Cartas de amor de una monja

Un texte signé Philippe Delvaux

Portugal - 1978 - Jorge Grau
Titres alternatifs : Love letters of a nun
Interprètes : Analía Gadé, Alfredo Alcón, Teresa Gimpera, Fernando Sánchez Polack, Lina Romay, Carmen Fortuny

En 1640, dans l’Espagne de l’inquisition, mère Mariana dirige un couvent où vient se réfugier sa sœur Isabelle, récemment veuve, qui a décidé de quitter le monde séculier. Mère Mariana a bien du mal à résister à ses pulsions humaines : son confesseur Augustin ne la laisse pas indifférente, passion par ailleurs réciproque et attisée par les règles de l’ordre séparant clairement hommes et femmes. Un seul autre homme vit au couvent : le sacristain Geronimo, être libidineux et de basse moralité. Il est par ailleurs le témoin des épanchements entre sœurs, des égarements des unes et des autres, mais voudrait bien obtenir des privautés de Mariana. Celle-ci le repousse cependant. Mère Mariana protège autant que faire se peut ses sœurs qui, soumises aux rigueurs des règles de l’ordre, sont parfois fort éprouvées psychologiquement. Ainsi de la jeune Maria, perpétuellement effrayée par une présence masculine invisible. Névrosée, Maria adopte un comportement de plus en plus scandaleux, qui finit par attirer l’attention de l’inquisition, tandis que Mariana et Augustin finissent par céder à leur attirance mutuelle.

Ce CARTA DE AMOR DE UNA MONJA est une petite curiosité pour les amateurs de cinéma bis puisqu’il met en scène Lina Romay, dans le rôle secondaire mais à plusieurs reprises dénudé de Maria, et ce alors qu’en cette même année, Jess Franco, compagnon de Lina Romay depuis peu, tournait sa propre version de LOVE LETTERS OF A PORTUGUESE NUN – notez l’ajout de « portuguese » – mais sans y faire figurer Lina Romay. Cherchez l’erreur !

La réalisation de George Grau se veut plus sobre que celle du pape du zoom approximatif, mais elle n’en grandit pas le film pour autant. CARTA DE AMOR DE UNA MONJA reste une œuvrette assez anecdotique qui hésite trop longuement entre la chèvre et le chou, tant sur la forme que pour le fond. La mise en scène reste ainsi bien trop sage pour réellement intéresser l’amateur de série B, tandis qu’il lui manque la touche bressonnienne qui aurait pu accrocher le cinéphile auteurisant. Le déroulé de l’intrigue témoigne tout autant de ces malheureuses hésitations : Georges Grau commence par déployer plusieurs arc narratifs, celui de la passion entre Mariana et Augustin, celui de Maria et enfin celui d’Isabelle, avant de reléguer deux d’entre eux à l’arrière-plan pour se concentrer sur les amours des deux ecclésiastiques.

La critique de ce film reste de nos jours encore difficile : CARTAS DE AMOR semble n’avoir pas connu de distribution en salle hors d’Espagne et la seule source officiellement disponible en 2012 est le dvd publié quelques années plus tôt par Televista, édité sur base d’une copie fort fatiguée du film, peut-être à partir d’une source VHS, et sur lequel aucun travail de restauration n’a été entrepris. Il en ressort un manque de définition et surtout un manque de lisibilité de certaines séquences plongées dans l’ombre où on serait bien en peine de deviner ce qui se passe.

Ceci traduit bien le statut demeuré confidentiel de son réalisateur hors de son pays. Ayant pourtant régulièrement tourné entre la fin des années ’50 et le début des années ’90, il semble bien que très peu de ses œuvres aient franchi les frontières. Seul LE MASSACRE DES MORTS VIVANTS (1974) a un peu fait parler de lui ça et là.

CARTAS DE AMOR … est donc un nunsploitation typique, inscrit dans la foulée à la fois des DIABLES de Ken Russel ou de L’EXORCISTE – Maria est hystérique et l’inquisition doit intervenir – et des adaptations de romans épistolaires. On reste cependant aussi éloigné de Choderlos de Laclos que de Diderot. En même temps, il reste d’une grande modération érotique par rapport à la moyenne du genre.

On l’aura compris, coincé entre deux chaises, CARTAS DE AMOR DE UNA MONJA n’est pas un incontournable. A réserver aux curieux et aux complétistes.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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