retrospective

Cinderella 2000

Dans le milieu des années 70, aux Etats-Unis, le succès public des films hardcore, DEEP THROAT en tête, n’est plus à démontrer. Pourtant bien des cinémas ne sont pas prêts à embrasser une telle demande. Le président de l’Independant-International Pictures Corp. l’a bien compris et profite de l’aubaine pour se lancer dans la production d’un film pudiquement classé sous l’appellation softcore : CINDERELLA2000.
En 2047, toute forme de fornication est désormais interdite. The Controller, tyran moustachu sympathique, l’a décrétée malsaine et le fait savoir au travers d’écrans de télévision disposés dans différents lieux de la ville. Un robot aussi agité qu’intraitable veille au respect de cette règle de base. Sans gêne aucune, accompagné de gardes, il officie directement là où le mal se développe. Il passe d’une chambre à l’autre et intervient auprès des couples qui s’égarent. La peine encourue ? tre réduit à la taille d’un lilliputien. Loin de toutes ces frustrations, Cinderella nettoie et nettoie encore, assise à même le sol. Fidèle au conte dont elle tire son nom, elle est flanquée d’une marâtre imbuvable et de ses deux pestes de filles. A une différence près tout de même : toutes ces dames ont un très gros appétit sexuel. Lorsque arrive son jour de congé, Cindy file vers la campagne pour y déterrer un livre de contes. Et alors qu’elle se laisse aller à ces rêveries sur le prince charmant, apparaît une fée mâle : Le Fairy Goodfather. À peine descendu de son vaisseau Atari, il va s’inquiéter de lui faire découvrir l’Amour. Son plan de bataille est déjà établi : Cinderella sera son ambassadrice et bientôt la terre entière pourra bénéficier des retombées de leur enseignement. Reste à atteindre le pouvoir. Efficace comme pas deux, le parrain-fée équipe sa protégée pour le bal masqué. Voiture aluminium, robe de soirée blanche et diamant autour des yeux, Cindy rejoint son destin. Séduction, fornication, petit souvenir (non ce n’est pas un soulier), il est déjà minuit et largement l’heure de rentrer. Le Prince ne l’a retrouvera qu’après des efforts soutenus bien plus agréables que des essayages de chaussures.
CINDERELLA 2000 est un condensé de la débrouille qui caractérise les intéressantes productions à petit budget. Décors réduits au strict nécessaire, l’accent est porté sur les couleurs et la sobriété des intérieurs. Les costumes suivent la même ligne de conduite. Maquillage et paillettes complètent le tableau dans une évocation efficace du futur. S’il est vrai que le décorum des chambres et notamment les lits « ronds » – LES PORTES DU PLAISIR – les tableaux de commandes bon marché ou les tenues futuristes moulantes -SUPERSEXGIRL, ALPHABLUE – ne sont pas sans rappeler quelques bons moments du hard américain de l’âge d’or, les comédiens mettent leur énergie dans un autre registre. Du laisser-aller subtil du Controller qui prononce sans le vouloir quelques mots en allemand alors qu’il s’énerve, à la mise en place du plan B après l’échec d’un traitement au rayon laser sur une démence sexuelle, en passant par cet objet bien incongru qui servira de base au carrosse de Cindy, pas un moment d’humour ne sonne faux. Il en va de même des moments musicaux, tour à tour blues endiablé ou ritournelle répétitive tout droit sortie d’un show de Benny Hill. Résultat : kitch mais travaillé et pensé ; simple mais distrayant, voire jouissif. D’une simplicité extrême, CINDERELLA 2000 laisse les comédies potaches loin derrière.
CINDERELLA 2000 s’impose donc tout en douceur, donne une réponse claire à l’éternel dilemme entre argent et création et tombe à pic pour nous rappeler que qualité ne rime pas forcément avec budget. Et comme le conclut Al Adamson par la voix des Sparky Sugarman : We all need love.

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