Darna Zaroori Hai

Un texte signé Patryck Ficini

Inde - 2006 - Ram Gopal Varma
Interprètes : Manish Gupta, Sajid Khan, Jijy Philip, Prawal Raman, Chekravarthi, Vivek Shah ; interprètes : Ritesh Deshmukh, Anil Kapoor, Mallika Sherawat

Voici une production Ram Gopal Varma, le « Mr Horreur » du Bollywood actuel. Ce film à sketches dans la lignée des CREEPSHOW américains est la séquelle de DARNA MANA HAI, qui fonctionnait sur le même principe. Dans les deux cas, le succès n’a pas été au rendez-vous mais cela n’empêche nullement d’y trouver un certain intérêt.
Tout d’abord, parce que l’horreur a été en quelque sorte (re)lancée par les productions Varma dans les années 90-2000 à Bombay (en France, on connaît surtout le médiocre FANTOMES/BHOOT de Varma lui-même), bien qu’il y eut déjà des précurseurs auparavant comme les frères Ramsay. Ensuite, parce que Varma a été l’un des rares à supprimer chants et chorégraphies de ses films, leur donnant ainsi une stature internationale. Même s’il est vrai que cela leur enlève une bonne part de leur couleur locale, et donc de leur charme… La méthode a été reprise ailleurs, notamment dans le film d’horreur (on peut citer le très mauvais slasher ultra soft KAAL, dont la seule chorégraphie est dans son générique). Il est vrai qu’apparemment la comédie musicale se marie difficilement avec un film d’horreur premier degré. PHANTOM OF THE PARADISE ou THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW comportent ainsi une dose non négligeable d’auto-parodie. Ce jugement, trop évident, est à nuancer : chants et danses ne nuisent en rien à l’efficacité des actionners de Bollywood comme l’excellent ASHAMBAV/THE IMPOSSIBLE ou au beau classicisme de la production voisine DRACULA AU PAKISTAN.
DARNA ZAROORI HAI ne comporte donc qu’une seule chorégraphie, très sexy, pour illustrer son générique. Voir une superbe Indienne se déhancher sur des paroles du genre « vous allez mourir, vous connaîtrez la peur » (habituelles pour les groupes de metal, pas pour Bollywood !), cela produit son petit effet ! Les chorégraphes de Bollywood sont très forts pour créer des danses aussi sensuelles qu’excitantes, largement pompées dans les clips de R N’B américains.
Le second DARNA compte en vérité 7 histoires. La pré-générique, grotesque et souhaitée comique, narre la mort d’un fan de films d’horreur. L’homme doit traverser un cimetière par une nuit sans lune un vendredi 13 (rien que ça !) pour aller voir… Le premier DARNA ! C’est nul et évidemment surjoué. Dieu merci, le supplice s’arrête avec l’arrivée de la belle diablesse qui chante le générique ! Ne doutons pas que sa beauté inspirera le pardon à l’esthète…
Le fil rouge du film voit des gamins s’abriter d’un orage dans une demeure style « maison hantée ». Là ils y rencontrent une vieille femme qui se propose de leur raconter des contes terrifiants… La chute de cette histoire prétexte à la construction du film à sketches est très cruelle… Mais n’en disons pas plus ! Passons maintenant en revue les « tales from the crypt » de la vieille dame…
Réalisée par Gopal Varma en personne, la première histoire montre la peur d’un homme en proie à la hantise d’un spectre… Peut-être un autre lui-même ! C’est sans intérêt, mais correctement filmé, avec un bon usage du hors-champ pour susciter l’inquiétude. Le seul plaisir consiste ici à voir le grand Amitabh Bachchan dans le rôle principal. Le héros du super western SHOLAY a de beaux restes, on le sait !
Le scénario du second sketch est nettement plus réussi, avec notamment une chute très sympa. Un homme en panne de voiture trouve refuge chez un couple étrange qui joue tour à tour aux fantômes et aux spirites. La fille est magnifique, mais son mari hélas grotesque : grosse moustache, cheveux longs et bouclés : on le croirait sorti d’un groupe de rock des seventies ! Cette erreur de casting mise à part, ça marche plutôt bien même si le côté « vrais-faux fantômes » irrite un peu.
Le troisième sketch voit l’arrivée d’un agent d’assurances très envahissant dans une petite famille. Amusant au début, inquiétant à mesure que la folie et la dangerosité de l’intrus (qui en fait sans doute un peu trop) apparaissent au grand jour. Le tout s’avère honnête même si bien peu excitant.
Suit une fort bonne histoire de spectre vengeur, avec une belle auto-stoppeuse rencontrée par un réalisateur de films d’horreur. Evidemment, le parti pris du final peut décevoir, mais c’est aussi le risque quand on veut surprendre à tout prix. DARNA ZAROORI HAI joue beaucoup sur les faux-semblants : les faits sont-ils surnaturels ou pas ?
Possession et vendetta de l’au-delà (encore !) sont au programme du dernier conte horrifique. Sans bouleverser, cela s’avère encore une fois correct et distrayant.
Au fond, DARNA ZAROORI HAI est un très honnête produit qui fait passer un bon moment, sans plus, réalisé et écrit à l’américaine (avec quelques gros effets bollywoodiens en plus !). On peut bien sûr regretter que les 7 réalisateurs n’exploitent pas leur propre culture et ne font que ce qui aurait été aussi faisable en Occident. Sans doute est-ce là une volonté d’internationaliser le produit mais c’est dommage. Après tout, des écrivains anglo-saxons n’hésitent pas, eux, à utiliser des éléments indiens et/ou hindous pour leur récits d’horreur (par exemple, Dan Simmons avec le très beau CHANT DE KALI ou dans une moindre mesure Christopher Pike dans sa sympathique série LA VAMPIRE ). A part cela, le film est résolument soft. Il y a de l’angoisse, du fantastique, certes, mais pas une seule scène gore. C’est un choix comme un autre, respectable, mais il convient de prévenir le spectateur qui pourrait s’avérer déçu s’il s’attend à des débordements de violence.
Ce n’est donc pas avec DARNA ZAROORI HAI qu’on découvrira une conception indienne de la peur à l’écran…


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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