Un texte signé Sophie Schweitzer

Royaume-Unis - 2017 - Peter Mackie Burns
Interprètes : Emily Beecham, Geraldine James, Tom Vaughan-Lawlor

Festival du Film Britannique de Dinard 2017review

Daphné

Daphné est une jeune femme qui brûle la chandelle par les deux bouts. Balancée entre ses histoires avec les hommes sans lendemain, sa manie de ne jamais rien prendre au sérieux, de fuir sa mère malade et d’entretenir une relation étrange avec son patron marié, Daphné fait parti de la génération Y. C’est une jeune femme qui se cherche tout en appréciant sa liberté, qui inclue également de commettre des erreurs. Lorsqu’elle est témoin d’une agression, elle commence à voir sa vie chamboulée.

Peter Mackie Burns réalise son premier long métrage avec DAPHNE. Ce réalisateur écossais de 50 ans a précédemment réalisé un documentaire COME CLOSER dans l’intimité de personnes ordinaires courageuses. C’est la première collaboration entre le réalisateur et son chef opérateur, Adam Scarth. Ce dernier montre un certain savoir faire notamment dans un plan très beau du générique avec un jeu de miroir rendant la jeune Daphné iconique l’espace d’un instant. La mise en scène met toujours un point d’honneur à mettre en valeur l’héroïne.

Emily Beecham, l’actrice principale, a fait parti du casting de AVE CESAR des frères Cohen mais aussi de la série THE VILLAGE où elle s’est fait connaître. Charismatique, elle apporte l’énergie et l’humour nécessaire pour porter le film. C’est Geraldine James, l’actrice la plus connue du casting. Elle incarne la mère de Daphné. Nominée 4 fois au Bafa, elle a joué entre autres dans ROGUE ONE, UTOPIA, SHERLOCK HOLMES et THE GIRL WITH THE DRAGON TATOO.

Emily Beecham incarne un personnage mutin, une jeune femme drôle, énergique qui mélange le charme et le sarcasme avec une certaine insolence. Elle captive littéralement le spectateur ainsi que le réalisateur qui ne la quitte jamais totalement des yeux. A bien regarder le film, on dirait que Peter Mackie Burns est tombé amoureux de son actrice autant que de son personnage. Cela rend le portrait de la jeune femme d’autant plus intéressant à regarder, mais apporte le point négatif que les personnages secondaires ne semblent être que des faire-valoir.

Car aussi captivante soit l’héroïne, il n’en demeure pas moins que le film repose uniquement sur elle et relègue tous les autres à un statut de figurants, au mieux. Sans doute parce qu’aux yeux de Daphné, personne ne semble compter vraiment. Il est vrai qu’elle donne cette sensation, mais en grattant un peu la surface, on comprend qu’elle est surtout bouleversée par ce qu’elle a vu, et vécu. Sa manière de vivre les choses et de les encaisser ne fonctionne plus après cette agression. Elle doit alors trouver un autre moyen de tenir en équilibre. C’est ainsi qu’elle finit dans le cabinet d’un thérapeute.

Ce qui est notable dans le film c’est le le portrait d’une génération qui encore aujourd’hui se cherche, refuse de se caser dans les anciennes castes de la société britannique et voudrait balayer les anciennes règles pour s’en construire de nouvelles. Le ton du film est assez sombre mais pas rempli de fatalité. Les sarcasmes et l’humour noir de Dapné ne sont là que pour contrer la noirceur de la vie, du monde, pour la tourner en dérision.

Le film nous montre une galerie de personnages originaux, comme ce videur qui est plus intelligent qu’il n’en a l’air, ou encore ce psychiatre maniant encore mieux le sarcasme que Daphné. S’il y a bien quelques clichés, comme la patrone qui surveille Daphné du coin de l’œil, il y a aussi des moments de grâce comme la séquence où Daphné vient à un repas de famille. La fin du film est assez touchante.

S’il est probable que le film parle et plaisent aux trentenaires, DAPHNE est un film générationnel et de ce postulat se ferme aux autres générations qui ne comprendront pas la complexité de l’héroïne ni de ses motivations à agir ainsi. Le film ne tente pas de faire comprendre cette génération mais plutôt d’épouser son point de vue au risque de le rendre anecdotique. Reste Emily Beecham, charmante et séduisante, véritablement l’attrait principal du film.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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