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Confession d’un Cannibale

En 2001, Armin Mewes défrayait la chronique et choquait l’Allemagne tout entière après avoir tué, cuisiné et mangé Bernd Brandes, victime consentante, qui voulait “éprouver l’excitation ultime” avant la mort. Inspiré de ce fait divers particulièrement peu ragoûtant, Martin Weisz (un clipper reconnu qui s’est mis au grand écran avec LA COLLINE A DES YEUX 2) a réalisé un long-métrage – en changeant les noms des “héros” en Oliver Hartwin et Simon Grombeck –, CONFESSION D’UN CANNIBALE, afin de comprendre la psyché des protagonistes de l’affaire (aussi bien la victime que le bourreau) et de tenter de cerner la raison d’un tel acte.

Disons le tout net : en cette mode des “torture flicks” (SAW, HOSTEL etc.) et des faux docus-fiction qui nous sont souvent sortis à toutes les sauce, la mise en chantier d’un tel projet sous l’égide de TF1 Vidéo a fait l’effet d’un pétard mouillé avant même sa sortie, tant sur le fond (le sujet est on ne peut plus racoleur), que sur la forme (on n’échappera donc pas au docu fiction avec en prime, une voix-off !). Dire que l’entreprise de Martin Weisz était risquée s’avérait donc être un doux euphémisme…

Or, contre toute attente, le réalisateur va baser son récit sur l’enquête menée par Katie Armstrong (Keri Russell) qui cherchent à en savoir plus sur ce sinistre fait divers en mettant non pas en avant une dimension accès sur la violence mais sur le cheminement psychologiques des différents protagonistes de l’affaire depuis leurs enfances. Un moyen de faire taire les mauvaises langues et se donner une légitimité un peu plus sérieuse ? La question reste posée…
Peaufinant ses ambiances à l’extrême ainsi que le côté glauque de l’image (utilisation de lumières fades, clair/obscur à outrance, et teintes verdâtres typiques des téléfilms allemands des 80’s), Martin Weisz a décidé de soigner la forme de son récit autant que la forme. On est loin de son travail de clipper tape à l’œil et c’est tant mieux !
Qui plus est, l’homme aura même le souci du détail en mettant en avant des décors (souvent naturels) très pointilleux, si bien qu’on aura parfois l’impression que CONFESSION D’UN CANNIBALE a été tourné vers la fin des 80’s / début 90’s. Un très bon point, donc.
Mais à force de trop vouloir bien faire (et de vouloir démontrer à toux prix que l’accent a été mis sur la dimension psychologique des personnages) le réalisateur va parfois se perdre dans l’utilisation trop massive de flashbacks (façon film 8mm quand il s’agit de l’enfance des protagoniste), de passages oniriques trop appuyés (avec des teintes sépia) pour imager les divagations de la psyché d’Oliver Hartwin et de Simon Grombeck ou de scènes longues complètement inutiles (Oliver partageant son “plat” de midi avec ses collègues de travail).
A l’arrivée, même si ces incartades passé/présent/rêves nous en apprennent pas mal sur le passé et la dimension psychologique des personnages, il est parfois difficile de s’y retrouver et de ne pas perdre le fil.
De plus, le film tablera toute son assise sur les recherches de Katie et sur sa fascination sur le sujet : pourquoi sont-il devenus comme ça ? Pourquoi pas nous ? Qu’est ce qui nous différencie d’un tel comportement ? Beaucoup de questions auxquelles le réalisateurs de donnera pas de véritables réponses…

Ceci étant, CONFESSION D’UN CANNIBALE va bénéficier d’une interprétation remarquable de Thomas Kretschmann (Oliver Hartwin) et de Thomas Huber (Simon Grombeck) tous deux très justes dans leurs rôles de victime / bourreau. Au fil du récit, les vies difficiles des deux personnages (l’un étouffé par une mère dépressive et castratrice, l’autre dévasté par le suicide de sa génitrice pendant sa propre enfance) auront de nombreux points communs (la solitude, notamment) si bien que la rencontre entre Oliver et Simon apparaîtra comme inéluctable (“j’ai l’impression que nous sommes faits l’un pour l’autre”).
Le point culminant du récit sera bien entendu la rencontre de ces deux êtres à la dérive, et là encore, Martin Weisz adoptera une démarche à mille lieues du voyeurisme. Il s’attachera à révéler la compréhension mutuelle d’Oliver et Simon en mettant en exergue des sentiments forts qui existent et qui se façonnent entre les deux personnages (on aura parfois l’impression que la victime “forcera” le bourreau à tenir son rôle et que ce dernier restera “respectueux” de sa victime) avant une final cru et laconique mais ô combien bien amené.

Au final, même si CONFESSION D’UN CANNIBALE n’est pas exempt de tous reproche (notamment dans les articulations de certaines scènes et d’un montage un peu approximatif), il n’en reste pas moins un film singulier qui s’attache à des thèmes forts comme la solitude, le mal-être ou la fascination morbide dans le malsain ancrée en chacun de nous.
C’est sûr, on aurait aimé que le réalisateur développe un peu plus ces axes-là, mais Martin Weisz a su nous prendre à revers en abordant son sujet via le prisme psychologique de ses personnages, se refusant à la facilité des scènes gore ou du voyeurisme pur et dur. Une bonne surprise, donc. Mais le revers de la médaille c’est que CONFESSION D’UN CANNIBALE est loin de l’horreur inspiré par le véritable fait divers allemand…

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