Creature

Un texte signé André Cote

USA - 1985 - William Malone
Interprètes : Stan Ivar, Wendy Schaal, Lyman Ward, Roland Jaffe, Klaus Kinski....

Dans un lointain futur, deux compagnies de transport de marchandises (l’une américaine, l’autre russe) se disputent le monopole du territoire spatial. Pendant ce temps, un vaisseau américain doit retrouver une forme de vie extraterrestre.
Attention film Troma ! L’avertissement est d’importance dans la mesure où la réputation de cette maison de production n’est plus à faire auprès d’une bonne partie des cinéphiles. Le cultissime TOXIC AVENGER, c’était eux, pour ne citer que leur plus célèbre film. Ce CREATURE souffre donc de tous les défauts de cette maison de production créée par Lloyd Kaufman : budget ridicule flagrant à l’écran, jeu des acteurs et photographie du niveau de l’amateurisme…. « Souffre » est toutefois un bien grand mot étant donné le plaisir coupable que nous avons à la découverte de chaque film de la firme. C’est bien simple, on ne regarde pas un film Troma comme un autre. Troma rassure car à travers cette boîte de prod’, c’est toute une vision du cinéma qui est véhiculée. Le cas qui nous occupe ici n’est toutefois pas entièrement représentatif des films produit par Kaufman.
Réalisé par un William Malone qui n’avait pas encore à son acif le sympathique MAISON DE L’HORREUR ni de séries télé comme les Masters Of Horror ou Les Contes De La Crypte, le métrage est fier d’avoir la participation du célébre Klaus Kinski. On se demande toutefois si son cachet n’a pas englouti la majeure partie du budget tant le résultat à l’écran paraît cheap. Et cela bien que les films Troma soient connus pour leur budget dérisoire.
Tout d’abord, la première scène nous montre deux astronautes découvrir un objet inconnu sur une planète étrange. Le spectateur a la tenace impression que la scène ait été écrite de façon à développer un visuel plus ambitieux qu’elle ne le semble finalement à l’écran. On croise alors un niveau de comique involontaire. On voit ces deux astronautes s’extasier devant le décor magnifique que leur offre cette planète. Seul hic, ce décor est caché aux spectateurs en raison du manque de luminosité qui règne à l’écran. En effet, tout est dans l’obscurité et on a même du mal à discerner les formes rocheuses que les deux astronautes doivent escalader pour accomplir leur besogne. La seule source lumineuse (mais qui éclaire peu, il faut l’avouer) provient des quelques éclairs orageux dans un coin de l’image.
Ainsi, durant tout le métrage, les décors trahissent les studios. En outre, les passages obligés du space-opéra s’enchaînent mollement. Avec lenteur arrivent la manoeuvre pour se poser sur un territoire hostile, la recherche et l’arrivée du survivant de l’équipage en perdition, les origines de la créature et ses apparitions…. Tout semble traduire une conception en catastrophe : un scénario qui reprend finalement la trame d’ALIEN, des décors inaboutis, des acteurs peu à l’aise devant la caméra…
Toutefois, le film a les qualités de ses défauts et inversément. Les différentes poses prises par chaque acteur avant de parler (certains prennent bien le temps de croiser les bras ou de mettre leurs mains sur les hanches avant de dire leur réplique) ou quelques dialogues ici et là qui tombent comme un cheveu sur la soupe finissent de rendre le visionnage particulièrement savoureux. Le casting entier semble provenir d’un soap opera, style Les Feux de l’Amour, en raison de leur plastique avantageuse ou la qualité de leur maquillage, c’est selon. A ce jeu-là, c’est bien entendu Klaus Kinski qui remporte la palme. Il semble le seul à s’amuser et se délecte de surjouer dans chaque scène. Sur le plan de la plastique avantageuse, en revanche, il est battu à plate couture par le casting féminin, et surtout par l’une des actrices qui nous offre une scène érotique du plus bel effet. Cette scène est sans nul doute l’une des plus marquantes en raison de son caractère purement gratuit qui confère au surréalisme.
Enfin, le monstre, principale attraction du film, souffre également du budget puisqu’il trahit à maintes reprises le costume porté par un acteur. Cependant, ses quelques apparitions, même si elles sont précédées d’un suspense des plus mous, apportent une petite dynamique au film et les maquillages de ses victimes offrent quelques plans gores assez sympathiques.
Le gros problème provient surtout du réalisateur qui à l’époque en était à son second projet. Il s’évertue à faire ce film au premier degré, ce que ne lui permet absolument pas la maigreur du budget. Résultat, CREATURE n’a pas pour ambition de cotoyer l’humour non-sensique d’un TOXIC AVENGER 2 ou celui débridé d’un TOXIC AVENGER. Deux caractéristiques qui sont pourtant la marque de fabrique de Troma. Malone a le mérite de vouloir essayer de faire un film sérieux, hélas, il n’est pas aidé par la qualité de l’interprétation. Cette ambition est particulièrement perceptible dans les efforts de cadrage. Le réalisateur s’évertue à essayer d’installer un suspense mais les acteurs manquent tous de conviction et les moyens techniques qui sont à sa disposition s’avèrent insuffisants.
Une série Z sympathique en somme, vite oubliée, mais qui reste une curiosité intéressante. William Malone ayant quitté le giron de Troma pour celui de Dark Castle, le film prend alors des allures de galop d’essai pour des productions financièrement plus ambitieuses.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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