Cinétrange dvd 2

Un texte signé André Cote

France - 2007 - Jeff Grenier, C.G., Nicola Dulion, Olivier De Sagazan
Interprètes : Eric Aupin, Nicolas Martin, Sophie Simon, Rodolphe Legendre, Paul Sanda...

Cinétrange est un magazine édité et distribué par Sin’Art. Le dvd comprend 4 courts-métrages et des interviews de Frédéric Grousset (réalisateur de AQUARIUM dont une bande annonce est également visible dans le DVD) et de David Scherer, responsable des effets spéciaux sur le court-métrage TRIPTYQUE. Les bonus comprennent aussi les bandes annonces de KILLER CUP et du film A L’INTERIEUR, un extrait de ce dernier est également inclus.

KILLER CUP : LES GOBELETS QUI TUENT
A l’université de Nancy, des gobelets en plastique prennent vie et attaquent les étudiants. De ce synopsis basique, Jeff Grenier parvient à faire un court-métrage dynamique aidé pour cela d’une musique rock du meilleur effet et de dessins de gobelets. Ces derniers apparaissent en fait à l’écran afin de ponctuer chaque scène d’humour. On sent l’influence des films de série B voire Z tels que ATTACK OF THE KILLERS TOMATOES. Il réussit à donner une vie à ses gobelets qui ont dû subir moult découpages par l’équipe des effets spéciaux pour devenir aussi expressif que possible. De plus, Grenier s’avère à l’aise dans l’utilisation de ses cadrages, n’hésitant pas à venir très près de ses gobelets pour obtenir des effets saisissants. Des scènes simples en deviennent mémorables : l’assemblée des gobelets vivants qui peut passer comme une parodie des meetings politiques ou la « résurrection » d’un des gobelets qui passe par l’échange de point de vue des gobelets présents. Les effets sont très simples et faciles à deviner, mais combinés avec un bon cadrage les scènes réussissent l’essentiel : donner une vie à des objets inanimés. Hélas, on déplore un éclairage du niveau de l’amateurisme, le métrage a été tourné sans que la photographie n’ait été travaillée. Quoi qu’il en soit, on a envie de classer ce KILLER CUP dans la catégorie des franches réussites grâce à son montage qui inspire un dynamisme en adéquation parfaite avec la musique rock choisie. Très speed, sans temps mort et s’offrant même le luxe d’un climax réjouissant (l’apparition du monstre final), ce court de Jeff Grenier part pour être déjà l’un des meilleurs courts-métrages du Dvd.

TRYPTIQUE
Noir (ou l’amour contrarié) / Comédie (ou l’amour non partagé) / Horreur (ou l’amour interdit)
Un court-métrage lui-même divisé en trois sketches unis par le thème commun des relations entre l’amour et la mort. Trois petites séquences filmées en un seul plan. Les titres dénotent une attention de dénoncer un aspect différent sur un thème pourtant similaire. Nous y voyons toujours un couple dont l’un meurt ou est mort. Le titre recèle alors une perception de cette relation entre l’amour et la mort. Dans NOIR, nous voyons un meurtre, renvoyant le plan au genre du « polar ». Dans COMEDIE, une femme danse devant le cadavre de son amante, les traces de sang indiquent qu’elle s’est faite elle aussi tuer, on perçoit un des thèmes du burlesque par cette image de la danse en célébration de la mort. Enfin dans HORREUR, la dimension du sacrifice est mis en évidence par le canevas horrifique (l’intervention de la Grande Faucheuse) qui a ici un rôle de juge devant le sentiment vécu. On note une absence de dialogue, voire de musique pour NOIR. Par l’emploi de la même technique du plan-séquence sur les trois courts, le réalisateur démontre trois effets différents : il donne un caractère cru à NOIR, enlève toute réalité à COMEDIE puisque le temps parait suspendu et rapproche HORREUR du cinéma dramatique muet par la progression lente de l’intrigue et le carton utilisé pour annoncer le climax à l’écran.

GUEDRO
La fuite d’un homme poursuivi par un lapin géant. Une hallucination, on s’en doute, mais que représente-t-elle ? Filmé en noir et blanc, ce film d’une vingtaine de minutes paraît être sorti tout droit de l’esprit du personnage de Guedro visible à l’écran. Une impression donnée par l’utilisation atypique de l’image que l’on retrouve plus volontiers dans des clips musicaux mais qui sert à merveille le propos de ce court. Nicola Dulion n’hésite pas à tordre son image pour nous renvoyer la réalité ressentie par son personnage principal. GUEDRO privilégie les gestes aussi bien « devant » la caméra par la performance des acteurs, que « derrière » avec les mouvements de la caméra et ses cadrages très expressifs. Nicola Dulion nous fait ressentir l’étrangeté vécue par son personnage, il nous fait vivre « une folie à deux » entre le spectateur et Guedro. Celui-ci nous est présenté comme un homme sous pression, sous l’influence de différents médicaments. Il ne sait plus reconnaître le monde qui l’entoure : allant jusqu’à goûter son urine. Il vit un conte de fée macabre, une sorte de ALICE AUX PAYS DES MERVEILLES sombre. Comme Alice, Guedro cherche à fuir, mais ici, le pays des merveilles semble être la réalité. Pourquoi veut-il fuir ? C’est une question qui trouvera sa résolution lors de la chute finale et l’origine de l’apparition de ce lapin à taille humaine. Et que représente-t-il vraiment ? Nicola Dulion réussit à nous faire partager un cauchemar éveillé, et nous lui pardonnons volontiers les effets les plus grossiers comme le costume de carnaval de ce fameux lapin.

TRANSFIGURATION
La quête d’un artiste pour dépasser son être. Ce court-métrage nous montre la performance de Paul Sanda, un poète. Les quelques minutes nous le présentent recouvrant sa tête d’argile et de peinture pour s’isoler sensitivement. Il est filmé en représentation devant un public, sur une scène de théâtre. Le cadreur nous met ainsi à la place du spectateur. Les différentes coupes du métrage permettent au réalisateur d’écarter les temps morts situés entre les gestes du poète. Devant nos yeux, celui-ci prend la forme d’une créature dont lui-même n’a pas conscience, isolé du monde qu’il entoure par toute l’argile qui lui recouvre le visage. L’expérience peut interpeller par la performance réalisée par Paul Sanda, mais elle peut aussi laisser indifférent en raison de l’absence de mise en scène, le cadreur ne changeant jamais de position.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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