Ciel De Plomb

Un texte signé Jérôme Pottier

Italie - 1968 - Giulio Petroni
Titres alternatifs : E per tetto un cielo di stelle
Interprètes : Giuliano Gemma, Mario Adorf, Rick Boyd, Magda Konopka, Chris Huerta, Julie Menard, Anthony Dawson...

Giulio Petroni s’est éteint dans l’indifférence générale le 31 janvier 2010, son anonymat est peut être du au fait qu’il était un réalisateur peu prolifique (à peine plus d’une dizaine de métrages). Il s’était fait connaître en1967 avec l’une des meilleures productions que nous ait offertes l’Italie en matière de western : LA MORT ETAIT AU RENDEZ-VOUS. Après ce classique porté par la prestation du buriné Lee Van Cleef et de l’angélique John Phillip Law, il met en scène l’année suivante l’halluciné Thomas Milian dans TEPEPA. Cette pelloche, dans laquelle s’affrontent la star cubaine célèbre pour son interprétation de Cuchillo (cf. COLORADO et SALUDOS HOMBRE réalisés respectivement en 1966 et 1968 par Sergio Sollima) et un Orson Welles venu cachetonner, est plutôt décevante. Néanmoins l’interprétation habitée de Thomas Milian sauve le film. Les fans du metteur en scène attendent donc beaucoup du nouveau western qu’il réalise en 1968, CIEL DE PLOMB…
En plein désert, un convoi de braves citoyens est cruellement assassiné. Tim Hawkins sait qu’il vient d’échapper au pire en ne prenant pas cette diligence, en effet, cette attaque lui était destinée. Il est recherché par un certain Roger Pratt qui, avec ses hommes, compte bien lui faire la peau. Tim reçoit le coup de pelle d’Harry qui l’aide à enterrer ces innocents. Les deux hommes se recroisent lors d’un pugilat au saloon du coin et Tim arnaque Harry de toute sa fortune. Le débonnaire Harry décide de poursuivre Tim…
Avec ce prologue violent et tétanisant accompagné d’une très belle partition de Morricone l’amateur de « western all’italiana » pense avoir retrouvé le Petroni de LA MORT ETAIT AU RENDEZ-VOUS, mais que nenni… comme dans TEPEPA, le metteur en scène tergiverse. CIEL DE PLOMB débute comme un western crépusculaire puis, subitement, bascule dans le comique avec une accumulation de gags poussifs et se conclut par un « gunfight » explosif. CIEL DE PLOMB bénéficie toutefois de quelques qualités, la réalisation est soignée, la photo de Carlo Carlini est superbe et le scénario peut parfois surprendre. Certes, les arnaques de nos « Laurel et Hardy du far-West » sont ridicules (qui peut croire à cette vraie-fausse banque et que dire du coup du télégraphe) mais les quelques instants passés dans l’univers forain (avec une bien savoureuse sirène) confèrent à l’ensemble un certain charme désuet. Toutefois, ces scènes légères sont à chaque fois brutalement stoppées par un accès de violence incongrue. En mélangeant les genres, Petroni s’égare, les bobines les plus cruelles paraissent malvenues tant le reste du métrage est vaporeux. CIEL DE PLOMB est une pelloche étrangement bancale qui doit beaucoup au talent de ses interprètes.
Giuliano Gemma est Tim Hawkins, le beau gosse stakhanoviste du cinéma italien (plus de 100 films à son actif) interprète ce bien étrange personnage d’arnaqueur rigolo mais pas sympathique (il sème quand même quelques cadavres sur son chemin). Il participe, dans le western italien, à de nombreux classiques du genre : Un Pistolet Pour Ringo et Le Retour De Ringo (tous deux réalisés par Duccio Tessari en 1965), Le Dernier Jour De La Colère (Tonino Valerii-1967), Texas (Tonino Valerii-1969), Méfie-Toi Ben Charlie Veut Ta Peau (Michele Lupo-1972), Adios California (Michele Lupo-1977). Il tient également la vedette d’un des meilleurs péplums de l’histoire du cinématographe : Les Titans de Duccio Tessari (1962). Très fidèle, il travaille souvent avec les mêmes metteurs en scène, il a beaucoup tourné avec Lupo, dont le très bon polar Un Homme A Respecter (1972) avec Michael Douglas et Florinda Bolkan.
Il est ici accompagné par l’incroyable Mario Adorf qui excelle dans son rôle de benêt attachant. Il est l’un des acteurs les plus prolifiques de toute l’histoire du cinéma avec près de 200 films à son actif, il tourne encore beaucoup pour la télévision allemande. Les habitués du polar rital n’oublieront jamais sa composition géniale dans L’EMPIRE DU CRIME de Fernando Di Leo (1972).
Le reste du casting est constitué des habituels seconds couteaux du genre tel Rick Boyd (Slim dans SHANGAI JOE de Mario Caïano-1972) et Chris Huerta, que l’on a revu récemment dans LA CITE DES ENFANTS PERDUS (Caro et Jeunet-1995). Le casting féminin est riche de belles donzelles aux courbes affolantes comme Magda Konopka qui campe ici une veuve joyeuse. Cette dernière gagne ses galons d’égérie sexy en campant SATANIK pour Piero Vivarelli en 1968.
Cette belle brochette fait ce qu’elle peut pour soutenir un script étrangement hésitant qui, de plus, ne donne pas la part belle aux personnages. En effet, Gemma est bien trop égoïste et Adorf outrageusement idiot pour que le spectateur s’attache à leur destinée. Seuls subsistent ces deux grands moments de mise en scène que sont l’introduction barbare et le final explosif. Petroni fait définitivement, en 1972, le choix du comique outrancier avec le chaplinesque ON M’APPELLE PROVIDENCE qui met en vedette un Thomas Milian en roue libre. Là encore, les aficionados du genre sont divisés par la pelloche, d’où cette question : Giulio Petroni ne serait-il pas l’homme d’un seul et unique film ?


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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