retrospective

Catherine de Russie

Prolifique artisan du cinéma populaire italien, le réalisateur Umberto Lenzi est surtout connu pour ses excellents « poliziotteschi » (polar italien social et violent) tels que LA RANCON DE LA PEUR (1974), ses solides giallos (LE TUEUR A L’ORCHIDEE, 1972) ou pour certaines bandes d’exploitation (CANNIBAL FEROX, 1981) très appréciées notamment de Quentin Tarantino mais que son auteur préfère dorénavant passer sous silence ! Si une grande partie de la filmographie de Umberto Lenzi se distingue par une violence souvent très crue, parfois tapageuse, elle est totalement absente du début de sa carrière placée sous le signe du classique film d’aventures, à l’image de son premier essai, MARY LA ROUSSE, FEMME PIRATE (1961). Pour son quatrième long-métrage, le réalisateur s’intéresse à une figure historique emblématique, Catherine II de Russie, personnalité ayant inspiré plusieurs films dont L’IMPERATRICE ROUGE (1934) de Joseph von Sternberg avec Marlène Dietrich. On ne retrouve rien dans CATHERINE DE RUSSIE du chef-d’œuvre cruel et baroque du réalisateur autrichien, le film de Umberto Lenzi simplifiant à l’extrême la situation politique et la psychologie complexe de la despote éclairée. Le rôle titre est tenu par l’actrice et chanteuse allemande Hildegard Knef (LE PEUPLE DES ABIMES de Michael Carreras, 1968) que l’on a souvent comparé à Marlène Dietrich pour sa liberté d’esprit.
Russie, 1762. L’empereur Pierre III, individu lâche et cruel, se heurte au capitaine cosaque Orlov qui refuse d’obéir à son ordre de tirer sur un groupe de manifestants. En représailles, le vaillant cosaque est condamné aux travaux forcés tandis que l’épouse du tsar, Catherine, commence à s’opposer à son vil époux qui méprise son peuple et veut entrer en guerre sans raison avec le Danemark. Délaissée, trahie par un amant, la fière Catherine décide de mettre un terme au règne absurde de Pierre III avec l’aide des Cosaques et du capitaine Orlov qu’elle fait secrètement libérer…
Basé sur une période précise de l’Histoire (le coup d’état de la future impératrice), CATHERINE DE RUSSIE laisse dès le départ la vérité historique et la complexité politique de côté pour proposer un classique film d’aventures dans lequel les événements réels ne sont qu’une simple toile de fond. Le premier plan est en effet occupé par les déboires sentimentaux de la figure féminine éponyme, trompée par son amant aventurier Poniatowski (le très fade Giacomo Rossi Stuart, acteur principal de OPERATION PEUR de Mario Bava, 1965), délaissée par son époux et qui tombera amoureuse du héros cosaque Orlov (Sergio Fantoni). Ce n’est en fait que dans le dernier tiers du film que le personnage de Catherine prendra un peu d’ampleur en se transformant subitement en pasionaria de sa patrie et de la justice ; dans quelques scènes alors, Hildegard Knef se révèle une interprète convaincante et parvient à faire de Catherine une femme moderne, une véritable féministe avant l’heure (c’est à partir du moment où elle décide de se passer des hommes et de leur influence qu’elle accèdera à la liberté puis au pouvoir). Cependant, le fait que l’actrice ait de toute évidence eu recours, pour son visage, à la chirurgie esthétique donne malheureusement à son incarnation d’une tsarine du 18ème siècle un côté étrangement anachronique. Par alternance, le second axe narratif du film suit les mésaventures des prisonniers cosaques, leur marche forcée à travers la steppe (la bande sonore n’hésite pas alors à faire retentir de plaintifs chœurs russes) puis leur arrivée dans un camp de travail. Orlov s’y montrera bien sûr courageux et solidaire avant de s’en échapper assez facilement, son maniement du shashka nous gratifiant au passage de quelques scènes de « capes et d’épées » trop vite expédiées. Doté d’un budget qu’on imagine confortable, Umberto Lenzi soigne l’aspect visuel de son film qui ne manque pas de faste (les scènes de bal du début, les extérieurs bien gérés par un cinémascope efficace, les trop rares combats à cheval…) mais qui pêche par un grand manque de lyrisme et d’audace. Impersonnelle, sa mise en scène ne parvient pas à rendre passionnant ni même émouvant un sujet qui en avait pourtant le potentiel. Au final, CATHERINE DE RUSSIE se révèle bien inférieur à un ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES (Bernard Borderie, 1964) dont il est finalement plus proche (par son mélange de mélodrame et d’aventures) que d’un véritable film historique. Bien construit mais superficiel, cet opus de Umberto Lenzi ne laissera pas vraiment de trace dans la mémoire du cinéphile friand du genre.

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