Offscreen 2013retrospective

Crie et meurs

Valérie, jeune modèle photo est entrainée par son compagnon Terry dans le cambriolage d’une grande demeure campagnarde anglaise. Mal leur en prend puisque le couple surprend un meurtre. Valérie réussit à s’enfuir, poursuivie par le meurtrier mystérieux qu’elle n’a pu qu’apercevoir, tandis que Terry disparaît. Leur voiture est restée dans l’allée de la résidence, avec à l’intérieur le portfolio comprenant les dernières sessions photo de Valérie. Le meurtrier n’aura donc aucune peine à la retrouver. Mais Valérie ne peut porter plainte à la police, bien en peine qu’elle serait d’expliquer sa présence sur les lieux du crime. Elle cherche refuge auprès d’amis qui lui conseille de reprendre la cours de sa vie, le meurtrier ne cherchant sans doute pas à faire de vagues. Mais ces affirmations semblent contredites lorsque Valérie trouve un matin en bas de son appartement la voiture de son compagnon, celui-ci restant introuvable. Elle fait néanmoins le deuil de celui-ci et nous une nouvelle relation avec le jeune Paul, sculpteur de masques vivant chez sa tante. Cette relation la rassure car un nouveau locataire aux airs patibulaires, M. Hornsby, emménage dans l’appartement du dessous. Lorsque Lorna, sa colocataire est à son tour assassinée, Valérie prend vraiment peur.

Avec CRIE ET MEURS, le cinéaste espagnol Joseph Larraz, alors exilé à Londres livre… un giallo. Bien des éléments constitutifs de ce genre italien se retrouvent en effet dans ce film anglais. Au premier rang desquels bien évidemment le tueur mystérieux, filmé dans la pénombre ou dont seuls les pieds sont visibles, ganté de cuir noir et tuant exclusivement à l’arme blanche. Ses victimes seront majoritairement féminines (deux des trois meurtres filmés), le criminel se trouve dans l’entourage de notre héroïne, la police est absente pendant une grande partie des événements, l’héroïne appartient au monde artistique (modèle photo), les décors et l’ambiance jouent un rôle important… bref, on aurait parfaitement pu imaginer SCREAM… AND DIE produit en Italie. La touche anglaise se marque cependant par des décors parfois gothiques : ainsi de la demeure cambriolée, encombrée d’antiquités et située dans une sombre campagne anglaise. On retrouvera d’ailleurs une propriété très similaire dans LES SYMPTOMES, tourné la même année par Joseph Larraz. Les deux films développent d’ailleurs tous deux le thème de la folie.

Au lesbianisme du second répond ici la perversion incestueuse, laquelle conduit aux pulsions homicide. Ce discours un peu suranné, au moins en ce qui concerne l’homosexualité féminine, fonctionnait parfaitement dans le cinéma de genre de l’époque.

Valérie, Terry, Lorna et leur couple d’amis appartiennent tous au milieu de la photographie. Un cliché – c’est le cas de le dire – des thrillers de l’époque, mais qui souligne le rapport à la vision, fondamentale dans le giallo où un média qui par essence est destiné à montrer, le cinéma donc, se refuse au contraire à nous dévoiler l’assassin jusqu’à la dernière bobine, tout en parsemant pourtant d’indices et de clés l’image.

Petit clin d’œil anecdotique, tourné en 1974, présentant un personnage de modèle photo, ce sexploitation réfère à son contemporain EMMANUELLE, qui vient alors de sortir avec éclat. Les deux films sortent à 3 mois d’écart. Dans Crie et meurs, Valérie prend la pose dans le fauteuil popularisé par l’affiche d’EMMANUELLE, coiffée d’une perruque brune à cheveux courts, très semblable à la coiffure de Sylvia Krystel dans le triomphe de Just Jaeckin qui était jusqu’alors – rappelons-le – photographe de mode.

La copie d’exploitation belge visionnée lors du festival Offscreen 2013 porte le titre SCREAM … AND DIE et en sous titre CRIE, MEURS. Le titre THE HOUSE THAT VANISHED serait-il un titre de ressortie ultérieur, qui pourrait alors s’inscrire dans la tendance de l’époque jouant sur les référents au terme « maison » : LA MAISON AU FOND DU PARC, LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE et leurs nombreux succédanés. Cette copie un petit peu abimée présentait deux coupures (outrage du temps et des manipulations de projection), l’une lorsque Valérie et Terry fuient la maison, nous privant abruptement d’une partie de la séquence et ne nous permettant donc pas de savoir si d’une part quelque chose arrive à Terry (après vérification sur une copie plus complète, la réponse est « non, le mystère reste entier jusqu’à la dernière bobine »), d’autre part qui appelle l’autre lors de la conversation téléphonique entre Valérie et Paul (c’est en fait Paul qui est à l’origine de l’appel). Ces deux cassures sur la copie tombaient à un moment un peu malheureux.

Comme ailleurs, le ciné anglais des ’70 a cédé à la mode des sexploitations. La prude Albion a cependant développé une censure plus pugnace que dans d’autres pays européens et avec laquelle ont dû composer les productions anglaises. Ici cependant, Larraz ne lésine pas sur les nudités et déshabille à intervalle très régulier une Valérie qui n’en finit plus de se doucher ou de revêtir sa nuisette, pour notre plus grand plaisir.

En France, crie et meurs est sorti en salle le 18 juillet 1975.
Très correctement tourné, doté d’une belle photographie et d’une interprétation correcte, dans les limites du scénario et de personnages archétypaux, Crie et meurs se laisse voir avec grand plaisir et témoigne du talent de son réalisateur. En 2013, le film a été reprogrammé au festival Offscreen, dans le cadre d’un focus José Larraz, avec LES SYMPTOMES, VAMPYRES, LES AFFAMEES DU MALE (THE COMING OF SIN) et un documentaire consacré au réalisateur, ON VAMPYRES AND OTHER SYMPTOMS. José Larraz, 85 ans, aurait dû être présent au festival, mais à dû décliner l’invitation en dernière minute, pour raisons de santé.

Au final, CRIE ET MEURS nous laisse une impression très favorable. Ancré dans son époque et ses codes, CRIE ET MEURS mérite une redécouvertes par le public contemporain amateur de cinéma de genre.

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