue (au demeurant fort déliée, l’intrigue) le temps d’une longue, très longue, scène d’orgie.

L’anecdote historique de la prostitution des femmes des sénateurs a marqué les esprits. On s’y pénètre, certes, on s’y suce beaucoup, mais le point d’orgue est sans conteste une scène de zoophilie (partiellement explicite), qui n’est pas sans évoquer le précédent de d’Amato sur EMANUELLE EN AMÉRIQUE. L’anecdote – à l’historicité bancale – du cheval de Caligula (et de sa nomination sénatoriale) a aussi marqué les esprits. On se doute que la petite séquence zoophile ne sera pas passée sans mal dans nombre de pays. Elle fut ainsi coupée en France en 1983.

C’est d’ailleurs assez curieux : il faut attendre relativement longtemps avant de voir démarrer la foire aux atrocités, et ce alors que la première partie déploie assez paresseusement l’intrigue et la caractérisation des protagonistes. Et passée l’orgie, le film réoriente sans crier gare son angle, le temps d’une peu fouillée romance qui nous conduira tout doucement vers la conclusion. C’est un peu foutraque… c’est très d’Amato.
Pour le reste, Joe d’Amato n’oublie pas la composante gore (langue arrachée, anus empalés…) qui fonctionne toujours assez bien avec les « perversions » sexuelles. Joe d’Amato a déjà mixé sexe et gore a plusieurs reprises. Ici, l’orgie à la romaine est classiquement dépeinte comme décadente et perverse : on y vomit son repas avant que d’embrasser à pleine langue une compagne de débauche ! Ah mon bon Monsieur, on savait s’amuser en ce temps-là !

Selon votre affinité pour le cinéma des marges, vous vous jetterez sur ce CALIGULA, LA VÉRITABLE HISTOIRE – oui, Joe d’Amato vous en donne pour votre argent – ou vous passerez votre chemin – oui, David Hills (son pseudo du jour) reste aussi limité que Joe d’Amato-.

CALIGULA, LA VÉRITABLE HISTOIRE fut distribué En France le 29 juin 1983. En Belgique, Excelsior l’amena la même année sur les écrans du plat pays.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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