De passage au NIFFF où il fait bon se mettre à l’ombre

Un texte signé Philippe Wiedmer

JEUDI-VENDREDI

Soyons honnêtes : même si ces lignes sont le témoignage de mon passage au NIFFF pour Sueurs froides, il est bien clair que compte-rendu ou pas, je n’allais en aucun cas louper cette nouvelle édition. Tout ce qui suit n’est donc que quelques mots sur un pèlerinage annuel devenu quasiment vital. Et il suffit de se glisser dans les conversations de sorties de salle pour se rappeler que le cinéma est un art populaire, que les avis, comme les sensibilités divergent souvent. Parfois, elles convergent ; j’espère que ce sera le cas ici.
Seul festival helvétique dans la constellation des rendez-vous européens des amateurs de cinéma fantastique, le NIFFF se taille une solide réputation. Dernier coup d’éclat en date, la venue en 2006 de George Romero en personne accompagné de John Landis place la barre très haut. En toute logique, l’habitué prend goût à ce label de qualité et vient pointer ses mirettes avides sur les bords du lac de Neuchâtel serein et convaincu d’une nouvelle avalanche de pellicule jouissive.
Cette année est placée sous le signe de la Corée et du cinéma 3D. Park Chan Wook et Ryoo Seung-Wan conviés par les organisateurs viennent animer la rétrospective Korean Thrills. Dans le registre plus léger du cinéma en relief, plusieurs séances tardives se feront lunettes en carton sur le bout du nez. Les compétitions internationales longs métrages, la sélection New Cinema from Asia, des midnight screening et des programmes de courts métrages viennent compléter ce programme. Qui se laisse découvrir dans une édition du catalogue, comme à son habitude, luxueuse et détaillée. Pour la première fois, un cinéma open-air vient souligner le côté estival de ce rendez-vous. Un film par jour y sera projeté.
Le NIFFF, c’est bien entendu des films, des émissions de radio en direct, quelques conférences, mais c’est aussi un festival à visage humain bercé par la bonhomie des habitants du littoral neuchâtelois. Devant les trois cinémas Appolo qui servent de base, une tente dressée dans les jardins rappellent que le NIFFF c’est aussi un peu de début des vacances. La rue devenue piétonne, les allers-retours cantine salle obscure peuvent débuter. Le ballet va durer cinq jours.
Le décor est planté, place au plat de résistance. Difficile, après tant d’attente de se voir déçu lors d’une première séance. Tout arrive même au meilleur. Le challenge de JADE WARRIOR était de taille. Antti-Jussi Annila, réalisateur finlandais passionné de cinéma hongkongais, s’est lancé dans une entreprise peu commune : rassembler en seul film ses passions cinématographiques et ses origines. Mêlant légende finnoise et mythologie chinoise vues au travers des démêlés d’un forgeron et d’un antiquaire, JADE WARRIOR s’enlise rapidement dans ce qui devait lui donner son intérêt. Inutilement compliqué, difficile à suivre et plombé de longueurs tour à tour romantiques ou belliqueuses, il ne sera qu’un faux départ. L’arrivée en relief des nonnes de REVENGE OF THE SHOGUN WOMEN (1977) vient replacer le festival dans une de ses fonctions essentielles : l’exhumation de l’inconnu ou du négligé. Le moins courant des films qui composent la sélection Cinéma 3D, parmi HOUSE OF WAX, FLESH FOR FRANKENSTEIN, CREATURE FROM THE BLACK LAGOON ET IT CAME FROM OUTER SPACE, tiendra ses promesses. Son charme désuet, transcendé par un doublage anglais d’une nonchalance affolante sait faire oublier la surexploitation des « effets de profondeurs ». Le partage de ce moment unique ravit et donne un ton encourageant à cette fin de soirée. Le jeudi s’achève.

C’est avec le Danois Anders Ronnow-Klarlund que débute la soirée de vendredi. Comédie amère, HOW TO GET RID OF THE OTHERS atteint sa cible avec précision. Par des démonstrations inquiétantes, il se laisse aller à prouver l’impensable. Une guerre déclarée aux inadaptés sociaux a pour unique solution leur extermination. Mené par un major solide et méchamment convaincant, ce nettoyage radical inquiète par son pouvoir de persuasion. La manipulation de l’image et du discours donne toute sa force à cette vision froide des remèdes possibles à l’équité sociale. Le cinéaste sidère par son audace vénéneuse à placer le niveau de compassion pour les victimes au niveau zéro. L’action cède la place à l’action : DYNAMITE WARRIOR est un véritable cours de boxe thaïlandaise sur fond de comédie romantique. Galerie de sales gueules hors du commun, le tout est mollement ficelé autour de deux scènes phares. Une mémorable bagarre au milieu d’un troupeau de buffles engagée par un Dynamite Boy qui entre en scène debout sur son « surf-fusée » et une conclusion par le vide lors de l’attaque définitive d’un hôtel à grand renfort d’explosifs. La tête pleine des déclamations nasales de ces affreux voleurs de bétail, il est temps, bière à la main, de rejoindre la salle de la dernière séance. Surfant sur la vague du succès mérité du remarquable remake de LA COLLINE A DES YEUX, Martin Weisz remet le couvert. Annoncé comme plus violent et plus ceci et plus cela, ce deuxième volet n’est qu’une longue esbroufe souterraine. Le désert et les tronches tordues par les essais militaires sont les maigres reste de l’illumination initiale de Wes Craven. Mais quand on aime, on ne compte pas. La grand-messe de la pellicule a pris son rythme de croisière, les lumières s’éteignent sur Neuchâtel aux alentours des trois heures du matin. Le repos sera bref.

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- Article rédigé par : Philippe Wiedmer

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