retrospective

Contronatura

Dans les années 20, en Angleterre, cinq personnes circulant ensemble en voiture se retrouvent contraintes par une pluie diluvienne de chercher refuge dans un ancien relais de chasse, perdu dans la campagne entre Londres et Brighton. Bâtisse dans laquelle elles trouveront tout autre chose que le refuge et le réconfort espérés…

Ce qui pourra séduire dans ce CONTRONATURA réalisé mais également écrit par Antonio Margheriti (une fois de plus sous le pseudonyme de Anthony M. Dawson) c’est, outre son esthétique globalement bien maîtrisée, la structure d’un scénario qui s’offre le temps de nous sortir un tant soit peu des sentiers balisés du gothique proprement dit pour nous promener tranquillement (d’aucuns parleront de longueurs) dans un thriller fantastique mâtiné de whodunnit, où la vengeance demeure néanmoins un des rouages principaux.

Structure qui fera abondamment appel tout au long du métrage au principe du flashback, et ce dès la séquence d’ouverture que Margheriti ponctue de scènes censées nous permettre d’appréhender par touches l’histoire, les passifs et la psychologie des cinq protagonistes. Affairisme et arrivisme, appât du gain, luxure et jalousie : Le tableau se doit d’être complet. Ce n’est donc qu’au bout d’une bonne vingtaine de minutes (soit pratiquement un quart de la durée totale du film, tout de même) que nous rentrerons dans le vif du sujet.

Le relais de chasse qui tient alors lieu de décor principal pourrait paraître bien éloigné des lieux de prédilection du genre, châteaux gothiques, cimetières, cryptes et autres sous-sols sinistres… Mais transfiguré par l’absence d’électricité et les éclairs intermittents de l’orage, largement orné d’animaux empaillés, de trophées de chasse et d’armes, par sa vaste architecture intérieure, il donne aisément le change.

Archibald Barrett, un notaire véreux dont la fortune semble avoir (forcément) des origines douteuses et sa maîtresse Margaret, Alfred Sinclair (son employé et tant qu’à faire, l’amant de Margaret) Ben Taylor, son avocat, accompagné de son épouse Vivian y sont accueillis par l’inquiétant Uriat et par sa mère, medium qui se trouve pétrifiée en pleine transe, suite à une séance de spiritisme. Séance soit disant interrompue par leur arrivée. C’est afin de libérer sa mère de sa transe qu’Uriat convie les membres de la « bonne société » à la poursuivre avec eux…

Difficile, sans spoiler bon nombre des tenants et aboutissants du scénario, de détailler ce que cette séance mettra en lumière via les révélations de la medium et grâce à une succession de flashbacks qui énumèreront progressivement les vices et turpitudes de chacun. Un éclairage sur l’identité d’Uriat et de sa mère, sur leur nature exacte nous sera également apporté à l’approche du dénouement du film. Il nous est néanmoins déjà donné assez tôt dans le récit de nous questionner sur l’appartenance d’Uriat au monde réel quand il propose à ses « invités » une boisson qu’il appelle du sang et qui, selon ses dires, est « la seule chose qui le requinque ».

Révélons cependant que le film trouvera son dénouement et son point d’orgue dans une ultime scène où la bâtisse sera en partie balayée par un torrent de boue. Boue qui aura en définitive métaphoriquement baigné et traversé la vie des différents acteurs d’un récit qui pourra alors pour le coup paraître relativement moralisateur. Lucio Fulci lui-même n’a-t-il pas une œuvre en partie traversée par une obsession concernant la nature supposée dévoyée de bon nombre de notables ?

Globalement, force est de reconnaître que la mise en scène d’Antonio Margheriti est ici des plus satisfaisantes. La lumière, une photographie bien contrastée et des cadrages parfois audacieux conférent aux séquences du relais de chasse une atmosphère gothique, par moments proprement expressionniste. Mouvements soignés et équipe d’acteurs convaincants choisis et dirigés avec assurance (citons uniquement Claudio Camaso ; que l’on retrouvera entre autres dans LA BAIE SANGLANTE, de M. Bava) , direction artistique maîtrisée et cohérente, qui ne semble pas trahir un quelconque manque de moyens : CONTRONATURA se laisse découvrir avec plaisir et intérêt.

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