Un texte signé Patrick Barras

Italie - 1976 - Mario Imperoli
Titres alternatifs : Come cani arrabbiati
Interprètes : Piero Santi (Jean-Pierre Sabagh), Paola Senatore, Annarita Grapputo, Cesare Barro, Luis La Torre

retrospective

Comme des chien enragés

A Rome, Tony, Rico et Silvia, une petite bande de gosses de riches, se met en tête d’expérimenter toutes les facettes du mal. Viols, cambriolages et meurtres gratuits leur permettent de tromper leur ennui et de défrayer la chronique. Le commissaire Muzi (Piero Santi) et sa collègue Germana (Paola Senatore) se mettent à leur poursuite alors même que les exactions du trio vont crescendo dans le sadisme et l’ignominie, tant celui-ci finit par se laisser porter par un sentiment d’impunité, en partie entretenu par le fait que Enrico Ardenghi, le père de Tony, est un personnage riche et influent dont la propre corruption semble échapper aux investigations de la police. Poussée par Muzi, Germana va même jusqu’à jouer momentanément les appâts, déguisée en prostituée, afin de tenter d’approcher Tony et ses acolytes au plus près.

Après s’être quelque peu attardé dans la comédie et la pochade érotico-cinématographique, mis également un doigt timide dans le giallo, Mario Imperoli (dont la filmographie demeurera relativement réduite, du fait de sa disparition prématurée) s’attaque en 1976, avec COME CANI ARRABBIATI, au poliziesco.

S’inscrivant parfaitement dans le contexte socio-politique de l’Italie de l’époque, le film met en avant des thématiques, certes attendues (pour ne pas dire vendeuses), comme celle d’une bourgeoisie parasite et prédatrice, le dévoiement des mentalités et des mœurs ainsi que la perversion croissante et la fuite en avant de la jeunesse. Ce qui fait que l’on est rapidement tenté de le comparer à d’autres œuvres de la même période qui arpentent les mêmes voies et que l’on finirait volontiers par le situer à la croisée de MILANO ODIA : LA POLIZIA NON PUO SPARARE et de SAN BABILA ORE 20 : UN DELITTO INUTILE, qui le précèdent (de quelques mois seulement pour le deuxième).

Néanmoins on perçoit vite que Imperoli ne possède pas la maîtrise du genre et le brio dans la réalisation d’un Umberto Lenzi et que sa préoccupation n’est pas de se positionner en tant qu’auteur, à l’instar de Carlo Lizzani. C’est bel et bien d’un pur produit bis dont il nous gratifie en définitive. Mais pour tout amateur de policier ouvertement déviant et racoleur, cela n’a bien entendu rien de péjoratif ou de condescendant.

À MILANO ODIA… COME CANI ARRABBIATI emprunte sa violence outrancière, son équipée sanglante et son crescendo dans l’abjection. On trouve d’ailleurs dans les deux une scène où un couple est sévèrement et complaisamment malmené, mais Mario Imperoli décide d’enfoncer le clou un petit peu plus loin (sans jeu de mot salace…) que Lenzi (ce qui est déjà assez dur) en achevant la sienne par une pénétration au fusil de chasse. Pour ce qui est de SAN BABILA… on retrouve dans COME CANI… la même origine sociale et familiale pour les membres du trio infernal, mais également la même inconséquence parentale, notamment dans une scène où le père de Tony explique à ce dernier, dans un laïus particulièrement odieux, la nécessité pour les gens de leur rang d’écraser et de spolier les plus faibles, ou encore ceux qu’ils peuvent se permettre de considérer comme des rebuts. Tony semblant trouver dans le cynisme et la froideur de son géniteur la légitimation de ses propres penchants de sociopathe. Ce qui ne fait qu’exacerber l’antipathie du spectateur à l’encontre de ces personnages.

À la fin du métrage Mario Imperoli se permet tout de même de nous asséner une note de nihilisme, certes politiquement très incorrecte, au travers d’un petit texte sentencieux qui met en avant une amorce de vision désabusée en diable de sa part, et certainement aussi la conscience et la volonté de passablement jouer avec certains bas instincts de ses spectateurs. Ce que par ailleurs la bande annonce originale du film laisse déjà parfaitement entendre.

Pour le reste, le réalisateur, s’applique consciencieusement à inscrire son métrage dans le processus largement éprouvé de l’exploitation en accumulant les scènes de nu et d’érotisme, au demeurant greffées de manière relativement gratuite dans le scénario pour certaines. Mais qui lui reprochera de nous dévoiler à l’envi l’anatomie de Paola Senatore ou celle de Annarita Grapputo ? On sait bien ou on a mis les pieds, après tout.

C’est en résumé un vrai plaisir de découvrir COME CANI ARRABIATI, petit poliziottesco teigneux  et décomplexé ; à regarder comme un bon vigilante, la tête suffisamment froide et avec toute la distance nécessaire, si on ne veut pas finir comme un con dans une soirée mondaine à faire un carnage…


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse


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