Courts métrages internationaux PIFFF 2021

Un texte signé Sophie Schweitzer

Etats-Unis, Mexique, Colombie, Pays-Bas, Angleterre - 2021 - Tomas Stark, Aaron Morgan, Sil van der Woerd, Jan van Gorkum, David Paternina, Juan Medina, Jörgen Scholtens, Igor Drljača, J.M. Logan
Interprètes : Julia Sporre, Ola Wallinder, Adam Stålhammar, Jerker Beckman, Frank Lammers, Roosevel González, Ana Mazhari, José Jaime Pint, Bosco Hogan, Catriona MacColl, Patrick Stoof, Gijs Scholten van Aschat, Maarten Prins, Marije Loermans, Adelaide Kashari, Shirley Bak, Tum Bemelmans & Dean Gulikers

La compétition de courts métrages internationaux est un passage obligatoire pour tout festival. C’est l’occasion de mettre en lumière de nouveaux talents, mais aussi de proposer un format court et percutant. Cette année le PIFFF proposait 8 courts métrages internationaux pour 5 français. Un seul était d’animation, mais tous les genres sont explorés et les histoires sont très variées, proposant ainsi des coupures de rythme et de ton des plus rafraîchissantes.

Vous ne verrez jamais plus les aires d’autoroute du même oeil.

SEEK ouvrait le bal. Court métrage américain réalisé par Aaron Morgan qui va réaliser son premier long métrage en 2022. Deux jeunes femmes s’arrêtent sur une aire d’autoroute assez glauque. L’une d’elles va aux toilettes, mais quand elle referme la porte de la cabine si peu inspirante un rire d’enfant résonne. En rouvrant la porte, elle découvre un smartphone qu’elle ramasse. S’y trouve la vidéo faite par un homme effrayé par une présence maléfique que la jeune femme est sur le point de rencontrer. Cette formule assez connue du film de genre fonctionne vraiment bien sur ce format court, l’ambiance est très bien posée et travaillée, et la lumière est contrastée comme il le faut. Cela donne d’autant plus envie de suivre la carrière du réalisateur.

Une illustration poignante du deuil

MIRAGE de Sil van der Woerd est une co-production anglaise et néerlandaise qui met en scène un vieillard devant affronter la maladie de sa femme mourante. Partant chasser dans la forêt, il devient la proie de forces étranges paraissant lui en vouloir. Mais ces forces sont-elles vraiment extérieures ou ne sont-elles pas la manifestation de ses émotions trop difficiles à gérer ? Le court est empreint d’une grande poésie qui s’exprime à travers des effets spéciaux soignés. Si la beauté du fond nous touche, en revanche, on peut regretter que le court tente de jouer la carte de la frayeur au début, perdant un temps précieux. Il nous faut saluer la prestation de Bosco Hogan, qui porte à lui tout seul le court.

L’art du nettoyage des scènes de crimes surnaturels

SHINY NEW WORLD de Jan van Gorkum est lui aussi originaire des Pays-Bas. Il nous propose une fausse publicité pour une société de nettoyage intervenant après une tragédie aux origines fantastiques, voire démoniaques. Nous y suivons la journée d’un employé type, auquel la voix off fera parfois des petites remarques, qui doit passer après l’invocation d’un démon par des adolescents dans un bungalow. Le court mêle humour et références aux films de genre, notamment à EVIL DEAD, mais également donne à son univers quelques brillantes idées originales comme un humanoïde avalant le sang humain qui n’a rien d’un vampire et tout d’un aspirateur à forme humaine.

Une chasse aux sorcières en pleine jungle

LAS BRUJAS de David Paternina, nous vient de Colombie. Dans les années 90, des hommes disparaissent mystérieusement d’un village. Le commandant du groupe armé accuse les femmes du village qu’il contrôle de sorcellerie et brûle l’une d’elles sur le bûcher, ce qui attise la colère des autres femmes qui décident alors de le mettre face à ses démons. Offrant une lutte entre des hommes incarnant la violence, le contrôle, et les femmes, la nature, la magie, le court s’inscrit parfaitement dans les interrogations actuelles de la société. Mais il souffre de son format trop court pour permettre de donner à son histoire les détails et la subtilité qu’elle aurait mérités.

