Un texte signé Charlotte Dawance-Conort

USA - 2000, 2015, 2017, 2020 - Doug Lefler, Colin Teague, Patrik Syversen, Ivan Silvestrini
Titres alternatifs : Coeur de Dragon : Un nouveau départ, Coeur de Dragon : La Malédiction du Sorcier, Coeur de Dragon : La Bataille du coeur de feu, Coeur de Dragon : La Vengeance
Interprètes : Christopher Masterson, Robby Benson, Julian Morris, Ben Kingsley, Tamzin Merchant, Patrick Stewart, Tom Rhys Harries, Jessamine-Bliss Bell, Jack Kane, Joseph Millson, Helena Bonham-Carter

retrospective

Coeur de Dragon – la saga

En 2000, Raffaella de Laurentiis décide de poursuivre la mythologie amorcée par COEUR DE DRAGON en 1996 et lance une saga dans laquelle les royaumes sont systématiquement dirigés par des souverains injustes et cruels. Le deuxième opus, COEUR DE DRAGON : UN NOUVEAU DÉPART, se situe plusieurs années après la fin du premier et introduit le personnage de Geoff, un orphelin recueillit par des moines et qui rêve de chevalerie. Hélas, son extraction ne lui permet pas d’espérer prêter serment à l’Ancien Code – sorte de credo de l’idéal chevaleresque introduit dans le film étalon. Mais c’est sans compter la présence d’un nouveau dragon, toujours le dernier de son espèce, cette fois baptisé Drake. Sont également de la partie un vieux maître chinois et une princesse dissimulée sous des habits d’homme et douée en art martial, peut-être Raffaella de Laurentiis a-t-elle été inspirée par la sortie de MULAN, deux ans auparavant.

Car ce deuxième film lorgne bien plus franchement vers le public enfantin, au point de tomber dans des facilités déconcertantes. Ainsi le scénario est parfois négligé, comme lorsque le dragon passe, sans le savoir, une épreuve de pureté (idée déjà un peu triste qui voudrait que si le jeune dragon fait un mauvais choix à ce moment-là, il est condamné à être du côté du mal et donc doit mourir), et il la passe sans que la mise en scène ait permis de comprendre ce qui pourrait l’attirer vers le côté obscur. La réalisation est ainsi extrêmement flemmarde et parfois même embarrassante. Ainsi, lors d’une scène de combat, le montage multiplie les angles de caméra sur un croche-pied et étend l’action au maximum, la rendant bien plus dramatique que toute la bataille qui se déroule autour.

coeur de dragon la saga

COEUR DE DRAGON : UN NOUVEAU DÉPART

De même, sous prétexte qu’il s’agit d’un film destiné aux enfants, le film se complaît dans une séquence scato-crado lors de laquelle le dragon apprend à maîtriser ses capacités, en pétant littéralement le feu et crachant une bouillie blanchâtre.

Pourtant, le film aborde des thèmes intéressants d’autant plus avec des enfants. Le jeune héros Geoff est un ambitieux et veut échapper à sa condition. Quels sacrifices est-il prêt à faire, à quelles valeurs est-il prêt à renoncer pour y parvenir ? Et même si c’est assez simpliste, le film montre comment le pouvoir devient petit à petit autoritaire en prétextant se reposer sur l’idéal honorable de l’Ancien Code, mais en le détournant de sa signification première.

Il faut aussi souligner que s’il manque de charisme, l’ensemble du casting semble néanmoins impliqué dans le projet et c’est d’ailleurs une qualité que l’on observe dans l’ensemble de la série. En ce qui concerne les effets spéciaux, le premier film était déjà peu reluisant, là c’est carrément une régression technique.

coeur de dragon la saga 1

COEUR DE DRAGON : LA MALÉDICTION DU SORCIER

La saga fait un bond jusqu’en 2015 ans pour le troisième chapitre et 2017 pour le quatrième. Et comme à chaque fois, un brin d’opportunisme plane tant on sent l’influence à peine dissimulée du succès de Game of Thrones sur l’existence de ces deux films qu’on peut réunir tant ils sont proches esthétiquement et scénaristiquement. On y entend parler du « nord du mur », des « mangeurs de chair aux visages peints », d’un nouveau dragon qui s’appelle Drago et d’une « reine du feu » : on est à un cheveu de « la mère des dragons ».

