Coffret Hakuchi – Postman Blues

Un texte signé Michaël Guarne

Japon - 1999-1997 - Makoto Tezuka - Hiroyuki Tanaka
Interprètes : Tadanobu Asano, Miyako Koda, Reika Hashimoto - Shin’ichi Tsutsumi, Kyoko Toyama, Ren Osugi

HAKUCHI (L’Idiote) est en quelque sorte le 1984 japonais. Nous sommes donc dans un monde où la télé représente la police de la pensée et où Ginga, sacralisée par la quasi majorité, est un peu le Big Brother du moment. Le tout se passe sous fond de guerre ; un conflit, comme dans le grandiose CANNON FODDER d’Otomo, dont les causes tout comme les ennemis sont inconnus.

Le visuel est réussi. Les costumes sont bien kitch et apportent une touche rétro à cet univers d’anticipation (les membres de la chaîne Media Station où bosse le personnage principal ont une foutue dégaine, un croisement entre Burton et un informaticien…). Au début, Tezuka oppose notamment des plans en noir et blanc pour les victimes du carnage et des plans avec des couleurs très vives pour les reporters-photographes de la dite chaîne. Une utilisation des couleurs simple et efficace.

Isawa, le personnage central, (interprété par Tadanobu Asano vu dans ICHI THE KILLER de Miike, le ZATOICHI de Kitano…) est, comme le facteur dans POSTMAN BLUES, au bout du rouleau (il tente de se pendre… plusieurs fois). Il subit son travail. Il n’est que simple spectateur de son environnement. C’est alors qu’il rencontre Sayo, la femme du voisin d’en face, qui s’était réfugiée dans son placard. Il tombe sous le charme (on se demande comment d’ailleurs, le visage famélique de cette dernière inspirant plus de l’effroi qu’autre chose) et voit enfin un sens donné à son existence.

Pour sa part, Ginga est fortement présente. C’est une chipie qui n’en fait qu’à sa tête. Elle est détestable au possible, extrêmement agaçante de par son attitude, extrémiste et dominatrice dans son comportement envers Isawa et les hommes en général. Cependant, tous ces éléments font de cette garce insolente quelqu’un de très charismatique qui ne laissera point indifférent.

Le principal défaut de HAKUCHI reste la présence de quelques grosses longueurs qui cassent le rythme. Le film y aurait sans doute gagné à être plus concis, en insistant plus sur le contexte (cette guerre continuelle aux ennemis invisibles et toute la propagande construite autour) mais en supprimant des passages entre Isawa et Sayo d’une lenteur énervante (« bon, tu sors du placard »… « non, j’ose pas »…).
La musique est, quant à elle, sympathique. Elle est parfaitement synchronisée aux explosions à la fin, donnant une touche grandiloquente et surréaliste aux images.

En fin de compte, ce film est loin d’être un chef-d’œuvre mais se regarde néanmoins sans problème. Certains personnages sont imposants tandis que d’autres sont tout bonnement inexistants et ennuyeux, rendant HAKUCHI assez inégal. On reste sur sa faim.

Le spectateur le verra par lui-même, POSTMAN BLUES passe comme une lettre à la poste… Comme le titre l’indique, on suit un facteur qui a le cafard. La monotonie de son travail commence sérieusement à lui peser et la fatigue à se faire ressentir. Un soir, après avoir livré une lettre à un ami de lycée devenu yakuza, Sawaki préfère rentrer chez lui plutôt que de finir sa tournée. Après quelques bières, il ouvre plusieurs missives au hasard. L’une d’entre elles l’interpelle. Il s’agit d’une jeune femme hospitalisée qui n’en a plus pour très longtemps et qui écrit à sa tante. Touché par ses propos, le facteur décide donc de rencontrer la malade.

Il est difficile de parler d’un seul et unique genre à propos de POSTMAN BLUES. Le métrage alterne policier parodique (les flics suivant une bonne grosse fausse piste, ce qui fera rire plus d’une fois), romance (l’histoire d’amour est tout sauf niaise), action (la longue scène de poursuite est superbe, on se croirait dans un Satoshi Kon) et j’en passe. Mais n’allez surtout pas croire que Tanaka plombe son film parce qu’il ne sait pas sur quel pied danser. Bien au contraire, tout cela confère à l’œuvre en question une richesse infinie et rarement égalée (bon ok, j’ai plus qu’adoré donc je ne suis pas du tout objectif, mais il n’y a pas photo, ce film est magnifique !…). J’étais plutôt réceptif au côté romancé aux premiers abords, mais au final je dois bien avouer que l’histoire m’a beaucoup ému… snif.

Le réalisateur, aussi connu sous le pseudo de Sabu, signe là son deuxième long métrage. C’est également un musicien plutôt réputé au Japon. La musique, d’ailleurs, renforce à merveille la note nostalgique qui imprègne le film. Plusieurs personnages sont vivants et en même temps conscients de leur mort proche. Ils font donc avec et se rattachent à la vie par le moindre petit détail. Ainsi, une femme à l’hôpital est prête à en finir quand soudain, elle a envie de manger des nouilles et le goût de la vie reprend alors le dessus. En ce qui concerne Jô, hospitalisé également, il espère se voir décerner le titre de meilleur tueur à gages du Japon. Afin d’échapper à la tristesse de sa situation présente, il préfère se remémorer ses exploits passés.

En définitive, ceux qui resteront de marbre devant ce monument de cinéma ont vraiment un cœur de pierre… C’est suffisamment bien rythmé pour qu’on se laisse captiver jusqu’à la fin. Fin que nous ne décrirons point, mais qui scie bien ! L’aspect comique du métrage est poilant (les policiers convaincus que Sawaki est un pourvoyeur de drogue habilement camouflé en facteur). Les personnages sont attachants et émouvants… Non franchement, allez-y les yeux fermés. Je mets mon petit doigt à couper que vous n’allez pas le regretter.


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- Article rédigé par : Michaël Guarne

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