Une animation à la beauté époustouflante

TIO de Juan Medina est un court métrage mexicain. C’est le seul qui soit en animation, une très jolie animation en pâte à modeler et de marionnettes dans des décors réalistes du désert mexicain. Nous embarquons pour la mine avec le jeune Martin qui doit rendre hommage à la divinité de la mine. Sans la bénédiction de celle-ci, le jeune garçon risque de subir le même sort que son grand frère et s’y perdre à tout jamais. Seulement Martin ne croit pas à ces histoires et ne se plie au jeu des offrandes que parce qu’on l’y oblige. Courrouçant la divinité par son attitude négligente, il se retrouve attiré dans une cavité effondrée où se trouvent les esprits de tous les enfants perdus, dévorés par la mine. C’est un court d’une grande beauté qui traite un sujet difficile avec délicatesse.

Un drôle de coucou attendrissant

CUCKOO ! de Jörgen Scholtens, issu lui aussi des Pays-Bas, nous place dans le quotidien très millimétré d’un homme vivant avec son chat à l’intérieur d’une horloge. Toutes les heures, il lui faut s’attacher à son siège, enfiler son casque après avoir enfermé son chat afin d’être propulsé et crier coucou. Ainsi la grand-mère peut prendre ses pilules. Jusqu’au moment oùla radio, offrant par un jeu concours de remporter une télé, attire un peu trop son attention et va perturber son train-train quotidien. Le court repose sur le jeu d’acteur vraiment hilarant de Frank Lammers et un montage au cordeau. L’écriture resserrée de Jörgen Scholtens et Pepijn van Weeren permet à ce court d’être percutant et drôle.

Un conte macabre

A TALE BEST FORGOTTEN de Tomas Stark, nous vient de Suède. Reposant sur une comptine qui à l’instar de nombreuses comptines françaises, est bien plus dure qu’on ne pourrait le croire si l’on se fiait uniquement à la douce mélodie. Ici, il est question d’une maison au bord d’une rivière et d’un homme à tête de chien qui pousse les habitants de la demeure à des actes abominables. Le court est vraiment très court, 5 minutes seulement, et repose entièrement sur un principe de mise en scène original. La lumière et l’image sont très travaillées et nous plongent dans une atmosphère de conte terrifiant. La musique est évidemment la comptine en question. L’ensemble est captivant, mais hélas trop court !

Un court apocalyptique étonnant

THE ARCHIVISTS de Igor Drljača est un court métrage en provenance du Canada. Nous sommes plongés dans un futur plus ou moins lointain où la civilisation s’est effondrée. La culture passée est considérée alors comme décadente et interdite. Un trio de nomades tombe sur une vieille maison abandonnée, à la recherche d’objets du passé qu’ils collectionnent, ils tombent sur une pièce secrète où sont conservés des vinyles ainsi qu’un gramophone mécanique leur permettant d’écouter cette musique pop du passé. Musiciens eux-mêmes, ils tentent alors de reproduire cette musique, lorsqu’ils y parviennent ils gardent alors en mémoire la chanson The Age of Consent, du trio synthpop des années 80 Bronski Beat. Tourné en pellicule, dans une maison devenue la proie des herbes, le court réussit à dépeindre une atmosphère et à rendre hommage au travail de musicien. On aurait envie de découvrir un peu plus ce futur délétère cependant.

Toujours se méfier des anciens artéfacts…

THE RELIC de J.M. Logan nous vient quant à lui des États-Unis. Il nous fait suivre un groupe d’aventuriers partis affronter l’Himalaya et le blizzard afin de ramener une relique aussi ancienne que puissante. Cependant leur expédition va tourner au drame. Ils parviennent à ramener un homme étrange parlant un langage inconnu, couvert de sang, mais sans qu’il paraisse être le sien, nu alors qu’il fait un froid mortel. Mais en arrivant dans l’abri, ils se rendent compte qu’une des leurs manque à l’appel. Des bruits étranges les attirent dehors, et ils découvrent leur disparue, défigurée, errant dans le blizzard… Difficile de ne pas trop en dire, le court métrage s’inspire de l’univers de Lovecraft et suit un schéma somme toute classique n’offrant pas forcément de surprise. Les effets spéciaux sont travaillés, mais leur rendu final laisse dubitatif. Le format court était-il le plus adapté pour raconter cette histoire ? Comme pour LAS BRUJAS, il laisse un goût de trop peu dans la bouche, mais donne envie de voir ce que le réalisateur pourrait faire avec un plus gros budget et sur un format plus long.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà - Ses auteurs préférés - Oscar Wilde, Sheridan LeFanu, Richard Mattheson, Stephen King et Poppy Z Brite

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