Cujo

Un texte signé Sophie Schweitzer

Les Trenton sont une famille en difficulté : Vic est souvent absent, Donna infidèle, et leur enfant de cinq ans, le petit Tadd, a peur des monstres dans son placard. À la suite d’un scandale alimentaire, Vic doit s’absenter afin de modifier en urgence sa campagne publicitaire, Donna se retrouve donc seule avec Tadd. Vic n’ayant eu le temps de s’en charger, Donna doit se rendre chez le garagiste Jo Camber afin d’y faire réparer sa voiture. Le problème c’est que le propriétaire et les voisins aux alentours viennent d’être tués ou plutôt massacrés par Cujo l’énorme Saint Bernard de la famille Camber, contaminé quelques jours auparavant par une chauve-souris porteuse de la rage. Donna et Tadd sont dès lors pris au piège dans leur voiture sous une chaleur caniculaire.

CUJO est l’adaptation éponyme du roman de Stephen King. On retrouve l’atmosphère chère à l’auteur du Maine, à savoir une famille en crise, une petite ville loin de tout (et surtout des secours), des situations du quotidien qui deviennent totalement cauchemardesques comme si le diable avait quelque chose à voir avec l’histoire. Dans le roman, l’action a lieu dans la célèbre ville inventée par l’auteur, Castle Rock, ville éminemment maudite qui sombrera totalement dans le chaos au fil des romans s’y déroulant.

Comme toujours dans les romans de Stephen King, les épreuves que subissent les personnages semblent être l’écho de leurs propres démons. Le couple Trenton est en effet en pleine crise au moment où Vic s’absente en laissant son épouse et son jeune fils seuls. Son épouse délaissée par ses nombreuses absences s’était trouvé un amant. Ce dernier refusant la rupture imposée par Donna va dévaster la maison des Trenton. Cette action de destruction va pousser Vic à le croire coupable de la disparition de sa femme et son fils à son retour. De l’autre côté, le garagiste est un homme violent et autoritaire qui mène sa maison à la baguette, si bien que sa femme et son fils prennent n’importe quelle excuse pour s’éloigner, le laissant ainsi seul face à un Cujo qu’ils devinaient pourtant malade.

Enfin, dernier point important souvent présent dans les romans de Stephen King, et parfaitement retranscrit par la mise en scène du film, c’est l’aspect huis clos. Donna et son fils sont seuls, livrés à la rage de Cujo qui s’attaquera à eux dans chacune de leurs tentatives pour sortir. Coincés dans leur voiture en panne, ils sont soumis à la faim, à la soif, et à l’insupportable chaleur qui est d’autant plus pénible à vivre pour un enfant en bas âge. Le film n’hésite pas d’ailleurs à jouer avec ces différents aspects afin de malmener ses personnages et de leur faire vivre un véritable cauchemar.

Réalisé par Lewis Teague (CAT’S EYE, autre adaptation de Stephen King, LE DIAMANT DU NIL, L’INCROYABLE ALLIGATOR), le film remplit tout à fait le contrat. C’est une bonne adaptation qui respecte le roman dans ses grandes lignes quoique en déplaçant l’action plus vers le sud, dont la chaleur est parfaitement mise en évidence par la mise en scène. De surcroît c’est un bon huis clos qui ne cherche pas à multiplier les lieux ou les personnages, au contraire il exploite une unité de lieu et de personnage pour mieux enfermer son spectateur avec. Nous ne suivons que ces deux familles dont le destin semble scellé. Le scénario est confié dans un premier temps à Stephen King, mais sera modifié, surtout pour la fin qui est très différente du roman (comme souvent avec les adaptations des romans de King). De sorte que King ne sera même pas crédité au générique.

Le tournage n’est cependant pas aisé. Il faut composer avec l’animal, véritable star du film. Le résultat est pourtant impressionnant puisqu’on suit la lente transformation du chien affectueux en monstre destructeur et effrayant. Quant à la voiture, lieu principal de l’action, elle subit des modifications, étant complètement démontée, afin de permettre une immersion totale, la caméra étant enfermée avec les personnes. Ces scènes dans l’habitacle de la voiture sont si mémorables qu’un hommage sera rendu des décades plus tard dans DON’T BREATHE.

Stephen King s’estimera très content du résultat et saluera la prestation de Dee Wallace qui incarne Donna Trenton. L’actrice, véritable scream queen, a tourné avec les plus grands réalisateurs du genre horrifique : Steven Spielberg, Peter Jackson, Wes Craven, Tobe Hooper ou encore Joe Dante. Sa carrière lui permet ainsi de jouer dans des films devenus cultes : LA COLLINE A DES YEUX, HURLEMENTS, E.T. L’EXTRATERRESTRE et bien sûr CUJO. Sa carrière s’essoufflera par la suite même si elle reste une actrice appréciée par les réalisateurs de film de genre, notamment Rob Zombie qui fera appel à elle pour son HALLOWEEN. Indéniablement, Cujo repose sur ses épaules et sa prestation est à saluer.

Cujo est somme toute un pur produit de son époque : un film d’horreur à petit budget reposant sur un concept simple, mais efficace. La mise en scène, sans en faire des caisses, est efficace et plonge le spectateur au cœur d’une action étouffante. Il n’y a pas de scènes gores à proprement parler, même si les mises à mort peuvent être parfois violentes.