Dans ton sommeil – interview d’Eric et Caroline du Potet

Un texte signé Philippe Delvaux

France - 2010 - Eric et Caroline du Potet
Titres alternatifs : In their sleep (interview)

Frère et sœur, Eric et Caroline du Potet se sont lancés pour leur premier long métrage dans un thriller sur un tueur en série qui s’éloigne de la figure invincible à laquelle les slashers nous ont habitués. DANS TON SOMMEIL a été présenté en compétition au Festival du film de Bruxelles. Rencontre avec les réalisateurs.

Dans ton sommeil est votre premier long métrage ?
Eric et Caroline : oui. Auparavant, nous avions réalisés 6 courts métrages dont le dernier, LE TROISIÈME ŒIL, appartient au cinéma de genre : l’histoire d’un snuff movie trouvé sur le net par un père de famille à la recherche d’un prénom pour son futur bébé.

Dans ton sommeil ne semble pas outrageusement violent, mais a quand même fait quitter la salle à quelques spectateurs.
Notre film se focalise sur la question des apparences. Nous ne le trouvons pas extrêmement violent, en tous cas, il l’est moins explicitement que d’autres films de genre français de ces dernières années. Ainsi, le meurtre d’un enfant a t-il été filmé hors champ, avec la caméra qui se focalise sur le tueur plutôt que sur sa victime. Mais d’un autre côté, nous avons voulu recréer une violence réaliste, crédible.

Quel est votre prochain projet ?
Les films de genre restent encore assez peu acceptés en France. Aussi, notre prochain projet lorgne plus vers le thriller à la Hitchcock. Il s’intitulera « Le totem » et s’attardera plus encore à la psychologie des personnages. Nous n’avons pas pour ambition de nous spécialiser dans le cinéma de genre… mais nous sommes heureux d’avoir pu réaliser Dans ton sommeil. Le premier film que nous avons écrit ne se rattache d’ailleurs nullement au genre puisqu’il s’agit d’un drame sur l’enlèvement d’un enfant. Dans ton sommeil est notre troisième scénario, le premier qui a trouvé financement.

Comment avez-vous différencié votre principal protagoniste de la masse des serials killers cinématographiques ?
Notre tueur n’est pas schizophrène. Il est pleinement conscient de ces actes, il est manipulateur. Mais ce n’est pas un être surhumain. Il éprouve aussi de la peur et tente parfois d’inspirer de la pitié. Nous croyons qu’il n’aime même pas tuer, mais qu’il ne peut pas résister à ses pulsions. On a essayé de brosser un portrait de la complexité humaine.

Le casting a-t-il été facile à réunir ?
Oui, assez facilement. Arthur Dupond a été trouvé via des essais de casting, Anne Parillaud a aimé le scénario et Jean-Hughes Anglade tient un petit rôle dans le projet. Il a accepté pour pouvoir recroiser Anne Parillaud avec qui il a joué dans Nikita. C’est une sorte de clin d’œil.

Parlez-nous de la production de ce projet
Le film a couté 1,4 million d’Euro, ce qui est peu pour un long métrage. Le tournage s’est limité à trente jours, un timing très serré. Aussi avons-nous dû légèrement tailler dans le scénario avant le tournage pour nous adapter à cette donne. Nous avions de toute manière beaucoup préparé à l’avance. Le film ne s’est pas construit sur le plateau via des improvisations, même si naturellement l’une ou l’autre chose peuvent surgir sur le moment. La structure que vous avez découvert était prévue telle dès le scénario.

En soi, en dépit des limites temporelles, le tournage a été assez facile, les acteurs se sentaient impliqués dans le projet et se sont montrés disponibles. La plus grande difficulté à été de tourner de nuit, ce qui occasionne un véritable casse-tête d’éclairage pour que ce dernier semble naturel. L’autre problème est inhérent aux tournages en extérieur : la pluie s’est invitée sur le plateau.

Qui fait quoi dans un tandem qui cosigne sa réalisation ?
Il n’y a pas de séparation stricte, chacun occupe les différents postes qui incombent au réalisateur. Tout au plus avons-nous chacun notre feeling propre par rapport aux acteurs qui fait que l’un ou l’autre se consacre mieux à tel ou tel interprète.

Et comment s’est passée l’écriture?
Là aussi, le scénario a été rédigé à quatre mains, sur base d’un brainstorming initial. La rédaction a procédé par apport de couches successives.

Eric : j’ai peut-être plus apporté les grandes idées

Caroline : et moi, sans doute un peu plus œuvré aux détails, à la remise en ordre des éléments.

L’écriture a en tous cas été relativement rapide, contrairement à notre scénario précédent. Celui de DANS TON SOMMEIL exigeait peu de recherches, tout au plus celles relative à la psychologie des tueurs en série.

Par contre, on a effectué beaucoup de recherches cinéphiles… pour ne surtout pas copier et ne pas référer à d’autres films. On a particulièrement cherché à éviter les clins d’œil au cinéma américain car il est évident que vu les moyens, on ne fera pas mieux qu’eux. Nous pensons que notre film doit se suffire à lui-même.

Mais nous avons cependant suivi certains des codes des films d’horreur car ça nous amusait.

L’horreur à la française à le vent en poupe. Quels films de genre français conseilleriez-vous ?
Eric : je citerais HAUTE TENSION, LES YEUX SANS VISAGE, LES DIABOLIQUES, ILS… et j’ai envie de défendre un film sur lequel tout le monde s’est acharné, LA HORDE. D’accord, ce n’est pas comparables à 28 JOURS PLUS TARD, mais c’est un peu vite oublié que les films de zombis sont, dans leur grande majorité constitués de série B ou Z. LA HORDE est quand même bien mieux fait que nombre de ces sous-produits.

Et en sortant du cinéma de genre ?
Eric : hors cinéma de genre, j’ai particulièrement été touché par certaines productions françaises récentes : UN PROPHÈTE bien sûr, mais aussi A L’ORIGINE et WELCOME.

Hors du cinéma français, je me tournerais vers Sam Mendes, Paul Thomas Anderson, et le MR NOBODY de Jaco Van Dormael qui s’est aussi injustement fait étriller par la critique pour un film qui fourmille d’idées.

Eric et Caroline : on est quand même très admiratifs du parcours d’un Amenabar qui a su construire une filmographie extrêmement variée et toujours intéressante.

Comment vous situez-vous par rapport au fait que DANS TON SOMMEIL n’a pas rencontré son public lors de sa sortie salle en France ?
Tous les films de genre se plantent au box office en France… mais ce qui est encourageant, c’est qu’en dépit de ça, des projets continuent à se monter. Le problème vient principalement de la distribution de ces titres en salle.

Pour notre part, nous n’avons pas pu bénéficier des aides de financement pour les films d’Art et essais mais nous n’avions pourtant pas la force de frappe marketing pour jouer à armes égales avec les blockbusters programmés en multiplexe. DANS TON SOMMEIL est sorti sur 40 copies en France, le même jour qu’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES de Tim Burton, de surcroît le lendemain de l’opération Printemps du cinéma. Autant dire que la sortie a été inaperçue. Ce n’est pas que le film a nécessairement déplu, c’est surtout qu’il n’a pas été vu.
Heureusement, il s’est bien vendu à l’international, déjà dans 20 pays. Et pour la France, on espère que le public le redécouvrira lors de sa sortie en DVD, prévue chez Albany.

Merci à Caroline et Eric du Potet et au Festival du film de Bruxelles

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Pour la photo des réalisateurs: copyright Christophe Timmermans


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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