Un texte signé Frédéric Vernichon

USA - 2006 - Ana Clavell, James Glenn Dudelson
Interprètes : A.J. Bowen, Kris Allen, Stephanie Pettee, Emmett McGuire, Ryan Carty

review

Creepshow 3

Initié par George Romero et Stephen King au début des années 80, CREEPSHOW (1982), qui s’inspirait de l’univers de la bande dessiné, reprenait le concept du film à sketchs, contant des petites histoires matinées d’horreurs ou fantastiques, pour la grande joie de leurs fans. Il y eut une suite (CREEPSHOW 2 de Michael Gornick – 1987), sur laquelle Romero se contentait de faire le scénariste, puis… plus rien. Il y eut bien des produits dérivés, notamment la série LES CONTES DE LA CRYPTE, mais ce qui s’annonçait comme le début d’une franchise florissante, en resta là. CREEPSHOW 3 (2006), tentative bien tardive d’une résurrection, produit pour la télévision par la célèbre chaîne HBO, essai sans nul doute possible de surfer sur le succès rencontré par la série MASTERS OF HORROR. Là où la première saison des MASTERS OF HORROR réunissait des réalisateurs tel que John Carpenter, Dario Argento, Joe Dante, John Landis ou encore Takeshi Mike, HBO a placé le projet dans les mains d’Ana Clavell et James Glenn Dudelson, lesquels traînent derrière eux une filmographie aussi obscurs qu’inconnue. Le concept initiée par Romero, déjà pas honoré par sa suite, toutefois sympathique, ne réussira pas à réconcilier les fans de la première heure avec la maison CREEPSHOW, ce troisième volet, projet commercial taillé pour le petit écran et un public très large, manquant terriblement d’envergure et d’imagination.
Mettant en scène cinq histoires, qu’ils arrivent à faire cohabiter les unes dans les autres, nos joyeux faussaires réussissent non seulement à évacuer toute dimension horrifique de leur film mais arrivent également à contaminer leurs récits par un plombant moralisme, certes pilier de grand nombres d’œuvres fantastiques américaines mais qui ici à le mérite d’anesthésier l’humour noir, cher à ce genre d’entreprise et surtout le fruit recherché.
Débutant avec l’insipide histoire d’une adolescente victime d’une télécommande magique (« ALICE »), punit par les scénaristes pour ne pas savoir apprécier sa famille et son voisinage à leur juste valeurs, épisode tout juste digne d’une émission dédiée à la jeunesse le mercredi matin, on pouvait dès ces premières minutes craindre le pire.
Le deuxième récit (« THE RADIO »), bien que se concluant bêtement, demeure le plus réussit. Des cinq il est le seul que les réalisateurs semblent avoir essayés de réellement soigner, d’aborder avec intérêts, de mettre en scène un personnage, bref de faire du cinéma.
Un agent de sécurité, qui vit dans un quartier peuplé de macs, prostitués et drogués, se rend acquéreur d’une radio acheté à un sans abris. Outre les stations de radios elle parle et mieux que çà elle le conseille, organise sa vie, puis finit par lui indiquer où trouver un carton contenant 300 000 dollars. Ce sketch doit beaucoup à son interprète principal, AJ Bowen, qui rien que dans sa façon de se mouvoir en dit beaucoup sur son personnage. Le seul récit de tout le métrage qu’on aurait aimé voir se prolonger un peu plus.
Le troisième sketch, « RACHEL THE CALL GIRL », est ouvertement le plus horrifique. Une prostituée, qui a prit l’habitude d’assassiner ses clients (ce qui est très mal), se rend au domicile d’un adolescent afin de dépuceler le gentil garçon. Là elle aura bien sûr la surprise de sa vie. Le tout ne pèse pas bien lourd mais a le mérite à ce moment du métrage d’apporter une dose d’épouvante, même si scolaire.
« PROFESSOR DAYTON’S WIFE » est le plus fantaisiste. Une sorte de savant, plus farfelue que fou, invite deux de ses anciens étudiants afin de leur présenter sa fiancée la veille de son mariage. Profitant que le professeur soit sorti faire quelques courses, ils leur vient à l’idée que la dite fiancée, à première vue très légère, ne serait en fait que le résultat des travaux de leur hôte. Le tout demeure sympathique par le fait que ce passage soit de courte durée et qu’il ne se prend pas au sérieux.
Le dernier récit, « THE HAUNTED DOG » est amusant. Une crapule de première refile un hot dog qu’il a laissé tombé par terre au sans abris à qui il venait de refuser de donner un peu d’argent ou payer à manger. Le sans abris s’écroule au sol et meurt peu après. Alors que les passants cherchent un médecin, notre homme poursuit sa route. Nous découvrirons quelques plans plus tard que le dit samaritain est médecin. Condamné par la justice à exercer ses talents dans un quartier populaire, on ne peut pas dire que cela l’enchante. Loin de là.
Interprété avec énergie et non sans jubilation par un certains Kris Allen, le Dr Farwell détonne dans l’univers finalement si propre de CREEPSHOW 3. La séquence où se succèdent des patients aux maux divers sous la complète indifférence du docteur permet d’entrevoir l’humour qui animait jadis ce genre d’entreprise. Bien sûr, et comme tous les autres protagonistes du film, il sera punit, rattraper par sa mauvaise conscience : c’est pas beau d’être indifférent aux malheurs des autres.
Au bout du compte, la morale est sauve, l’Amérique et ses valeurs sacrées peuvent dormir tranquille ; au pays de l’Oncle Sam les salops et autres paumés ayant voulu s’écarter du droit chemin finissent toujours par être sévèrement punis (sauf nos deux anciens étudiants, mais faut bien rire un peu).
Si vous avez toujours cru que l’Horreur et le Fantastique étaient deux genres par lesquels venaient la transgression, le CREEPSHOW 3 d’Ana Glavell et James Glenn Dudelson démontre qu’il peut aussi s’adresser aux enfants de sept à soixante dix sept ans et pourquoi pas devenir le film de chevet de quelques réactionnaires avides de justices.
James, qui ne chôment pas (merci pour lui !), a d’ors et déjà mit en chantier les remakes de CREEPSHOW et LE JOUR DES MORTS VIVANTS de Romero, projets confiés à Steve Miner, auteur du nanar LAKE PLACID (ah ! la scène où mamie nourrie son crocodile…) voilà quelques années mais aussi et surtout de deux des péripéties de ce bon vieux Jason (Episode 2 et 3) au début des années 80, HOUSE, HALLOWEEN, 20 ANS APRES et également des films aussi géniaux que FOREVER YOUNG et le remake américain de MON PERE, CE HEROS avec notre Gégé national (que des monuments du cinéma en fait).
Restera-t-il des films d’horreurs des années 70-80 non remaké avant d’entamer la prochaine décennie ? Quand on voit que même un Craven peut réexploiter ses pires nanars, la réponse est toute trouvée.


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- Article rédigé par : Frédéric Vernichon

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