Climax

Un texte signé Alexandre Thevenot

France - 2010 - Frédéric Grousset
Interprètes : Julien Masdoua, Marion Trintignant, David Jimenez

En 1996, une chorégraphe de renom met en place un spectacle de danse urbaine. La troupe fait une dernière répétition avant la tournée aux États-Unis. C’est l’occasion pour les danseurs de fêter la fin des entraînements. Cet évènement a lieu dans un local isolé au bord d’une forêt. La grande fête tourne mal lorsque quelqu’un met de la drogue dans la sangria. Drogués à leur insu, les danseurs vont céder à la panique et à la paranoïa, et laisser leurs pires angoisses prendre le dessus. Ce qui devait être un moment de fête et de célébration tourne à une nuit infernale et angoissante où tout semble possible. Et s’en sortir est plus compliqué à une époque sans téléphone portable

Réalisé par Gaspard Noé en 2018, CLIMAX est un film français mettant en scène un bad trip. Une grande partie du film est une succession de plans séquences, ce qui permet d’inclure le spectateur dans le bad trip, et surtout d’être dans l’esprit de chaque personnage en déroute. Davantage danseurs qu’acteurs, c’est le corps de chaque comédien qui s’exprime. La danse n’est donc pas seulement à l’image, elle est dans la mise en scène, dans l’expression du mal-être de chaque personnage.

Gaspard Noé nous a habitué à des caméras mobiles, voire dansantes. Dans IRREVERSIBLE, la caméra se met à tourbillonner à mesure que le héros perd pied. Dans INTO THE VOID, la caméra aérienne bouge comme un danseur, virevoltant, survolant les espaces, imitant l’esprit qu’est devenu le héros. S’ajoutaient à la mise en scène des effets spéciaux, à la fois optiques et en postproduction, pour imiter l’effet de la colère dans IRREVERSIBLE et de la drogue dans INTO THE VOID. Mais dans CLIMAX, la caméra ne décroche jamais de ses acteurs, si ce n’est pour aller de l’un à l’autre, toujours dans l’accompagnement d’un geste, d’un mouvement du personnage. Ce n’est plus la caméra qui s’envole et tourbillonne, mais les protagonistes.

Ce changement de mise en scène s’accompagne d’un changement d’acteurs. Dans ses premiers films, Gaspard Noé avait ses acteurs fétiches, comme Philippe Nahon, puis dans IRREVERSIBLE, il choisit un casting de star avec Monica Belluci, Vincent Cassel et Albert Dupontel. Pour INTO THE VOID, il choisit pour son héros un non-acteur, et pour sa sœur Paz de la Huerta, l’une de ses actrices fétiches. LOVE est composé lui aussi d’un casting d’acteurs méconnus ou débutants, marquant la volonté de Gaspard Noé de chercher à ciseler son cinéma ainsi que ses personnages, et de s’affranchir des codes du cinéma français. Mais pour CLIMAX, le casting se compose uniquement de danseurs, même si quelques-uns sont également des acteurs. La plus connue est Sofia Boutella, qui se voit offrir un rôle à la mesure de son talent sous-exploité dans LA MOMIE.

Chaque danseur offre à voir un personnage différent des autres. Au début du film, les interviews face caméra des différents danseurs placent chaque rôle dans un milieu social et culturel différent, non sans éviter les clichés, mais elles permettent cependant de poser des bases que le film exploitera par la suite. La narration est à première vue inexistante, mais s’avère sur la longueur parfaitement ciselée de manière à faire ressentir une montée en tension, avec des petits retournements de situation et twists qui jouent avec nos nerfs. Mais l’intéressant est que ces twists ne servent pas uniquement à maintenir une tension, ils révèlent aussi la profondeur des personnages.

L’intrigue, à savoir la drogue versée à l’insu de tous dans la sangria ajouter une virgule va mettre en exergue les personnalités de chacun. Ses effets étant en effet très différents sur les uns et les autres. Gaspard Noé choisit de suivre avec une caméra fluide et aérienne chacun des personnages, les capturant dans le mouvement, et, faisant perdurer celui-ci, permet au spectateur de s’attacher à chacun d’eux, de vivre ces moments, de rire des instants complètement grotesques, et de pleurer et s’émouvoir de la tragédie qu’ils sont en train de vivre, et ce sans jamais perdre haleine.

La mise en scène est virtuose comme l’est le mouvement des danseurs, la séquence de répétition le prouve. Par cette scène, Gaspard Noé et ses danseurs nous accrochent pour ne plus nous faire redescendre. La tension contenue dans le spectacle est artistique, peu à peu sensuelle, et elle deviendra sexuelle puis violente avant de basculer dans la folie la plus complète. Bien sûr, on y retrouve les thématiques chères à Gaspard Noé : la jalousie, la sexualité débridée, la drogue, la mort, la folie meurtrière et destructrice. Et comme tous ses films, CLIMAX est le train fantôme de la vie qui s’enfonce dans les tréfonds infernaux de l’âme humaine.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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