Sorti en DTV en 2015 donc, COEUR DE DRAGON : LA MALÉDICTION DU SORCIER est un préquel à la saga qui se déroule en plein conflit entre Pictes et ce qui semblent être les envahisseurs anglo-saxons. En terme d’images, le film obéit à la mode bleutée et grisâtre de ces années 2010, avec une caméra portée et un design de dragon bien plus adressé à un public adolescent qu’auparavant. La suite, COEUR DE DRAGON : LA BATAILLE DU COEUR DE FEU reprend la même ligne visuelle.

COEUR DE DRAGON : LA MALÉDICTION DU SORCIER

Dans le troisième opus, les enjeux sont à peu près identiques au précédent : un jeune homme modeste souhaite rejoindre la chevalerie et hésite à rester fidèle à ses valeurs pour être accepté dans un ordre qui a pourtant perverti le code chevaleresque. Il y a de belles idées dans ce troisième film, comme celle des ombres qui sont des sortes de portes de téléportation. Ou encore l’idée de rendre le dragon vulnérable, par l’intermédiaire d’une malédiction, à son propre élément, le feu. Malheureusement, la plupart du temps, ces idées restent à l’état embryonnaire ou sont noyées dans une confusion scénaristique déroutante.

Peut-être que le problème le plus important de ces deux films est l’abandon de l’exclusivité du coeur et du statut exceptionnel du dragon. En effet, le dragon de LA MALÉDICTION DU SORCIER transporte avec lui neuf oeufs de dragons qui servent de moyens de défense lorsqu’ils sont utilisés comme une bombe, ou de moyens de guérison. Ainsi le film en fait des objets consommables, leur faisant perdre leur valeur mythique, puisqu’on peut bien s’en passer d’un ou deux pour une utilisation à la nécessité douteuse. Dans le quatrième volet, on apprend avec un peu de stupéfaction, que le lien entre le dragon et celui à qui il a fait don de la moitié de son coeur se transmet génétiquement.

coeur de dragon la saga 2

COEUR DE DRAGON : LA BATAILLE DU COEUR DE FEU

Ce choix fait perdre totalement la dimension héroïque et épique du film et c’est bien un reproche général sur la saga, cette tendance à systématiquement mettre à bas le matériau sur lequel reposent les scénarios. Soit en le tournant en ridicule (on retrouve une tendance très Marvel à faire des petites blagues dans les moments cruciaux), soit en le négligeant tout à fait. L’ambition de tenir un récit ample fait défaut à la saga, quel dommage quand on s’attelle à des mythes tels que la légende arthurienne, les dragons, la chevalerie. Difficile alors d’y voir autre chose qu’un filon opportuniste produit à faible coût.

Il reste néanmoins un peu d’espoir à la vision du cinquième volet, COEUR DE DRAGON : LA VENGEANCE. D’abord sur le plan de l’image, le film abandonne le monochrome gris des deux précédents et adopte une esthétique plus lumineuse et colorée. L’introduction d’une femelle permet de faire entrer une nouvelle caractéristique du dragon – la capacité de prendre la forme d’autres animaux – sans que cela semble aller à l’encontre de ce qui avait été posé jusque-là.

coeur de dragon la saga

COEUR DE DRAGON : LA VENGEANCE

Enfin, les personnages, principaux comme secondaires, ont des enjeux différents (il n’est plus question d’être chevalier) et sont moins négligés que dans certains chapitres de la série, ce qui les rend sympathiques et attachants. Ainsi, malgré un scénario qui déroule sans surprise, le film bénéficie de l’apparition de personnages qui apportent un peu de nouveauté, se prennent moins au sérieux, et redonnent de la légèreté à une saga qui ne veut définitivement pas côtoyer le légendaire.

La série COEUR DE DRAGON est loin d’être une réussite dans son ensemble, et cela est sans doute dû aux problèmes d’écriture et de réécriture rencontrés lors de la production du tout premier qui ont laissé des vides trop importants dans la construction d’un monde qui devient plus bancal à chaque nouvel opus. Si on ressent une certaine sympathie pour le film initial et pour certains aspects des films suivants, il est difficile de ne pas penser que les intentions qui président l’origine de cette saga ne sont pas les bonnes.

La productrice Raffaella de Laurentiis semble toutefois satisfaite des résultats puisqu’elle ne lâche pas son gisement et s’apprête à produire une nouveau chapitre qui ne sera visiblement pas le dernier.

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Notre critique du premier film de la saga

bande annonce

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- Article rédigé par : Charlotte Dawance-Conort

- Ses films préférés : Tree of Life, Brazil, La Nuit du Chasseur, Take Shelter, Nostalgie de la Lumière.

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